Les critiques, les moralistes et les rhéteurs ressemblent à ces index barbouillés sur des poteaux aux carrefours des chemins, ils montrent la route qu'ils ne peuvent suivre.
Puisque la parole divise, il faut en user sobrement. Tout ce qui n'est pas nécessaire à formuler une pensée est de trop. L'éloquence est le sauf-conduit du mensonge. L'erreur a besoin de se cacher sous l'abondance et la superfluité des mots ; la vérité s'exprime brièvement ; les axiomes sont toujours courts.
Ô femmes ! C'est à vous, après Dieu, que je dois et la vie et tout le bonheur de ma vie ! Une femme m'a porté neuf mois dans son sein et a subi, pour me donner le jour, l'auguste martyr de la maternité ! Une femme a bercé dans ses bras mon enfance et l'a endormie au bruit de ses caresses et de ses chants ! Une femme m'a nourri de sa substance ! C'est à sa blanche et rose mamelle que j'ai sucé, avec le lait, cet amour et cette tendresse que plus tard mes lèvres brûlantes lui rendirent en voluptueux baisers ! C'est dans les enivrements et les transports d'un premier amour, qu'à seize ans, j'ai goûté, sur la terre, les plaisirs et les joies du ciel ; ces plaisirs et ces joies que le cœur suffit à peine pour sentir et qu'aucune langue ne saurait exprimer. C'est à l'affection, au dévouement et à la tendre amitié d'une femme que je devrai les jouissances plus calmes et non moins douces de l'âge mûr, les consolations et les adoucissements de la vieillesse. Merci donc, ô femmes ! merci, trois fois merci de tout le bonheur que j'ai reçu et de celui qui m'est réservé encore ! La reconnaissance la plus vive, une reconnaissance éternelle me voue pour jamais à votre défense, à votre amour et à votre culte, légitime comme celui des anges. Car, vous aimer, c'est aimer les plus charmants et les plus doux attributs de Dieu ; vous honorer et vous défendre, c'est honorer et défendre les anges de Dieu ; vous posséder enfin, c'est posséder le ciel de Dieu.
Apprendre et oublier, c'est perdre son temps, On n'est pas savant par cela qu'on a appris, mais par cela qu'on a retenu. La répétition est donc d'une haute importance, elle est nécessaire, elle doit être incessante et se faire toujours sous un point de vue nouveau, afin d'apprendre à chaque fois quelque chose de plus.
S'il est dans la nature de l'homme d'apprendre et de retenir, il est aussi dans sa nature d'oublier. Or il n'y a qu'un seul moyen de fixer d'une manière durable et indélébile dans notre mémoire les idées qui lui ont été confiées, c'est la répétition. La répétition est le plus puissant de tous les exercices mnémoniques, il est la base de tous les autres.
L'Émancipation est un bien que tous les parents devraient ambitionner de laisser, en mourant, à leurs enfants, comme le trésor le plus réel et le plus précieux, comme un anneau magique et préservateur qui peut tenir lieu de tout, mais que rien ne peut remplacer !
L'Émancipation est le premier besoin de l'homme, la seule chose qui lui soit nécessaire, indispensable ; l'homme peut se passer de la science, de la fortune, d'un rang élevé, il peut se passer de tout, mais il a toujours besoin d'être lui-même, d'être émancipé, d'être homme.
Ce n'est pas le métier qui dégrade l'homme, mais bien l'homme qui dégrade le métier.
Non contente de persécuter ses bienfaiteurs, la société d'aujourd'hui repousse d'abord et sans examen toutes les idées nouvelles et providentielles qui, plus tard, deviennent pour elle une source inépuisable de biens et de plaisirs.
L'enfant est un artiste qui cherche le pourquoi de tout et qui le trouve.
