Les remords inutiles ne sont que plus importuns et plus cruels.
Il n'y a que la religion capable de changer les peines en plaisirs.
On peut revenir des ténèbres de l'ignorance, on ne revient jamais de celles de la présomption.
On ne voit guère de gens présomptueux qui ne soient des gens médiocres.
La meilleure politique dans la conduite de la vie est celle de n'en avoir aucune.
Si avec les peines endurées ici-bas, nous étions immortels, nous serions les êtres les plus à plaindre.
Avec de l'ordre, la médiocrité peut faire ce que ne peut point l'abondance qui n'a pas de règle.
On peut oublier les offenses, mais on perd rarement le souvenir d'avoir été offensé.
La véritable modestie ignore ses talents, et en même temps s'ignore elle-même.
Le vrai mérite désire d'être honoré, comme il s'honore lui-même.
Le plus malheureux des hommes est celui qui tombé dans la misère ne puisse compter sur ses amis.
Il est aussi naturel de craindre que d'espérer quand on est malheureux.
La louange est une insulte quand elle n'est pas sincère.
Si la justice ne se vend pas, elle coûte cher, et il faut être bien riche pour obtenir gain de cause.
L'esprit galoppe d'ordinaire ; le jugement marche au pas.
La jalousie modérée est une preuve d'amour, la jalousie excessive est un manque de respect.
La jalousie n'est jamais une preuve d'amour quand elle passe de l'excès à la fureur.
Les injures ne sont jamais pardonnées quand elles s'adressent à nos proches plutôt qu'à nous-mêmes.
Si celui qui ne sait rien se croit intelligent, c'est parce qu'il ne sait pas qu'il ne sait rien.
Le meilleur moyen de se consoler de son ignorance, c'est de croire inutile tout ce qu'on ne sait pas.
Rien ne caractérise mieux la supériorité du génie que le talent de préparer de loin les grands succès.
Il est rare que le succès ne justifie pas la hardiesse d'un génie entreprenant.
On n'arrive à la fortune que par degrés, mais il ne faut qu'un jour pour la perdre.
L'expérience qui ne s'acquiert que par des fautes est un maître qui coûte trop cher.
Vouloir trop user de ses droits, c'est le meilleur moyen de les perdre.
Moins on exige des autres, et plus souvent on obtient.
Bien des gens seraient plus estimés s'ils étaient moins pédants de leur réussite.
On se trompe souvent est estimant trop les hommes, mais rarement en les estimant peu.
L'espérance aura encore beau nous décevoir, on lui accordera toujours la même confiance.
Il est quelque chose de plus précieux que le courage, l'espérance qui le soutient, et qui l'inspire.
Il y a des gens qui craignent si fort l'ennui que la seule crainte de l'éprouver en devient un ennui.
Il n'est guère d'homme d'esprit que n'ennuient les sots, et qui ne leur rende à son tour l'ennui que ceux-ci lui donnent.
Dans nos disgrâces nous sommes bien moins touchés de la part que nos amis y prennent, que nous ne sommes irrités de la joie que nos ennemis en conçoivent.
L'homme n'est faible que par la disproportion qu'il y a entre ce qu'il peut et ce qu'il voudrait faire : le seul moyen qu'il y ait d'augmenter sa force, c'est de retrancher beaucoup de ses désirs.
Il n'est point de désirs qui ne nous flattent ; il en est peu qui ne nous trompent.
Heureux le mortel qui, craignant de s'égarer avec ses désirs, les réprime, les retient, les règle du moins et les modère. Plus heureux encore celui qui, dégagé de tout ce qui les fait naître, ne cherche sa satisfaction qu'en lui-même, qui regarde avec indifférence les biens et les maux, confond dans ses idées les sceptres et les houlettes, brave les honneurs sans les craindre, les richesses sans les mépriser, l'estime des hommes sans la dédaigner, les hommes eux-mêmes sans prétendre les blâmer, ni refuser de leur être utile.
Pour nous défaire de nos défauts, il nous suffirait d'en avoir l'idée qu'en ont ceux qui nous les connaissent.
Pour bien voir un défaut dans autrui, il faut ne pas en avoir un semblable.
Autant d'espèces de bonheur, autant de transports qui nous agitent : rarement un bonheur isolé peut nous satisfaire ; nous voudrions les avoir tous à la fois, et les posséder sans altération ni partage.
Le bonheur n'est agréable qu'autant qu'on a le sentiment et la connaissance du malheur.
Être heureux, c'est savoir qu'il est des malheureux, et qu'on n'est pas du nombre de ces infortunés.
Être heureux, c'est prendre conscience qu'il existe des malheureux plus malheureux que soi.
Les bienfaits intéressés sont si communs, qu'il ne faut pas s'étonner si l'ingratitude n'est pas rare.
On avilit le désir de bien faire par le désir de paraître avoir bien fait.
Faire du bien est le seul plaisir qui soit sans remords, sans trouble, sans amertume, le seul qui ne s'use point, puisque le long usage qui endurcit le cœur à tous les autres plaisirs, rend tous les jours celui-ci et plus doux et plus sensible.
Les grands besoins viennent des grands biens, et rendent la richesse presque égale à la pauvreté.
Une armée toujours prête à agir peut faire avorter les projets des puissances voisines, qui ne cherchent qu'à s'agrandir aux dépens de celles qui ne sont pas en état de leur résister. Ainsi les mêmes forces doivent servir à obtenir la paix et à la maintenir, à arracher par la violence ce que l'injustice refuse à l'équité, et à ne pas donner lieu par trop de faiblesse et de douceur à de nouveaux excès d'injustice.
On ne doit et on ne peut même raisonnablement avoir d'autres motifs dans l'entretien d'une armée, que de s'en servir utilement durant la guerre, et d'éviter la guerre durant la paix.
L'amour ne peut s'éteindre que de lui-même, il n'est jamais plus opiniâtre que lorsqu'il s'aperçoit que l'on conspire contre lui.
On ne peut que bien augurer d'un homme qui ose se donner des amis vertueux.
Combien de gens se font des affaires de tout, parce qu'ils ne savent s'occuper de rien.
Il se rencontre, dans toutes sortes d'affaires, des moments heureux qui ne reviennent jamais ; on se repent trop tard de n'avoir pas fait, lorsqu'il en était temps, ce qu'il n'est jamais deux fois temps de faire.
Rien de plus funeste à la société que le voluptueux, c'est-à-dire celui qui ne recherche le plaisir ni avec ce choix de sentiment qui l'épure, ni avec cette délicatesse de goût qui ne fait que s'y prêter ; celui qui, n'ayant nuls principes, vicieux par air, débauché par oisiveté, ne trouve plus que du dégoût dans l'habitude du plaisir, et ne peut corriger ce dégoût que par des excès qui deviennent des besoins, d'autres excès plus grands encore.
Personne n'est téméraire, quand il n'est vu de personne.
Les talents les plus heureux restent ordinairement dans l'obscurité ; et tel homme, qui aurait pu illustrer sa patrie, rampe dans le triste atelier d'un artisan, et ne sent qu'à regret les efforts d'un génie qui se devine sans se bien connaître, et met forcément de l'importance à des riens dont il est forcé de s'occuper pour vivre.
L'ambition de réussir est presque toujours l'augure du succès.