Voilà que, depuis vingt ans, nous avons, en France, tourné le dos à l'espérance et nous l'avons remplacée par la peur. Peur de perdre son emploi, peur de perdre sa couverture sociale, peur des immigrés, peur de Le Pen, peur de Maastricht, peur de la mondialisation de l'économie, peur pour les enfants qui ne connaîtront plus l'ascenseur social, et tout cela finit par tourner à la peur de vivre.
En quatre-vingts ans, j'ai vu le monde se transformer de fond en comble à travers bien des tumultes, et la France traverser bien des crises. Je n'ai jamais vu, dans les pires moments, qu'elle soit en crise d'espérance.
Si mes jours se prolongent, j'écrirai encore un livre, peut-être deux, mais je suis au bout de ma route, maintenant. Recommencer ? Ah non ! La balance est trop lourde du côté des douleurs. Me réincarner, voilà qui me plairait bien. J'aimerais être chat dans une bonne maison, un chat soyeux et moqueur.
Dans l'avenir tel qu'il m'apparaît, personne ne sera plus propriétaire de son emploi. Personne ne vieillira plus dans son entreprise en attendant la retraite. On changera peut-être vingt fois d'employeur dans une vie. Le maître mot sera précarité, insécurité dans le travail.
Ainsi, à 72 ans, me suis-je mise à l'ordinateur. Longtemps j'ai pensé que j'en serais incapable, que c'était bien de la prétention de croire que j'aurais encore cette faculté d'adaptation. C'est l'un de mes petits-fils qui m'a convaincue du contraire : « je te connais, m'a-t-il dit. Tu te débrouilleras très bien. » Il m'a donné l'adresse où acheter l'animal. Et puis s'est produit le miracle : en trois leçons d'une heure et demie, j'ai appris à maîtriser la merveilleuse machine. Outre les services que celle-ci me rend, l'épisode a agi sur moi comme une injection de jeunesse. Donc, dans ma tête, je n'étais pas rouillée, je pouvais encore.
Si vieillir, c'est se désintéresser et devenir indifférent, ce malheur là m'est épargné.
La sagesse des nations prétend que chaque âge a ses plaisirs. Foutaise ! Je n'ai jamais vu que la vieillesse ait les siens. Mais il est vrai qu'on peut vieillir et conserver le bonheur de vivre, à condition d'être en bonne santé.
Une société française où les femmes auraient perdu le désir de séduire serait d'une tristesse infinie.
Le désir éperdu de changer le monde, c'est masculin.
Tous les hommes que j'ai connu ont aimé que je sache m'habiller, du matin au soir, et pas seulement me déshabiller.
Avant de s'éteindre, il faut vieillir, c'est là une série de petites morts qu'il faut subir. Perdre ses moyens, c'est mourir un peu, et c'est révoltant. Voir un visage se faner, un corps se déformer, des mains se couvrir de taches, c'est mourir un peu, et c'est dégoûtant. Renoncer enfin à sa capacité de séduction, devenir transparente aux yeux des hommes, c'est mourir à toute une part de soi-même, et c'est dur à vivre.
Si vous compreniez à quel point l'ignorance humaine conduit la Terre à sa destruction, vous en seriez terrifié !
Il y a des choses, pour les comprendre, il faut les avoir vécues.
Il n'est pas d'amour sans respect réciproque. S'il n'existe pas tout de suite, il n'existera jamais.
Libre, c'est le mot que l'on emploie pour désigner les hommes en instance de séparation. Des femmes en rupture de mariage ou de liaison, on dit qu'elles sont seules.
Dans tout homme et femme s'éveille un jour le besoin de donner la vie qu'engendre la peur de la mort, le besoin de se ressentir indispensable, puissant auprès d'un faible, aimé sans avoir à solliciter.
Protéger le gros contre le faible, voilà l'idéal des sociétés actuelles !
Vivre sans téléphone portable, vous imaginez le supplice ?
La plus grande injustice de la société actuelle, c'est l'état « d'intouchable » dans lequel se trouvent les « puissants » de ce monde. Non pas seulement les puissants d'un pays, mais ceux d'une ville, d'un village même, ceux que l'on n'osera jamais affronter même s'ils ont commis la plus odieuse des injustices.
Les raisons du commerce sont toujours les plus fortes.
Il y a des abîmes d'où personne ne peut vous sortir.
Bonheur ne dit pas absence d'angoisse ; il en faut même pour mieux apprécier son bonheur.
Pour transformer le monde, il faut le comprendre.
Le propre des véritables œuvres d'art, c'est de paraître laides et de devenir belles.
Les enfants ont un besoin absolu et continuel d'affection pour se développer.
Dès qu'il y a rivalité, même cachée, l'influence s'évanouit ; l'autre doit être écarté, voire écrasé.
L'envie est un vilain défaut.
Bien vieillir, c'est ce qu'il y a de plus difficile.
On ne peut pas être heureux tout le temps.
Quand on aime, tout est permis.
On ne possède pas un chat, c'est lui qui vous possède.
On ne prend pas une nationalité comme on prend son parapluie.
La jeunesse est courte, c'est la vie qui est longue.
Mieux vaut un amour sans fidélité qu'une fidélité sans amour.
Le seul véritable plaisir, c'est celui de faire rire.
Se souvenir, c'est s'écorcher.