Si personne ne voulait servir, la société serait impossible ; et ceux qui servent sont aussi nécessaires que ceux qui sont servis ; et ceux qui sont servis ne sont pas plus que ceux qui servent ; et ceux-là méritent le plus et enrichissent la société qui servent le plus et qui lui donnent une plus grande quantité de leur travail.
Parmi les hommes, il en est qui servent, et il y en a d'autres qui sont servis et ceux-ci ne doivent point s'enorgueillir d'être servis, et traiter avec arrogance ceux qui les servent ; et ceux-là ne doivent point être humiliés, parce qu'ils servent ; mais tous, et ceux qui servent, et ceux qui sout servis, doivent se rappeler qu'ils sont frères, et que la société repose sur un échange mutuel de services et d'amour.
Pour celui qui a perdu un ami la vie est sans charmes, le plaisir sans bonheur, le jour sans lumière, la nature sans beauté ; parce qu'il n'a plus avec lui le cœur par lequel il voyait tout, par lequel toutes les joies et toutes les espérances arrivaient à son âme.
La perte d'une sœur ou d'un frère, d'une mère ou d'un père dans une famille, c'est une fleur de moins sur une branche, c'est un fruit de moins sur un arbre, une espérance de moins pour l'avenir, un souvenir de plus pour le passé, une larme de plus pour ce calice que Dieu tient ouvert sous l'œil de chacun de nous, et que nos douleurs doivent remplir jusqu'aux bords.
L'amour d'un père fortifie le cœur et corrobore la volonté de ses enfants : son travail les enrichit, et il se fatigue pendant sa vie pour leur laisser après sa mort le repos dont il n'a pas voulu jouir lui-même. Gardez avec soin dans votre cœur la dernière bénédiction de votre père, et ne contristez point son âme qui vous regarde d'en haut, par des actions qui vous ôtent l'amour de Dieu ou l'estime des hommes.
Que le souvenir de votre père ne s'éteigne jamais dans votre cœur, ô vous qui ne pouvez plus marcher à la lumière de sa pensée, ni enrichir votre âme des trésors de son expérience et de ses conseils ! et que sa tombe soit encore pour vous après sa mort comme un jalon planté sur la route de votre vie, pour vous montrer le chemin que vous devez suivre et le but auquel vous devez arriver.
Ne donnez point de repos à votre foi ni à votre prière, ô vous qui ne pouvez plus vous appuyer sur la tige d'où vous avez fleuri ! et que le nom de votre mère revienne sans cesse sur vos lèvres dans vos entretiens avec Dieu, puisque vous ne pouvez plus causer d'elle qu'avec lui, puisque vous ne pouvez plus la trouver qu'en la cherchant au ciel.
Heureux l'homme à l'œil de qui Dieu n'a pas encore demandé de larmes pour le tombeau d'une mère ! Heureux celui dont la main n'a point eu à fermer la paupière d'un ami ! Heureux celui dont les pieds n'ont pas dû suivre à sa dernière demeure le corps inanimé d'un frère !
Heureux celui qui, après avoir trouvé un véritable ami, peut vivre toujours la main dans la sienne, toujours s'illuminer de son regard, toujours se réchauffer à son cœur, toujours s'appuyer sur son bras, toujours se désaltérer de sa pensée, toujours se nourrir de sa parole et de ses conseils, toujours se fortifier de sa force ! Heureux celui qui, sur son lit de mort, voit son ami à genoux près de lui, et qui s'endort doucement, bercé par les tendres prières de l'amitié !
Soyez prudent et attentif dans le choix de votre ami, mais une fois que vous l'avez choisi, fermez les yeux, et tenez-vous à sa main jusqu'au tombeau. Car l'amitié s'appuie sur l'estime pendant qu'elle se forme, mais dès qu'elle a pris possession d'un cœur, elle ne repose plus que sur elle-même. Les défauts du caractère, les faiblesses du cœur, ne la détruisent pas ; elle ne peut être ébranlée ou renversée que par les fautes qui l'attaquent directement et qui vont droit au cœur.
Le secret est un oiseau volage que l'amitié seule peut apprivoiser. Malheur à celui qui le laisse échapper, car il volera d'une bouche à l'autre, et il ne sera plus possible de le ressaisir.
L'association est la richesse du pauvre et la force du faible.
Ayez pour amis tous ceux dont l'esprit peut vous donner de la lumière, dont l'âme peut vous donner de la chaleur, et dont le caractère peut se marier avec le vôtre ; car l'amitié n'est point un sentiment exclusif ; elle dilate le cœur comme la charité dont elle est l'image ; et il suffit d'avoir un fidèle ami pour désirer d'en avoir plusieurs.
