Les citations célèbres de Louis de Bonald :
Les petits talents comme les petites tailles se haussent pour paraître grands ; ils sont taquins et susceptibles, et craignent toujours de n'être pas aperçus.
L'homme s'affermit et se fortifie par les vicissitudes de la vie et de la fortune, pareil au fer qui durcit en passant du chaud au froid. En est-il de même de la société lorsqu'elle passe subitement du système le plus violent d'administration au système le plus modéré ?
Jamais la société n'est plus près de voir naître ou renaître les institutions les plus sévères qu'au temps du plus grand relâchement de toutes les règles ; c'est là surtout que les extrêmes se touchent, et que la nature a placé le remède à côté du mal.
Un peuple naturellement gai, si les institutions ou les événements l'attristent, tombe plus tôt qu'un autre dans l'extrémité opposée, et devient féroce.
Qui ne vole au sommet, tombe au plus bas degré.
Des jeunes gens sortent de bon matin pour aller à leurs devoirs ou à leurs affaires : l'un est passionné pour le dessin, et s'amuse le long des quais à regarder les tableaux ou les gravures qui y sont exposés ; un autre est fou de spectacles militaires, et prend un long détour pour aller voir manœuvrer un régiment ; un troisième aime les livres, et perd son temps à bouquiner en chemin : l'heure passe, et ils arrivent trop tard. Voilà la vie et les hommes.
L'impartialité à l'égard des personnes est de la justice ; l'impartialité dans les opinions est de l'indifférence pour la vérité ou de la faiblesse d'esprit.
La religion chrétienne est la philosophie du bonheur ; notre philosophie moderne est la religion du plaisir. L'une est le remède amer, mais salutaire ; l'autre le mets agréable au goût, et qui ruine la santé.
Les ambitions les plus ardentes et les plus tenaces sont celles qui ont vieilli dans l'obscurité : c'est la passion du mariage, nourrie dans un long célibat.
L'orgueil est une folie de l'esprit, et je crois qu'il peut être une cause de démence même physique. Ce qui semble le prouver, est que les fous rêvent presque toujours le pouvoir, et s'imaginent tous être de grands personnages, même rois ou papes.
Lorsque vous voyagez dans des provinces reculées et des lieux écartés, si vous êtes salué par les jeunes gens, si vous apercevez des croix autour des villages, et des images chrétiennes dans les chaumières, entrez avec confiance, vous trouverez l'hospitalité.
Il y aura dans toute société plus de douleurs domestiques à mesure qu'il y aura plus de plaisirs publics. Il y avait autrefois moins de plaisirs et plus de bonheur.
On conduit les enfants par la raison de l'autorité, et les hommes par l'autorité de la raison : c'est au fond la même chose, car la raison est la première autorité, et l'autorité la dernière raison.
Vouloir commencer à instruire les enfants des vérités de la religion avant de les avoir accoutumés dès le plus bas âge à la pratiquer, ce serait vouloir leur apprendre les lois du mouvement avant de leur permettre de marcher.
On ne fait rien avec du fanatisme réchauffé. On peut apercevoir depuis quelque temps une singulière disposition à user de cette liqueur enivrante, mais éventée.
La misanthropie d'un caractère difficile, d'un esprit chagrin et orgueilleux, s'indigne et du bien et du mal, et s'irrite contre tout ce qui est. La misanthropie d'un honnête homme est une haine profonde de la corruption publique. Indulgente pour les hommes, elle est inexorable pour les gouvernements qui ne connaissent ni leurs devoirs ni leur force, et sont la cause de presque tous les désordres et les malheurs des familles.
Dans une société matérialiste, on sait jouir de la vie et braver la mort dans les combats ; mais hors de là, on ne sait plus ni vieillir ni mourir : triste état de l'homme que celui où il ne regrette que la vie et ne peut attendre que la mort !
Quand on sait combien peu de chose sépare dans nos esprits la vérité de l'erreur, on se sent disposé à une grande indulgence.
Une pensée est toujours vraie, mais elle est souvent incomplète, et l'erreur n'est que défaut de pensée.
Les hommes ne haïssent pas, ne peuvent pas haïr le bien, mais ils en ont peur.
Les humbles pratiques de la religion sont les petits soins de l'amour ou de l'amitié qui font la douceur de la vie et le bonheur des âmes sensibles.
