Les 110 pensées et citations du duc de Lévis :
L'amant jure d'aimer toujours, et change bien vite ; l'ami ne jure point, et aime toujours.
Les mœurs sont si corrompues que le mot même de chasteté est devenu suranné et presque ridicule.
Une bonne police garantit la sûreté publique d'une manière insensible, mais certaine ; c'est ainsi que les paratonnerres préservent de la foudre.
On apprend à travailler de la tête comme des mains ; mais, au moral comme au physique, l'éducation qui développe tout ne crée rien.
Dans un pays où tout le monde serait vertueux, l'honneur ne serait qu'une exaltation ridicule.
La modération apprend à ménager les plaisirs présents au profit de l'avenir.
L'homme s'ennuie du bien, cherche le mieux, trouve le mal et s'y soumet, crainte du pire.
Souvent l'esprit de système rend les sens complices de l'imagination ; n'adoptez donc qu'avec la plus grande circonspection les expériences faites dans la vue de justifier une théorie.
L'exagération, celle malavisée, auxiliaire de ses ennemis, ennemie de ses amis, incessamment abaisse ce qu'elle veut élever, élève ce qu'elle prétend diminuer, ôte toute créance à la vérité, et s'ôte elle-même tout crédit.
Le passé est soldé, le présent vous échappe, songez à l'avenir.
Bientôt il faudra mourir. Alors, si vous êtes heureux, quel regret de quitter la vie ! Et pourquoi ne pas chercher à prolonger votre bonheur au-delà du trépas ? Êtes-vous malheureux ; que n'essayez-vous de prendre votre revanche ? Dans les deux cas, adressez-vous à la religion.
Si les hommes étaient sages, ils donneraient à la religion et à la médecine la plus grande partie du temps que ne réclament pas les devoirs de leur état.
On n'est pas d'accord sur le moment de la journée où l'esprit est le plus disposé au travail. Les uns prétendent que c'est le matin, d'autres soutiennent que c'est le soir. Le fait est que chacun a raison pour soi, sans pouvoir juger pour les autres, puisque tout dépend de l'action plus ou moins prompte des organes de la nutrition. Le cerveau ne saurait agir avec toute son énergie que dans cet état de liberté qui suit le travail de l'assimilation, et qui précède le besoin.
La plupart des auteurs, en cherchant à rendre leurs ouvrages piquants, ne réussissent pas mieux que ces médecins qui ordonnent l'opium comme stimulant, et qui souvent endorment leurs malades.
Entendre le soir de la bonne musique, c'est accorder un juste dédommagement aux oreilles pour tout ce qu'elles ont à souffrir pendant la journée.
En administration, toutes les sottises sont mères.
La critique est un impôt que l'envie perçoit sur le mérite.
L'ennui est une maladie dont le travail est le remède.
La femme n'a de force que dans le cœur, l'homme en a dans le cœur et dans la tête.
Quand la flatterie ne réussit pas, ce n'est pas sa faute, c'est celle du flatteur.
Si l'amour-propre, égaré par la flatterie, fait commettre bien des fautes, souvent aussi il retient par la crainte de la honte, et devient la sauvegarde de l'honnêteté.
On confond trop souvent l'orgueil de la naissance avec l'esprit de corps général parmi la noblesse dans tous les pays où cette institution subsiste. Si le premier de ces sentiments est ridicule et quelquefois odieux, le second est trop utile à l'état pour ne pas être encouragé : en effet, il assure l'observation des bienséances, détruit l'égoïsme, donne la force de faire des sacrifices, exige la bravoure et commande la générosité.
L'imagination peint, l'esprit compare, le goût choisit, le talent exécute.
De tous les sentiments, le plus difficile à feindre c'est la fierté.
Il est contraire à la dignité et à l'intérêt bien entendu d'un gouvernement de prendre une part directe aux entreprises que l'on annonce devoir être lucratives, quelles que soient les bénéfices qu'elles semblent promettre.
Le luxe déprave les mœurs en créant pour toutes les classes de la société des besoins factices et des sujets de tentation, ce qui ne peut manquer d'accroître le penchant déjà trop naturel à l'homme de s'enrichir par le moyen le plus prompt et le plus commode, c'est-à-dire, en s'emparant par la ruse ou la violence de ce qu'il devrait gagner par le travail ou l'industrie.
Dans un État bien ordonné, le peuple doit retirer plus d'avantages de la noblesse que les nobles eux-mêmes.
Les meilleurs gouvernements sont ceux qui renferment en eux-mêmes des principes de réformation.
Justice, humanité, industrie, voilà les principes fondamentaux des États, c'est par eux qu'ils prospèrent, quelle que soit la nature de leur constitution ; mais dans tous, la crainte est le seul ressort qui puisse maintenir l'ordre et la tranquillité.
Les choses sont si bien arrangées que le plaisir du succès est presque toujours proportionné à la peine qu'il a fallu prendre pour réussir.