Si la mort n'était pas, il n'y aurait au monde rien de plus misérable que l'homme.
Le regret du passé est instinctif à l'homme ; moi aussi je regarde avec émotion vers les jours écoulés ; j'écoute leur murmure qui berce le crépuscule de ma vie, car je suis en plein cours de vieillesse. J'espère que l'arrêt de mon existence sera brusque et que je n'aurai point à descendre, échelon par échelon, jusqu'aux ténèbres de la caducité : J'ai eu assez de mon enfance, je n'y voudrais pas retourner.
Apprendre à souffrir, c'est apprendre à vivre.
Tous, à des degrés divers, nous avons un paradis perdu : pour les uns c'est l'enfance, pour les autres c'est la jeunesse ; pour tous c'est une période éloignée qu'embellissent les illusions du souvenir, où disparaissent les imperfections, les souffrances et les lassitudes. C'est comme un point lumineux que nulle ombre ne pourrait atténuer. Vu de loin et du haut des montagnes, le paysage est admirable : tout y est pondération des lignes, harmonie des couleurs, splendeur des formes, grâce et beauté. On s'extasie et l'on s'écrie : Qu'il ferait bon vivre là !
Toute guerre, si légitime qu'elle soit, enfante les iniquités et mutile les âmes aussi bien que les corps.
La politique est l'art des complications, c'est un art qui exclut la bonne foi.
L'expérience nous a enseigné que pour le vieillard, comme pour l'adolescent, les ténèbres futures ne se déchirent jamais. L'homme n'est pas doué de prévision : nul n'est prophète, ni pour son pays, ni pour soi-même. Aujourd'hui serait horrible si l'on savait ce que demain tient en réserve ; on l'ignore, et c'est un bienfait de l'ignorer. Qui voudrait vivre s'il connaissait l'avenir ? L'espérance seule donne la force d'exister.
Tout fait acquis appelle un fait nouveau, toute pensée conçue évoque une pensée complémentaire.
Il n'est miracle que ne puisse accomplir l'amour, il n'est âme si basse que l'influence de la femme ne puisse relever.
Ce que l'on dit n'est rien, la façon dont on dit est tout ; une œuvre d'art qui cherche à prouver quelque chose est nulle par cela seul ; un beau vers qui ne signifie rien est supérieur à un vers moins beau qui signifie quelque chose : hors de la forme, point de salut ; quel que soit le sujet d'un livre, il est bon s'il permet de parler une belle langue.
Les écrivains de nos jours ressemblent à ces pianistes qui exécutent des impossibilités incompréhensibles, mais qui sont hors d'état d'inventer une mélodie, une ariette, une note.
Comment faire comprendre à des hommes incultes ou infatués que liberté signifie soumission aux lois ; égalité, participation légale à des droits abstraits ; fraternité, abnégation de soi-même au profit de la communauté ? Bien plus, pour ces gens incultes, liberté signifie le pouvoir de tout faire sans contrôle ; égalité, participation à toutes les jouissances et occupation du premier rang ; fraternité, utilisation de la communauté au profit de soi-même.
L'amour est comme le sphinx, il dévore ceux qui l'interrogent.
L'homme devient insurgé, mais il naît révolutionnaire ; l'insurgé guérit, le révolutionnaire est incurable.
L'homme devient alcoolique, mais il naît ivrogne ; l'alcoolique guérit, l'ivrogne est incurable.
Qui veut augmenter son bien-être doit travailler sans relâche.
Sache vouloir, si tu désires être heureux : hors de la volonté, point de salut !
Chaque homme, en naissant, contracte envers la société et lui-même une dette qu'il doit acquitter.
Sa fortune, on se la constitue tout seul, à force de labeur.
Ma femme n'est pas une femme, c'est une fleur ; on ne la possède pas, on la respire !
Faire du bien à ceux qui souffrent, c'est se faire du bien à soi-même.
Plus nous devenons incapables d'inspirer de l'amour, plus l'amour nous apparaît ineffable ; on regrette les heures gaspillées, au temps de la jeunesse, à autre chose qu'à aimer.
L'amour a peu de chances d'émouvoir un petit cœur sec et personnel.
J'ai plus d'amour au cœur que je n'en puis porter !
Il n'y a d'éternel que la vérité.
Lorsque deux êtres ont eu de merveilleux échanges et ont vécu ensemble à une si prodigieuse hauteur, quoiqu'il arrive, il reste toujours entre eux une attache secrète que rien ne peut briser.
Unissons nos deux infortunes, nous en ferons peut-être du bonheur.
Adieu ! tu n'es plus pour moi qu'un souvenir chéri.
On ne brise pas d'un coup des chaînes qu'on a portées ensemble pendant près de dix ans ; il faut qu'elles se soient usées d'elles-mêmes avant d'être séparées en deux pour jamais.