L'homme ne peut voir que son image, c'est en lui retraçant son image que le miroir apprend à son esprit quels sont les traits de sa figure. L'homme ne retrouve son image que dans l'homme : le cœur ne se réfléchit bien que dans le cœur ; et le miroir le plus fidèle et le plus sincère pour l'âme, c'est l'âme d'un véritable ami.
L'amitié a sa racine dans l'estime et sa fleur dans le sacrifice. Elle commence ordinairement par un acte de l'esprit ; et à ce premier degré, elle n'est encore qu'un jugement sur la convenance et l'harmonie des caractères ; puis elle passe dans le cœur qu'elle incline doucement vers le cœur de l'ami, et dès lors elle devient sentiment et instinct ; plus tard, elle entre dans la volonté qu'elle lie à la volonté de l'ami par des liens si forts, que chacune des deux se briserait plutôt que de vouloir quelque chose contre l'autre ; à ce degré, l'amitié est une passion et comme un besoin de l'âme. Enfin elle monte dans l'intelligence, et produit dans les deux êtres qu'elle associe, une unité ou plutôt une identité de pensées et d'affections telle, que tous deux s'entendent sans se parler, se rencontrent sans se chercher. Ce que l'un croit, l'autre le croit ; ce que l'un aime, l'autre l'aime comme lui. Tous deux se réfléchissent l'un dans l'autre ; ce sont deux âmes jumelles formées sur le même modèle, deux fleurs qui se sont épanouies d'une même tige, deux rayons qui émanent d'un même foyer de lumière. À cet état, l'amitié, c'est l'extase ; mais elle est si près du ciel que peu de personnes peuvent y atteindre.
Ayez un ami qui puisse conseiller vos désirs et mûrir sous le souffle de son cœur les projets qui germent dans votre tête ; car, dans toutes les entreprises qui vous intéressent personnellement, il y aura toujours bien des choses qui vous échapperont, et vous vous laisserez emporter outre mesure par des espérances sans fondement, ou retarder par des craintes imaginaires.
Ne vous étonnez pas qu'il y ait si peu de probité sur la terre puisqu'elle est si rare parmi ceux mêmes qui gouvernent le monde, et qui doivent former la conscience des nations.
Les réputations se font et se défont comme ces châteaux de cartes qui amusent les loisirs des enfants.
L'amitié aujourd'hui a été remplacée par la politesse ; et la flatterie avec son langage mielleux et perfide a supplanté la courageuse franchise de l'amitié. L'homme n'a plus besoin de savoir ce qu'il est, parce qu'il lui importe peu d'être quelque chose ; il ne veut que paraître, parce qu'il cherche les regards des hommes et leurs applaudissements.
Le chaste baiser de la femme éclaircit le front obscurci par la colère ; il rafraîchit les ardeurs cuisantes de l'angoisse, et attire les saintes pensées comme l'aimant attire le fer.
L'amitié ne procède ni de la volonté du sang ni de la volonté de la chair, mais de la volonté de l'esprit et du cœur.
Le regard d'un ami doit être pour nous ce que la lumière est pour nos yeux.
Il est doux pour des amis de se porter mutuellement et de pouvoir se dire : Donne-moi ce qui me manque, et ce qui te manque, je te le donnerai ; quand je serai faible, tu me tendras la main ; et si je te vois près de tomber, je te tendrai la mienne.
La placidité du regard de la femme apaise les tempêtes qui bouleversent le cœur de l'homme, et l'éclair qui jaillit de ses yeux fait descendre une lueur d'espérance dans les sombres abîmes de la douleur.
C'est un précieux trésor pour l'homme qu'une femme qui l'aime : car, après l'ange, aucun être ne sait aimer comme elle. Il n'y a point de cœur d'où l'amour tombe de plus haut, et à flots plus larges et plus pressés, que du cœur de la femme. La tendresse n'a point de source plus profonde, le dévouement n'a point d'abandons plus sublimes, le sacrifice n'a point d'actes plus saints et plus complets que chez une femme.
La femme sait également aimer les autres et s'aimer elle-même, oublier les autres pour elle, ou s'oublier pour ceux qu'elle aime.
Les mystères de la pensée ont été confiés à l'homme, et Dieu a attaché l'action comme un bracelet à son bras : les mystères de l'amour ont été confiés à la femme, et Dieu a attaché toutes les affections comme un collier sur son cœur.
