Là où règne la liberté de penser, on se meut avec aisance dans son cercle, mais là où les pensées sont contraintes, même celles qui sont permises ne se présentent que timidement.
Si nous pouvions nous exprimer aussi bien que nous ressentons les choses, les orateurs seraient moins opiniâtres et les amoureux moins cruels.
La plus jolie forme d'ironie est de soutenir une thèse qui ne le peut être avec des arguments empreints d'amertume satirique, en faisant des citations nombreuses et en les commentant.
Quand je parle avec quelqu'un, je remarque tout de suite s'il a de l'élasticité ou s'il cède à chaque pression.
L'espérance de subsister après sa mort fait une partie essentielle du bonheur présent de l'homme.
De nos jours, trois saillies et un mensonge font un écrivain.
Il est effroyable de vivre quand on ne veut pas, mais il serait bien plus épouvantable encore d'être immortel quand on veut mourir.
Se demander sérieusement tous les soirs ce que le jour nous a fait apprendre de neuf.
Pour présenter une pensée dans toute sa pureté, il faut longtemps la laver et la polir, tout comme s'il s'agissait de présenter un corps dans sa nudité.
Il vaudrait certainement la peine de décrire deux ou trois fois une vie ; une fois comme l'écrirait un ami enthousiaste, une autre comme la décrirait un ennemi et une autre encore comme l'écrirait la vérité elle-même.
Vivre sans le vouloir est chose épouvantable, mais ce serait bien pis encore d'être éternel sans l'avoir demandé.
Si l'on ne faisait en ce monde que ce qui est nécessaire, des millions d'hommes mourraient de faim.
L'homme vivrait heureux s'il s'occupait aussi peu des affaires d'autrui que des siennes !
Habituellement, on cherche à changer les opinions sans toucher la tête ; en France, à présent on coupe au plus court : on emporte et les opinions et la tête.
Il est si délicat d'identifier l'origine des choses qui nous habite, que serait-ce alors si nous voulions déterminer celle des choses qui nous sont étrangères ?
L'homme est un être si libre que l'on ne peut lui contester le droit d'être ce qu'il croit qu'il est.
Ce qui caractérise le mieux la vraie liberté est son juste usage, et l'abus qu'on en fait.
L'homme est la mesure du merveilleux ; chercher une mesure générale au merveilleux, c'est l'avilir et rendre toutes choses égales à elles-mêmes.
Ne soit point affecté, afin qu'une personne naturellement raffinée ne remarque un jour que tu es vraiment comme tu voudrais qu'elle soit.
L'esprit et la fantaisie doivent être utilisés avec précaution, comme toute substance corrosive.
On peut difficilement se débarrasser des mauvaises habitudes, ce qu'on peut faire, c'est les cacher.
On peut vivre dans le monde en faisant des prophéties, mais non pas en disant des vérités.
Le rôle véritable de l'écrivain envers les hommes est de dire sans relâche ce que les hommes insignes ou, en général, ce que la majorité pense ou ressent sans le savoir. Les auteurs médiocres ne disent que ce que chacun aurait dit.
De même que l'on trouve de l'eau quand on creuse, de même l'homme trouve-t-il partout, tôt ou tard, l'incompréhensible.
On est toujours enclin à croire que le travail est aisé à celui qui a du talent. Il te faut peiner toujours, homme, si tu veux accomplir de grandes choses.
Un bonheur perdurable n'est jamais possible que dans la sincérité.
On trouve dans le monde plus souvent matière à s'instruire qu'à se consoler.
La prière au soleil est une chose pardonnable. Chacun regarde sans le vouloir vers un endroit lumineux ; les animaux le font et ce qui, chez le chat ou le chien, est un regard involontaire vers cette lumière, chez l'homme, cela s'appelle une prière.
Rien ne concourt davantage à la paix de l'âme que de n'avoir point d'opinion.
Une tombe est toujours la plus sûre forteresse contre les assauts du destin.
Le genre humain ne loue jamais que ce qui est bon et l'individu, lui, souvent ce qui est exécrable.
Il en est du mot d'esprit comme de la musique : plus on en entend, plus les tons doivent être élevés.
Tout apprendre, non point pour l'afficher, mais pour s'en servir.
Un livre est comme un miroir ; si un singe s'y mire, d'évidence il n'y verra point un apôtre. Nous n'avons nulle parole pour parler de sagesse à l'abruti. Il est déjà sage celui qui comprend le sage.
Ce ne sont pas les mensonges mais bien les remarques dont la fausseté est fort subtile qui retardent la réforme de la vérité.
La minceur plaît parce qu'elle permet un contact plus étroit des mouvements pendant l'amour.
Rarement un grand génie fera-t-il sa découverte en suivant les traces d'autrui, car lorsqu'il découvre des choses, il découvre habituellement le moyen de les découvrir.
Les grands hommes, en apprenant aux faibles a réfléchir, les ont mis sur la route de l'erreur.
Ce que l'on nomme une fine connaissance des hommes n'est souvent rien d'autre que les propres faiblesses de l'observateur sur autrui.
L'erreur est humaine, c'est-à-dire dans la mesure où les animaux rarement ou jamais ne se trompent, au moins les plus intelligents d'entre eux.
Faire l'opposé d'une chose est une forme d'imitation : c'est-à-dire que l'on imite le contraire.
On devrait apprendre à discerner entre ce qu'un homme pense par lui-même et ce qu'il plagie.
Celui qui bien se connaît, connaît sans peine bientôt les autres hommes. Tout est réflexion.
Des gens qui n'ont point nourri leur esprit dix ans durant, hormis de quelques miettes de journal, il y en a même chez les professeurs, et ce n'est point là une exception.
Dans plusieurs œuvres d'un homme universellement connu, je préférerais lire ce qu'il a raturé plutôt que ce qu'il a conservé.
Il y a une grande différence entre croire en quelque chose et ne point pouvoir croire en son contraire.