La condition de l'homme sur la terre est aussi parfaite que l'exige sa nature : vouloir la changer, c'est vouloir changer l'ordre des choses, et ce serait une folie. Tout ce qu'on peut faire, et qui est digne d'un sage, c'est d'apprendre à l'homme à bien connaître sa situation actuelle, et à profiter utilement du temps présent. L'entretenir de sa grandeur passée, ou de celle qu'il pourrait avoir, c'est l'occuper en vain des choses qui ne sont plus, et qui ne peuvent pas être, et lui faire perdre de vue ce qu'il est, et ce qu'il doit faire. Il est susceptible de certaines connaissances qui l'élèvent et le distinguent essentiellement des autres créatures : telle est l'origine de sa supériorité, et quel vaste champ pour exercer son esprit et son cœur ! Mais il ne saurait atteindre à tout, il est beaucoup d'objets qui lui échappent ; il est souvent obligé de s'arrêter dans sa course, et d'avouer son ignorance : telle est la marque de sa dépendance, et que de motifs d'abaissement et d'humiliation ! Voilà l'homme tel qu'il est sur la terre, ayant assez de lumières pour pouvoir se conduire, en ayant trop peu pour pouvoir s'enorgueillir de celles qu'il a.