À la fois bourreaux et patients, on a usé toutes nos forces à combattre l'un contre l'autre ; il ne nous en restait plus pour s'arracher au gouffre qui nous engloutissait peu à peu. On était impuissant à sauver notre amour, et nous le sentions, ce qui augmentait encore notre impuissance. Il eût fallu avoir le courage de se séparer momentanément, de se fuir, de demander aux voyages leurs distractions forcées, de se retremper dans la nature ; car l'homme est fils de la terre comme Antée, et reprend sa vigueur épuisée quand il touche le sein maternel. Il aurait fallu chercher à se guérir loin l'un de l'autre par l'absence, qui déjà est une forme de l'oubli, afin de se retrouver ensuite vivifiés, ayant vu les choses d'un objectif plus éloigné, et par conséquent plus juste, et prêts à recommencer, non pas cet amour forcené qui avait abouti au désastre, mais une liaison douce, intelligente, indulgente et prévoyante, dont le commerce aimable peut si facilement s'établir entre deux esprits actifs et deux bons cœurs.