S'il est nécessaire que les occupations, les conditions et les fortunes soient diverses et inégales parmi des citoyens, il faut que l'éducation et l'instruction soient égales et uniformes parmi des hommes ; parce que l'homme est fait pour comprendre son semblable et pour en être compris ; parce qu'il est né pour le progrès et une perfection indéfinie qu'il ne peut atteindre que par le développement intégral de toutes les facultés de sa triple nature matérielle, intellectuelle et morale, c'est-à-dire par l'éducation et l'instruction les plus élevées.
L'instruction que l'on donne au peuple sous le nom d'instruction primaire, et qui consiste à enseigner à lire, à écrire et à chiffrer à un être capable de com prendre comme Newton les lois de l'équilibre des mondes, de recomposer avec un os une race éteinte comme Cuvier, ou de lire comme lui, sur des débris, l'âge de notre planète, est une véritable dérision ; c'est une goutte d'eau jetée à un malheureux que dévore une soif ardente, une miette de pain à un homme affamé.
Il n'est pas toujours bon dans une société corrompue d'exprimer ses sympathies, c'est même souvent un devoir de ne le point faire. La volonté ne peut pas empêcher la combinaison fatale de deux fluides, mais elle peut toujours en empêcher la déclaration et l'aveu.
L'amour et les scrupules s'alimentent par les efforts même qu'on fait pour les détruire. Dans les deux cas, le traitement par les contraires est funeste. Amants et scrupuleux ! point de salut pour vous hors de l'homéopathie. L'amour de Dieu ou de l'humanité vous guérira de l'amour qui vous pèse, et vous ne guérirez de vos scrupules que par celui d'être scrupuleux.
Couper court et sans s'arrêter : voilà comment il faut passer un torrent à la nage. Le traverser en biais c'est allonger le chemin, et l'on se noie lorsqu'on s'arrête ou qu'on se laisse aller mollement au courant. Ah ! coupons court aussi le torrent du malheur !
Rien ne pare une femme qui aime comme le sentiment religieux, il ajoute à la beauté, et embellirait la laideur si une femme qui aime pouvait être laide.
L'amitié d'un sot est cent fois plus dangereuse que la haine d'un homme d'esprit. Un sot ami vous nuit toujours, et vous le verrez, tôt ou tard, devenir un de vos plus chauds ennemis.
L'amitié n'est, hélas ! pour la généralité des hommes, qu'un vil commerce dans lequel chacun espère retirer un intérêt usuraire de ses avances.
L'amitié est un nuage transparent derrière lequel l'amour se lève dans le cœur des femmes.
Un refus fait de bonne grâce appelle plutôt la reconnaissance qu'un service rendu de mauvaise humeur. En certaines choses, la forme vaut mieux que le fond.
Le vent de la fortune souffle par bouffées ; tantôt elle envoie les biens et les maux un à un ; tantôt elle les fait tomber comme la grêle. Si elle vous maltraite, espérez ; si elle vous favorise, ne vous réjouissez qu'à demi, car les inconvénients ne sont pas loin. Vient-il une pluie de contrariétés, laissez patiemment tomber l'ondée ; elle est tombée, passez, passez vite.
S'il est vrai que les espèces évoluent et progressent, c'est-à-dire que les hommes d'aujourd'hui sont des singes d'hier, le meurtre d'un animal, pour s'en nourrir, est un homicide et une anthropophagie anticipés.
Femmes, retenez bien ceci : en général, toute déclaration verbale d'amour est un mensonge et un piège. Le véritable amour est muet, le véritable amour est modeste. Défiez-vous, Mesdames, des beaux parleurs, des menteurs et des hommes trop présomptueux.
La pudeur est le plus bel ornement des femmes. L'impudicité les dégrade.
Les femmes, en général, sont de belles petites bêtes qui mettent dans la toilette et les colifichets l'unique intérêt de la vie.
Pourquoi la plus douce amitié est-elle celle qui lie les personnes d'un sexe différent ? C'est que cette amitié est toujours, à notre insu, parfumée d'un peu d'amour.
