Madeleine de Scudéry

L'eau qui caresse le rivage, la rose qui s'ouvre au zéphir, le vent qui rit sous le feuillage, tout dit qu'aimer est un plaisir. De deux amants l'égale flamme sait doublement les rendre heureux ; les indifférents n'ont qu'une âme, mais lorsqu'on aime on en a deux.

Que sert à une femme d'avoir de la tête et du cœur si le reste est sans agrément ?

Les plus violentes douleurs, quand elles sont de peu de durée, se peuvent souffrir sans murmures, et les plus petites, quand elles sont continues, ne se peuvent endurer sans se plaindre.

L'amour ne donne pas aux hommes les vertus qu'ils n'ont point. Il fait dans l'âme de tous ceux qu'il possède ce que le soleil fait en tous les lieux qu'il échauffe ; le soleil ne plante point les rosiers, mais il fait éclore les roses. Ainsi l'amour ne donne pas les premières inclinations, mais il les fortifie et les fait paraître.

L'amour est une passion qui ne se soumet à rien, et à qui, au contraire, toutes choses se soumettent.

Le respect est une qualité essentielle de l'amour, et qui le perd ne sait pas aimer.

L'amour est accoutumé de faire des muets de ceux qui parlent le mieux.

Plus l'amour est mystérieux, plus il a de force ; plus il est secret, plus il augmente ; et plus on le cache, plus l'amour se montre.

L'amour fait trouver des excuses à tous les crimes qu'il fait commettre.

Si l'amitié a du feu aussi bien que l'amour, elle a de la lumière sans chaleur.

Il ne faut pas plus de force à supporter le malheur qu'à bien user de la bonne fortune.

L'amour est capricieux, il s'apaise de peu de chose, et dans le même temps qu'il désire tout, il se contente de presque rien.

De toutes les passions, l'amour est celle qui dérègle le plus la raison.

Qui commence à aimer ne fait que commencer à vivre.

L'amour est une inquiétude éternelle qui fait perdre et le repas et le repos.

Si la folie trouble l'esprit et le déconcerte, l'amour trouble le jugement.

L'amour est une passion qui met l'âme en désordre, et qui lui fait commettre les plus grandes fautes.

Les médisants sont comme les tigres, on les craint même lorsqu'ils se jouent.

II est des sentiments secrets qui nous portent à aimer ou à haïr, auxquels on ne saurait résister.

L'amour se purifie par les souffrances et par les larmes.

On attendrit autant de cœurs par la joie que par les larmes.

Un des plus grands secrets pour être aimé est de plaire et de divertir.

Les femmes souffrent volontiers qu'on leur dise qu'elles donnent de l'amour pourvu que ce ne soit pas ceux à qui elles en ont effectivement donné qui leur en parlent.

Il n'y a rien de si dangereux qu'une femme qui aime sans être aimée lorsqu'elle a donné quelques marques d'affection à un homme qui n'y répond pas.

Il est plus difficile à une femme qui a de l'esprit et de la vertu de confesser qu'elle a une violente inclination pour un homme qui n'a point d'amour pour elle que d'avouer qu'elle souffrirait agréablement la passion d'un amant.

Rien n'est plus propre à augmenter une inclination naissante dans le cœur de la plupart des femmes que d'apprendre que ceux qu'elles aiment sont déjà aimés.

L'amour est une passion qui n'a d'autre force que celle qu'on lui donne.

Plus l'amour est mystérieux, plus il a de force ; plus il est secret, plus il augmente.

Les femmes sont de ces places qui veulent être prises de force. Avec elles on risque beaucoup plus à ne rien tenter qu'à ne pas réussir.

Un des plus grands secrets pour être aimé est de plaire et de divertir : on amollit autant de cœurs par la joie que par les larmes.