1 — Qui était Natalie Clifford Barney ?

Intuitive, j'interprète jusqu'au silence des enfants. Je crois ne m'être jamais approchée d'un être sans lui faire du bien. Mes joies sont sans égoïsme, car je ne puis les ressentir qu'à travers qui j'aime. Aimer ainsi, c'est jouer juste pour l'autre, susciter le merveilleux en exigeant de la vie plus qu'elle n'accorde, car elle est une matière brute et ingrate qu'il faut sans cesse travailler, pour qu'elle nous rende mieux que notre paradis perdu.
En amour, tout devient prétexte à augmenter l'amour. Mais, dans ces attirances plus complexes, où la chair médiatrice ne joue aucun rôle, il y a de mystérieux abandons sans adieux, des divorces sans grief, des arrêts en plein ciel, où ceux qui furent pris dans notre radiation tombent de notre sphère. Les lois de l'attraction sont mues par des courants contraires. L'union par la pensée est la plus difficile des unions. Car elle n'est soudée par aucune habitude secourable, tout est sans cesse remis en question. Et les questions et les réponses se poursuivent sans jamais s'atteindre. « Il n'y a de haines que les haines de l'esprit. » Et l'amour, n'est-ce qu'une trêve accordée à nos différences ? Mais aussi la communion par l'esprit nous a semblé parfois plus réelle que le pauvre médium corporel.
La politesse, ce masque derrière lequel se nuance la vérité !
Quand on a quelque chose de difficile à dire il faut le crier sur les toits !
L'indiscrétion m'a toujours semblé un des privilèges du tact. Loin de craindre ou de mépriser l'indiscrétion, je trouve que là seulement se révèle le principe de nos vérités. L'indiscrétion, chez moi, est un acte de foi !
L'enfant qui n'a pas commencé sa vie par un grand amour pour sa mère ou son père a été privé d'un des sentiments les plus absolus. Tel est le sentiment que j'éprouvais pour ma mère, et lorsqu'elle se penchait sur mon lit avant d'aller à quelque fête, elle me paraissait plus belle que tous mes songes ; aussi, au lieu de m'endormir, je veillais, attendant anxieusement son retour, car, dès qu'elle s'éloignait, je craignais que quelque chose de fâcheux ne lui arrivât.
Vis-à-vis du passé, vraiment passé, la discrétion n'est qu'un oubli sans valeur. Il y a aussi l'indiscrétion du silence. Et ne serait-ce pas une lâcheté sans recours que de laisser mourir nos morts ?
Exister au centre de l'amour est une aventure à laquelle peu de personnes sont aptes. C’est un climat fort éprouvant ; la plupart de ceux qui s'y hasardent risquent de mourir de fièvre ou d'inanition. Peu de constitutions y résistent. Quant à moi, ses luttes, ses peines et ses mystères me sont plus qu'une terre natale. Là seulement, je me retrouve dans mon élément ! Sans faux semblant, ma vie est bien la mienne, et par conséquent mon œuvre.
La gloire : Être connu de ceux qu'on ne voudrait pas connaître.
Je juge le charme des êtres par la facilité à m'exprimer en leur présence !
Aimer, c'est prendre le voile ; mais si la ferveur de cette vocation vient à manquer, ne vaut-il pas mieux rejeter ce voile pour la voile du large ?
Je ne m'explique pas, je m'obéis.
La plus difficile des réalisations : soi-même.
Je ne juge d'après leurs actes que ceux pour qui j'ai de l'antipathie.
Mes songes sont les ombres des réalités, à moins qu'ils n'en soient les clartés.
Une vive rupture vaut mieux que de lents pourrissements.
Tes yeux sont de limpides scènes où tout défile tour à tour, les pantomimes de l'amour et les tempêtes de la haine.
L'amour partagé est le plus grand des sacrifices de soi.
Plus que les mauvaises langues il y a de mauvaises oreilles.
L'amour est comme le radium, il ne nous est connu que dans l'union qu'il forme avec ses composés.
L'arrêt dans la fidélité, ce point mort de l'union !
L'union par la pensée est la plus difficile des unions.
Il y a probablement autant d'heureuses liaisons que de mauvais mariages.
On ne joue pas sa vie deux fois.
Tout sentiment non partagé est une sorte d'agression.
En amour, tout devient un prétexte à augmenter l'amour : mais, dans ces attirances plus complexes, où la chair médiatrice ne joue aucun rôle, il y a de mystérieux abandons sans adieux, des divorces sans grief.
Un cœur qui ne bat de toutes ses forces, et qui ne connaît des faiblesses, n'est qu'un organe.
À éviter : l'intimité et ses impudeurs progressives.
Des femmes passent fraîchement fardées : mauvaises peintures que nul ne voudrait signer.
Il y a peu d'amour dans la plupart des amours ! Si, les yeux dans les yeux, deux amants n'arrivent pas à se voir, c'est que le visage de l'amour est sans regard !
Les amants, ces paresseux qui se contentent de la première volupté venue.
On ne saurait mieux trahir ce qu'on prétend aimer !
Plus il y a de volonté dans l'amour, moins le vent de l'absence peut l'éteindre.
Qu'ils aient peur de perdre leur jeunesse ceux à qui la vieillesse n'ajoute rien.
N'oser critiquer que ce qu'on admire.
Je ne peux me donner à ceux qui ne savent pas me prendre.
Les femmes aiment toujours les clichés rassurants de ceux qui savent ne pas les troubler par une personnalité autre que celle de l'amant coutumier ; c'est peut-être leur manière de lui être fidèle !
L'oubli n'a pas d'affinité avec le sentiment : le désir impossible sculpte la fidélité.
L'excellence est une tyrannie secrète qui ne s'exerce à juste titre que sur des privilégiés.
Ils ne sont pas les plus forts ceux qui nous découragent !