L'amitié embellit les jours mauvais, charme les ennuis, et évite les écueils de la si courte mais si périlleuse traversée de la vie.
Les animaux les plus doux, les plus courageux, les plus intelligents du globe se nourrissent de végétaux. Le mouton, le bœuf, le cheval, l'éléphant, le singe, etc., sont herbivores. Le chien, qui vit parfaitement de soupe et de pain, est plus féroce au service du boucher qu'à celui du berger.
Avant sa chute, l'homme vivait heureux dans un jardin de délices, c'est-à-dire plein de fruits exquis ; depuis sa déchéance, qui fut sans doute le meurtre d'un animal, il vit malheureux sur la terre transformée par lui en une immense boucherie. II engloutit dans ses entrailles une chair qui a souffert et il s'étonne, et il se plaint de souffrir. Le bonheur n'est que dans les jardins, retournons-y.
Ce qu'on appelle justice n'a guère été jusqu'ici, dans le monde, que l'injustice formulée en lois.
L'homme de réflexion, sans sortir de son cabinet, étendu sur un grabat ou les pieds dans ses pantoufles, sans dépense de temps et d'argent, se contente de faire le tour de son être et de descendre en lui-même où il trouve mieux que des perles, des diamants et de l'or : la science de l'homme, mine précieuse et inépuisable de toutes les sciences et de la vérité.
La terre nous emporte dans l'espace avec une vitesse de 379 lieues par seconde ! C'est à peine si deux hommes ont le temps de se donner la main avant de mourir ; et nous trouvons le temps de nous disputer, de nous haïr, de nous proscrire et de nous entretuer pour des mots mal définis !
Les ténèbres, le froid , la haine, la laideur, la méchanceté, le désordre, la maladie, la douleur, la mort, l'erreur et le mal, dans toutes leurs nuances, ne sont point nécessairement les contraires de la lumière, de la chaleur, de l'amour, de la beauté, de la bonté, de l'ordre, de la santé, du plaisir, de la vie, de la vérité et du bien ; ils n'en sont que des contrastes, des diminutifs, des doses variées, des degrés différents. Absolument parlant, les ténèbres et le mal n'existent pas, pas plus que le néant. Rien n'est absolument que l'être ou le bien ; et l'être ou le bien absolu ne peut produire, à son tour, que des êtres ou des biens relatifs.
Les vérités métaphysiques, nécessaires à l'homme, se perçoivent directement par les sens de l'âme, comme les vérités physiques, qui nous entourent, se perçoivent directement par les sens du corps. Ceux qui veulent démontrer par le raisonnement les vérités intuitives, bien plus nombreuses qu'on ne pense, ressemblent à des astronomes qui s'en iraient à l'Opéra munis de leurs télescopes. Qui veut trop voir ne voit rien. Télescope de l'esprit, le raisonnement ne doit s'appliquer qu'aux objets peu visibles à l'œil nu de l'âme, ou perdus dans l'immensité des espaces intellectuels.
L'usage modéré aiguise et l'abus émousse la pointe du plaisir. Cependant, l'abus des choses a cela de bon qu'il enseigne l'art d'en jouir.
Rendre le mal pour le mal est une vengeance vulgaire qui nous fait descendre au niveau de ceux qui nous ont offensés et qui les venge eux-mêmes. La plus cruelle manière de se venger, c'est de se montrer supérieur à l'offenseur par la générosité, par le pardon, par des services rendus. Cette vengeance est celle des grands orgueils et des âmes élevées.
Pourquoi la médecine seule, jusqu'ici, est-elle restée et restera-t-elle longtemps encore stationnaire au milieu des progrès de toutes les autres connaissances humaines ? C'est que l'homme est une liberté, et que les trois quarts de ses maladies proviennent de l'abus de cette liberté.