Il n'y a qu'une chose qui ne peut jamais être belle en ce monde, c'est le faux. C'est pour cela que ce qui est bas, factice ou affecté, ne saurait plaire à l'esprit ou au cœur de l'homme. Car ce qui est bas est au-dessous du vrai ; l'affectation est au-dessus, et le factice est en dehors de la vérité. Toujours le cœur de l'homme se soulèvera contre ce qui est bas ; toujours l'intelligence repoussera ce qui est affecté ; toujours ce qui est factice contristera l'imagination.
La poésie est l'art de l'intelligence, la plastique est l'art des yeux, et la musique est l'art de l'oreille. La poésie relève par le rythme les formes de la parole ; la plastique embellit par le jeu des lignes ou des couleurs les formes du corps humain et de la nature, et la musique ennoblit par l'harmonie les charmes de la voix.
La parole gouverne le monde aujourd'hui, et ceux qui sont dépositaires de la parole sont les véritables rois du monde ! Penser, c'est régner ; parler ou écrire, c'est gouverner ; et l'empire de l'écrivain n'a point de bornes parce qu'aujourd'hui le jet de la pensée est plus rapide que l'éclair, et que sa voix est plus forte que celle du tonnerre.
L'homme n'est pas fait pour vivre seul ; la société est nécessaire à son corps aussi bien qu'à son âme ; l'association développe et multiplie ses forces et sa puissance : seul, il s'alanguit, s'étiole comme une fleur qui n'a point de soleil, et devient un fardeau pour les autres et pour lui-même.
Il vaut mieux payer par un service le service que l'on reçoit que de mendier à la porte du riche pour y essuyer peut-être un refus outrageant. Il est mieux pour les pauvres de s'aider mutuellement que d'être à charge à ceux qui n'ont jamais trop pour le luxe et les plaisirs.
Un ami fidèle est une chose si précieuse et si rare que la moitié de la vie serait utilement employée à le chercher, si on pouvait le trouver et en jouir l'autre moitié. Si donc vous en possédez un, gardez-le avec soin ; car c'est un présent dont la main de Dieu est avare, et rarement un ami perdu peut être remplacé.
Si la vie est trop pesante pour vous, portez-la en commun avec d'autres, et son poids vous deviendra léger. Pourquoi ne continueriez-vous pas de faire toujours ce que vous faites dans les circonstances où vous croyez être trop faible pour agir seul ? Le fil léger que le doigt d'un enfant brise sans effort, ajouté à d'autres fils, forme un câble dur et fort qui peut soulever les poids les plus lourds.
Si vous êtes pauvres, allez trouver d'autres pauvres comme vous, et dites-leur : Nous sommes dans l'indigence ; mettons en commun notre vie ; habitons sous le même toit ; aidons-nous mutuellement à supporter notre malheur ; l'isolement augmente la pauvreté ; unissons-nous, afin d'adoucir un peu notre sort.
Ô vous qui êtes pauvres et délaissés, associez-vous les uns aux autres. Le malheur est un lien puissant, et la souffrance est un ciment bien fort pour les hommes. Celui qui a froid se réchauffe en se pressant contre son frère ; celui qui est trop faible pour soulever un fardeau, va trouver son ami, et lui dit : Viens, prête-moi pour un moment ton bras et tes forces, et tous deux font ensemble, ce que ni l'un ni l'autre n'aurait pu faire seul.
Ô vous, qui possédez peu, associez-vous, et le peu que vous avez, ajouté au peu qu'ont les autres, se multipliera outre mesure ; et ce qui suffisait à peine à l'entretien de votre vie, pourra vous procurer les bienfaits d'une honnête aisance.
Le cœur de la femme est un abime d'amour. Il sait à la fois et s'élever vers ce qui est plus haut que lui, pour l'admirer et le vénérer ; et se pencher vers ce qui est près de lui, pour l'aimer et le chérir ; s'incliner vers ce qui est plus bas, pour l'appuyer et le soutenir. La femme a un sourire pour toutes les joies, une larme pour toutes les douleurs, une consolation pour toutes les misères, une excuse pour toutes les fautes, une prière pour toutes les infortunes, un encouragement pour toutes les espérances.
Que le boiteux prête son œil à l'aveugle, et que l'aveugle prête en échange son bras au boiteux. Que l'infirme prête sa parole au muet, et que le muet prête sa vigueur à l'infirme. Que le jeune homme prête sa force au vieillard, et que le vieillard donne au jeune homme son expérience et ses conseils. Que chacun donne à son frère ce qu'il a de plus que lui, et en reçoive en échange ce qu'il a de moins lui-même.