Les citations célèbres de Pierre Reverdy :
La démocratie c'est le droit qu'a conquis le peuple de se laisser toujours diriger vers la gauche.
La solitude n'est jamais si absolue qu'on n'ait pas autour de soi quelques êtres concrets capables de nous fournir d'exemples où appuyer notre jugement sur les hommes. Il faut être un philosophe aveuglé par un système pour les négliger. La solitude, c'est, au contraire, une espèce de champ d'observation restreint, la vitre du laboratoire.
La critique vous trouvera toujours impertinent du moment que vous la critiquez.
Le cœur n'est jamais si bien en équilibre que sur un tranchant d'acier.
Être obligé de ménager les gens, quelle école supérieure d'intelligence !
Il y a des gens qui n'auront jamais connu la misère que de vue.
Dès qu'on veut monnayer la gloire, on la rapproche du mépris.
Il faudrait prendre la vie comme on se met à table, avec le simple propos d'arriver à la fin ayant perdu toute envie de vivre, comme de manger.
Au premier obstacle sérieux, qui nous oblige à aller au fond de l'âme et de l'être, nous nous apercevons que l'union parfaite et totale entre les hommes est impossible.
Les gens ne vous traitent jamais bien selon ce que vous êtes, mais toujours selon ce qu'ils sont.
En général ceux qui aiment vivre au milieu de beaucoup de monde sont ceux qui savent s'y mouvoir sans plus de gêne ou de sacrifices que s'ils étaient seuls.
La vie d'un solitaire se passe naturellement, pour une grande part, en lectures. L'on ne peut donc s'étonner de retrouver beaucoup d'échos de ces lectures dans ce que ce solitaire écrit. Mais lui, ce qu'il regrette, c'est de ne point retrouver du tout, dans tout ce qu'il a dit, les seules choses qu'il eût précisément voulu dire et qui eussent tenu en si peu de mots. Il se proposait un retour, il n'a su faire que d'involontaires détours.
Quand, à force d'être bousculé, heurté, blessé, on en arrive à trouver le monde insupportable et à détester son prochain, on s'aperçoit qu'on ne peut surtout plus se supporter soi-même et qu'on se hait, que le plus grand mal nous vient toujours de nous-mêmes.
On serait étonné d'apprendre que les meilleures œuvres de tel auteur sont celles qui lui ont coûté précisément le moins d'effort, et donné le plus de plaisir. Mais il ne faut pas encourager le vice, la paresse et le goût de la facilité.
De sensations en sensations, nous sautons l'abîme, et puis il n'en reste rien que l'abîme. Les sensations sont le combustible du néant. Inutile de les noter, de les embaumer. Elles ne ressuscitent, avec leur sève et leur parfum, que lorsqu'elles ressurgissent on ne sait plus d'où, quand on les avait oubliées, qu'elles sont retordues, transformées, adaptées au moment précis où elles doivent être libérées. Non plus pour être exprimées elles-mêmes, mais pour exprimer.
La meilleure façon de se trouver, c'est de se fuir. Se suivre en avant.
On ne se connaît pas, on se déchiffre et on se découvre, au jour le jour et au gré des événements. On se fait vaguement confiance bien plus qu'on ne compte réellement sur soi. La preuve en est dans certaines attitudes que nous avons eues dans le passé et où nous ne nous reconnaissons pas du tout.
Un beau passé, ça se paie recta dans le présent, et même quelquefois par avances sur l'avenir. C'est pourquoi il n'y en a pour ainsi dire pas.
Il est plus commun d'être dur pour les autres que de l'être pour soi. Mais être dur pour soi sans l'être pour les autres c'est presque inouï, car, si l'on est dur par nature, comment amortir le choc dans le contact avec ceux qui ne le sont pas ?
La parole a été donnée à l'homme pour dissimuler sa pensée.
Tel parle bien plus aisément et avec beaucoup plus de souplesse qu'il n'écrit. Tel autre qui parle peu est d'autant plus capable d'écrire abondamment. Mais surtout il y a ce pouvoir magique de séduction dans la façon de mettre les choses les plus insignifiantes en avant, de les rendre infiniment plus intéressantes qu'elles ne sont, et qui ne tient absolument qu'au ton que l'auteur sait prendre pour les dire, alors que, plus souvent qu'on ne pourrait croire, il les a pensées et senties tout autrement.
Aimer, c'est s'unir ; détester, c'est se séparer.
Rien ne paraît plus normal que la réussite, elle est plutôt rare pourtant, mais on l'accepte vite comme étant une chose due. Elle gâte, ce qui ne veut pas dire qu'elle rende tout le monde gâteux. On l'a d'abord longtemps caressée en rêve, mais on oublie vite qu'on a rêvé. Tandis que l'échec, la déception, on a un mal infini à s'y faire, à les admettre légitimes. On a tout le temps de les approfondir, de les savourer.