Les esprits vraiment philosophiques sont bien moins frappés de la diversité des croyances religieuses que de leur conformité sur les points fondamentaux de la religion et de la morale.
La religion exerce l'homme au malheur par les sacrifices, c'est la plus utile leçon qu'elle puisse lui donner. Ainsi, dans les camps de paix, le soldat se forme aux fatigues de la guerre.
On n'aime que soi, et on ne devrait craindre que soi. C'est ce que la religion veut nous apprendre lorsqu'elle nous recommande de nous haïr nous-mêmes : elle sait bien que nous ne prendrons pas l'avis à la lettre.
L'homme n'est riche que de la modération de ses désirs.
L'hypocrisie n'est pas le soin de cacher ses vices et de laisser voir ses vertus, puisque nous devons l'un et l'autre à l'édification de notre prochain ; mais l'art de dissimuler ses vices et d'étaler ses vertus par des motifs personnels et par des vues d'intérêt ou d'ambition. Les fautes de la fragilité humaine ne sont pas de l'hypocrisie, même dans les gens de bien, mais de l'inconséquence, et l'on n'est pas obligé d'être scandaleux pour être conséquent.
Le bien est facile à faire ; il n'est difficile que de le vouloir et de fixer un moment la volonté mobile et changeante de l'homme, pour la mettre d'accord avec l'éternelle et immuable volonté de Dieu.
L'homme qui n'a point de religion vit protégé par la religion des autres, comme le passager, sans aider à la manœuvre, est en sûreté sur le vaisseau qui le porte. Mais le passager qui voudrait troubler la manœuvre serait mis à fond de cale comme un insensé.
Un honnête homme peut, par faiblesse, manquer à la fidélité qu'il doit à sa femme, mais il ne permettrait à personne de l'insulter, et, revenu des erreurs de la jeunesse, il trouve en elle sa meilleure et sa plus fidèle amie.
Aux hypocrites de religion ont succédé les hypocrites de politique ; les uns voilaient des faiblesses du manteau de la dévotion, les autres justifient des forfaits avec de la politique.
Qui n'aurait pas à combattre contre ses penchants serait innocent plutôt que vertueux.
Il est difficile au père de famille de ne pas regarder comme un ennemi personnel l'auteur d'un mauvais livre qui portera la corruption dans le cœur de ses enfants.
On est convenu d'appeler homme d'esprit tout homme qui soutient une thèse avec facilité, avec art ; mais s'il ne défend que des erreurs, il ne peut, même à force d'esprit, être regardé comme un homme de génie.
La connaissance des vérités morales doit se trouver dans le peuple, et celle des physiques chez les savants, et la physique du peuple n'est pas plus absurde que la morale de quelques savants.
Un homme peut être plus ou moins vertueux, et il peut pousser la vertu jusqu'à l'héroïsme ; une chose ne peut pas être plus ou moins vraie. Aussi les esprits qui, dans certaines discussions, prennent par goût et, à ce qu'ils croient, par modération de caractère, les opinions moyennes, sont assez naturellement des esprits moyens ou médiocres.
La vérité, quoique oubliée des hommes, n'est jamais nouvelle, elle est du commencement. L'erreur est toujours une nouveauté dans le monde ; elle est sans ancêtres et sans postérité, mais par cela même elle flatte l'orgueil, et chacun de ceux qui la propagent s'en croit le père.
Dans une société bien réglée les bons doivent servir de modèle, et les méchants d'exemple.
L'esprit employé à corrompre n'est autre chose que la force employée à détruire.
Le premier de nos préjugés renferme tous les autres.
Pour gouverner les peuples, lorsqu'il y a tant d'esprit, il faut plus que de l'esprit.
L'ignorance a un bandeau sur les yeux, elle est ténèbre et cécité.
Le divorce doit être la peine de l'adultère ; le changement, le remède de l'inconstance.
Dieu laisse l'homme libre de faire le mal, pour qu'il ait le mérite de faire le bien.
Ne rien demander, et ne se plaindre de personne, est une excellente recette pour être heureux.
Pour bannir la mendicité, il ne faudrait pas commencer par prévenir l'accroissement immodéré des fortunes. C'est le luxe qui crée la mendicité en faisant naître une population factice pour qui la nature n'a pas semé, on ne voit nulle part plus de misère que là où il y a d'immenses richesses.