Les natures les plus indulgentes sont celles que tourmente le besoin d'estimer et d'aimer. Elles estiment, elles aiment avant de savoir si l'on est digne d'estime et d'amour, de peur de mourir sans avoir satisfait ce double et impérieux besoin de leur cœur.
Le mariage est la grande épreuve des sages. Le célibat, comme la richesse, ne fait que des demi-philosophes. Celui-là, seul, mérite le beau nom de sage, qui a su résister à la triple épreuve du mariage, de la famille et de la pauvreté.
Qu'est-ce que le mariage ? C'est, le plus souvent, un sacrement qui en vaut deux : le mariage et la pénitence ; c'est un lien contradictoirement indissoluble qui unit les corps, désunit les âmes, et dissous les mœurs ; c'est un pays désolé que les étrangers visitent et que les habitants fuient ; c'est une sottise à deux et une galère à trois ; c'est l'extrême-onction de l'amour et le tombeau de l'enthousiasme et de l'idéal ; c'est... c'est... on ne finirait point ! Il faut avouer, cependant, que le mariage est un bien social relatif comparé au concubinage, en ce qu'il assure une assistance légale aux femmes et aux enfants.
Coquette de corps, c'est bien ; coquette d'esprit, c'est mieux ; coquette de cœur, c'est très mal !
La sympathie entre deux corps est d'autant plus grande que leur électricité contraire est plus prononcée. Il en est, tel que le potassium et l'oxygène, qui ne peuvent être mis en contact sans s'unir immédiatement. Certains hommes sont à certaines femmes, et tous les hommes sont à toutes les femmes, dans certaines circonstances ce que l'oxygène est au potassium.
L'amour est la loi de tous les règnes. Dans tous les règnes, l'amour n'est pas libre. Voilà un morceau de marbre : c'est un composé, un mariage de chaux et d'acide carbonique. La chaux et l'acide carbonique sympathisent assez pour s'unir ; mais si l'on vient à verser sur ce marbre de l'acide sulfurique, l'affinité de la chaux pour cet acide étant plus grande que pour l'acide carbonique, elle quitte celui-ci pour s'unir à celui-là. Il en est absolument de même des affinités ou sympathies humaines.
Un solitaire aimé d'un chien, ou d'un animal quelconque, n'est plus un solitaire.
Le cœur est fait pour aimer ainsi que l'eau pour couler ; un cœur peut bien avoir ses hivers, ses cristallisations, ses léthargies, mais il se dilate, se fond et se remet en mouvement aux premières chaudes brises du printemps, au premier rayon de soleil.
Distinguons l'amour de la passion. La passion, née du hasard, délire, folie du cœur ou des sens, ainsi que toute maladie aiguë, dure peu. L'amour, au contraire, basé sur les qualités morales, sur l'estime et la vertu, est éternel : c'est un morceau de cire qui peut changer de forme et de nom, mais jamais de fond.
N'en déplaise aux psychologues, l'amour n'est point une faculté ; c'est un mouvement de rotation de l'âme sur elle-même pour s'élancer vers l'objet qui l'attire ; c'est bien un commencement de vouloir, mais non le mouvement de locomotion de la volonté qui, étant une faculté, peut toujours commander, sinon à l'amour lui-même, du moins à l'expression de l'amour.
Notre cœur est toujours à la hauteur de notre esprit, car l'amour est l'enfant de la pensée.
Les mots sympathie, affection, amitié, amour n'expriment que les degrés, les nuances diverses d'un même sentiment qui est inexprimable parce qu'il est infini. Aimons donc sans nous inquiéter de donner à nos sentiments un nom qui les mesure ; aimons toujours : tout le temps que nous passons dans l'indifférence ou la haine est un temps perdu pour notre amélioration et pour notre bonheur.
Femmes ! ne l'oubliez point ; la bonne tenue et la décence sont les sentinelles de votre vertu. Prenez garde au laisser-aller ! du laisser-aller au laisser-faire il n'y a guère que l'épaisseur d'un fichu mal mis.