On voit des gens qui ne se défont pas facilement de leurs mirages traîner toute leur vie des idées fausses qu'ils n'ont pas su répudier à temps et qui empêtrent leur esprit alors même qu'elles leur sont devenues tout à fait étrangères, comme il arrive dans les vieux ménages indissolubles et d'autant plus désaccordés.
Lutter, ce n'est pas passer son temps à se justifier, comme font quelques écrivains que la moindre critique blesse. Lutter c'est, puisque l'on attaque, recevoir soi-même les coups les plus durs sans broncher, c'est, sans être agressif, risquer de blesser sans autre intention que de s'affirmer contre tout ce qui empêche de passer ; c'est, quand on est, et pour se prouver que l'on est, le plus fort, vaincre l'indifférence ou l'hostilité. Et même, dans les cas les plus relevés, se vaincre soi-même et se supplanter.
Les idées se présentent toujours comme de profil et du plus beau côté, le plus aigu pour se faire admettre plus vite. Puis, elles tournent ou on les tourne et on les aperçoit sous un angle beaucoup moins engageant. Il est temps de les abandonner avant de se laisser enliser davantage, tout de suite, sans trop les caresser.
Dans la direction du cœur, le chemin doit toujours faire un détour par la pensée.
Il y a les auteurs qui écrivent avec de la lumière, d'autres avec du sang, avec de la lave, avec du feu, avec de la terre, avec de la boue, avec de la poudre de diamant et enfin ceux qui écrivent avec de l'encre, les malheureux, avec de l'encre tout simplement.
La femme admire toujours la bonté dans l'homme, mais elle méprise vite la gentillesse dès qu'elle n'aime plus. Elle sent bien que c'est de force et de faiblesse qu'il s'agit.
Si tu veux sûrement quitter le monde, décide-toi d'abord à en perdre l'esprit.
L'orgueil a des plaies profondes qui s'apaisent sous un somptueux et riche pansement.
Au moment de parler, d'écrire, d'agir, nous dire à nous-mêmes qu'il n'est plus temps de jouer — surtout de dire ou de faire des bêtises — de troubler cette entreprise si sérieuse à laquelle la sagesse immanente nous a mêlés.
Rien ne compte ou n'a compté qui n'ait été peu imité et qui ne peut pas être refait.
On n'ambitionne d'imiter que ce qui est inimitable.
Loyalement, on ne devrait jamais se livrer à plus de marques d'amitié que l'on n'en peut fournir dans les faits.
Dans le calme du soir, les poissons sautent hors de l'eau. Ils plongent dans l'air. Ils se baignent.
La misère est une espèce de reflet sinistre de l'enfer. Mais la pauvreté nous accable du poids de l'esclavage. Sans ces chaînes la pauvreté ne serait pas la souffrance et elle perdrait peut-être tout mérite.
La plus grave imperfection de ce monde, c'est la nécessité de notre disparition, c'est la mort. Il faut bien qu'elle nous conduise dans un autre que nous connaîtrons derrière elle et ne quitterons pas.
On confond souvent la force avec la dureté. Il est vrai que la tendresse n'est, la plupart du temps, qu'une faiblesse mal dissimulée, mais la dureté n'est, aussi souvent, qu'une faiblesse qui se dissimule mieux. Elle imite la violence et la force d'un autre qui l'aura conseillée. Mais celui-ci appuyait peut-être sa force et sa violence sur une dureté réelle qui lui interdisait tout sentiment de pitié.
Par le confort on satisfait surtout le bien-être du corps, par le luxe une ambitieuse exigence de l'esprit. La commodité de la vie matérielle libère, alors que la préoccupation, inévitable, du luxe asservit. Et ce n'est pas la rude nudité de la cellule qui importe mais l'état d'âme de celui qui y vit.
Le vrai hypocrite est celui qui sait agir de franchise absolue avec lui-même.
Qui commet des hypocrisies sans s'en rendre compte n'est pas un hypocrite, c'est un naïf.
Le grand, le vrai, le profond hypocrite est celui qui a su cacher à tous qu'il l'est.
On peut croire en Dieu sans l'aimer, l'amour n'est pas le fort de tout le monde.
La fausse modestie est détestable.
On préfère quelqu'un qui nous apprécie en nous détestant à qui nous aime en nous méconnaissant.
La suprême consolation de ses misères, contempler un horizon plus clair.
Il n'y a pas d'amour sans souffrance.
On entre dans le rêve pour fuir la réalité ; on entre dans la contemplation pour atteindre la réalité suprême.
L'apparence d'orgueil est dans ce que l'amour-propre ou la dignité obligent à faire croire ou à laisser croire qu'on est, que l'on sait très bien qu'on est pas.
Le rêve est un tunnel qui passe sous la réalité.