Il vaut mieux rompre une liaison qui n'offre plus que des chagrins, et qui nous empoisonne la vie.
Ils étaient dans une telle sécurité sur eux-mêmes, vis-à-vis l'un de l'autre et des événements possibles, qu'ils furent saisis par l'orage sans l'avoir vu se former. Ils en étaient arrivés à cette heure singulière et douloureuse qui ne manque jamais de sonner à un certain moment pour les liaisons de cette sorte, si solidement nouées qu'elles soient ; l'instant de la crise était venu. Les heureux, les prédestinés, les indifférents peut-être, les sages à coup sûr, traversent courageusement cette étape pénible et se retrouvent après, fatigués, diminués, mais n'ayant point désespéré d'eux-mêmes, et ils peuvent, se reprenant par la main, continuer sans trop de malaise la route qu'ils avaient commencée ensemble. Mais ceux qui sentent battre dans leur cœur le sang trop chaud de la passion, les ardents, les convaincus s'arrêtent, luttent, se meurtrissent mutuellement et s'en vont, pleins de regrets, de souvenirs amers, de récriminations injustes, mourir chacun dans son coin comme un loup blessé. Ceux-là ont sans doute vécu plus vite, plus fort, plus amplement que les autres ; mais de quelles incurables douleurs, de quelles cicatrices toujours ouvertes ne payent-ils pas les heures d'extase qu'on leur a enviées sans savoir quel en serait le châtiment ? On ne revient jamais sain et sauf de ces batailles occultes et acharnées, on y laisse toujours la meilleure part de soi-même et l'on s'en retire avec une sorte de déchéance morale qu'on ne connaissait pas.
Un couple heureux n'a rien à envier à personne, car le bonheur ne se raconte pas.
Le mariage est une chose fort grave ! Si on choisit une compagne, c'est pour la vie ; il faut être résolu à partir avec elle sur le même radeau pour la terre promise, ou pour le naufrage !
La bourgeoise s'imagine qu'il suffit d'avoir beaucoup d'amants pour être une grande dame.
Je reviens d'enterrer ma tante, je l'ai mise dans son cercueil, elle me laisse assez de rente pour me permettre un joli deuil ! Elle est dans un coffre de chêne où tout de son long on peut tenir ! Il ne faut pas que ça la gêne ! où y a d'la gêne, y a pas de plaisir.
La plupart des filles sont aussi bêtes que décolletées.
Jurer, c'est la dernière ressource des hommes quand ils ne savent plus que dire.
La vie n'est pas faite pour les rêvasseries malsaines ou tout au moins inutiles.
Les vieux moines n'ont jamais converti les jeunes pécheurs.
Tout changement porte en soi son chagrin, et je dirai même sa punition.
Larmes d'amour, pluie de printemps, sont séchées en peu de temps.
On doit se marier quand on aime et qu'on est aimé, sinon il vaut mieux rester libre.
La femme rêve de se fixer à jamais et veut se donner tout entière ; l'homme cherche à n'accepter que ce qu'il pourra quitter sans peine, car il veut demeurer libre toujours, différence essentielle qui divise irrémissiblement les deux sexes et en fait souvent des frères ennemis.
Dans la vie il faut toujours savoir où l'on va sous peine de se casser le cou dans le premier trou ouvert sur la route.
À vingt-deux ans, le cœur est bientôt pris, et, à seize ans, il aime à se donner.
L'amour est une force indépendante de l'homme, elle lui est donnée momentanément en vertu de raisons et de circonstances dont souvent il n'a pas conscience et dont il est rarement responsable.
L'homme aspire vers l'infini, l'éternel, l'immaculé, et comme, de sa nature, il est fini, mortel, vicieux, il passe sa vie dans des contradictions douloureuses, qui de chute en chute, de déboire en déboire, le conduisent jusqu'à la mort, dont il a horreur parce qu'il ne la comprend pas.
Nous nous faisons dans nos rêveries premières une haute idée de l'existence ; nous lui demandons plus qu'elle ne contient, et nous ne lui pardonnons pas de ne nous offrir que ce qu'elle renferme. Nous cherchons et nous ne trouvons pas. Nous interrogeons l'oracle, il reste muet, car il n'aurait rien à nous apprendre que nous ne sachions ; nous mangeons le fruit de l'arbre de la science et nous demeurons surpris et indignés de ne point nous sentir plus savants et « devenus semblables aux dieux. » Quand enfin l'expérience a fait la lumière en nous, nous arrivons souvent à cette amère conclusion que changer d'amis, de position, de patrie, de maîtresse, ce n'est le plus souvent que changer d'ennui.
Quand le chevreau est là, la chèvre est tout proche.
Plus on approche de l'instant désiré, plus les heures deviennent lentes et se traînent lourdement.