Les sociétés n'ont pas de sentiments, elles n'ont que des intérêts.
Si la carrière politique conserve son homme, c'est parce qu'elle met en mouvement toutes sortes de passions sans jamais les assouvir durablement : ambition, appétit de puissance, esprit de conquête, volonté de convaincre. Que les motifs soient plus ou moins nobles, ce n'est pas le problème. Ils sont, ils animent, ils soulèvent. L'homme politique, perpétuellement remis en question, contesté, combattu, menacé, n'a jamais la dangereuse faculté de déposer les armes.
Quelle est la différence entre un ingénieur de 45 ans et un ministre du même âge ? C'est que le premier est un vieux cadre et le second, un jeune ministre. Curieuse propriété de la carrière politique. Mieux que les vitamines et le yoga, elle préserve aujourd'hui de basculer prématurément du côté où l'on croule sous le poids des ans.
Un jeune corps découvre l'amour comme on découvre la mer, violence et douceurs mêlées. Chaque nuit passée ensemble est une fête dont le souvenir nourrit jusqu'à la fois prochaine, comme une source vive.
La fidélité n'est pas dans la nature des hommes. Hélas — ou heureusement — on apprend aujourd'hui aux femmes qu'elle n’est pas non plus dans leur nature. Et la chasteté moins encore. Qu'il s'agisse d'authentique ascèse ou de renoncement à une tentation fugitive, l'une et l'autre ne pourront être vécus, demain, qu'avec lucidité, par rapport à soi et non à des rites sociaux perpétuellement transgressés.
N'employez jamais ce mot affreux : Compagne ! Autrefois, on disait sa maîtresse, son amant. C'était joli, évocateur, ma maîtresse, mon amant. Compagne, compagnon, ça fait usine !
Les femmes ne sont pas faites pour collectionner les hommes, ça les démoralise.
Il n'y a guère que l'amour qui puisse produire le miracle d'un échange égalitaire.
L'indifférence est une infirmité de l'esprit et du coeur.
Le bonheur, c'est faire ce que l'on veut et vouloir ce que l'on fait.
Une femme, avec quatre enfants, n'a pas le temps de s'ennuyer.
Être mortelle ne m'offusque pas : la mort me blesse quand elle emporte ceux que j'aime, mais elle ne m'est scandale que lorsqu'elle frappe des êtres jeunes, pas ceux qui, comme moi, sont usés.
Un mariage réussi est, en soi, une œuvre qui en vaut bien une autre.
Que Dieu protège les enfants dont la mère a pleuré la naissance.
Tant bien que mal, avec des succès et des échecs, je me suis gouvernée depuis l'âge tendre ; j'ai connu de grandes douleurs, de grands malheurs : on ne peut pas être heureux tout le temps.
Dans ce pays, on divorce comme on se mouche.
J'aime la France, j'aime ce pays de façon charnelle ; j'aime ses coteaux et ses rivières, ses terres rouges, ocres ou noires, ses pierres blondes ; j'aime l'intelligence de ses habitants, comparés à ceux des autres contrées ; j'aime leur goût de la vie, sans être aveugles pour autant.
Être amoureux, cela donne des ailes.
Une certaine France est en train de disparaître, et surtout, cela va trop vite. Changer, c'est le mouvement même de la vie ; mais quand le rythme du changement dépasse la cadence naturelle des êtres humains, cela fait mal. Nous y sommes, et nous avons mal.
Voilà que, depuis vingt ans, nous avons, en France, tourné le dos à l'espérance et nous l'avons remplacée par la peur. Peur de perdre son emploi, peur de perdre sa couverture sociale, peur des immigrés, peur de Le Pen, peur de Maastricht, peur de la mondialisation de l'économie, peur pour les enfants qui ne connaîtront plus l'ascenseur social, et tout cela finit par tourner à la peur de vivre.
En quatre-vingts ans, j'ai vu le monde se transformer de fond en comble à travers bien des tumultes, et la France traverser bien des crises. Je n'ai jamais vu, dans les pires moments, qu'elle soit en crise d'espérance.
Si mes jours se prolongent, j'écrirai encore un livre, peut-être deux, mais je suis au bout de ma route, maintenant. Recommencer ? Ah non ! La balance est trop lourde du côté des douleurs. Me réincarner, voilà qui me plairait bien. J'aimerais être chat dans une bonne maison, un chat soyeux et moqueur.
Dans l'avenir tel qu'il m'apparaît, personne ne sera plus propriétaire de son emploi. Personne ne vieillira plus dans son entreprise en attendant la retraite. On changera peut-être vingt fois d'employeur dans une vie. Le maître mot sera précarité, insécurité dans le travail.
Ainsi, à 72 ans, me suis-je mise à l'ordinateur. Longtemps j'ai pensé que j'en serais incapable, que c'était bien de la prétention de croire que j'aurais encore cette faculté d'adaptation. C'est l'un de mes petits-fils qui m'a convaincue du contraire : « je te connais, m'a-t-il dit. Tu te débrouilleras très bien. » Il m'a donné l'adresse où acheter l'animal. Et puis s'est produit le miracle : en trois leçons d'une heure et demie, j'ai appris à maîtriser la merveilleuse machine. Outre les services que celle-ci me rend, l'épisode a agi sur moi comme une injection de jeunesse. Donc, dans ma tête, je n'étais pas rouillée, je pouvais encore.
Si vieillir, c'est se désintéresser et devenir indifférent, ce malheur là m'est épargné.
La sagesse des nations prétend que chaque âge a ses plaisirs. Foutaise ! Je n'ai jamais vu que la vieillesse ait les siens. Mais il est vrai qu'on peut vieillir et conserver le bonheur de vivre, à condition d'être en bonne santé.
Une société française où les femmes auraient perdu le désir de séduire serait d'une tristesse infinie.
Le désir éperdu de changer le monde, c'est masculin.
Tous les hommes que j'ai connu ont aimé que je sache m'habiller, du matin au soir, et pas seulement me déshabiller.
Avant de s'éteindre, il faut vieillir, c'est là une série de petites morts qu'il faut subir. Perdre ses moyens, c'est mourir un peu, et c'est révoltant. Voir un visage se faner, un corps se déformer, des mains se couvrir de taches, c'est mourir un peu, et c'est dégoûtant. Renoncer enfin à sa capacité de séduction, devenir transparente aux yeux des hommes, c'est mourir à toute une part de soi-même, et c'est dur à vivre.