Pour l'homme droit et sincère, jamais d'exagération, jamais de système orgueilleusement chimérique ; quelquefois des idées incertaines, parce qu'il y a beaucoup d'incertitude dans l'esprit humain ; toujours une candeur et une bonne foi qui feraient pardonner l'erreur même.
Quel est le détracteur qui, dans l'exagération de ses reproches, ne révèle pas quelque défaut véritable ? S'il faut parler des avantages, lorsqu'ils disparaissent sous de nombreux abus, proclamons l'utilité de la critique.
La critique excessive se décrédite toujours ; on l'écoute, mais on n'y croit plus.
Il est pour l'homme talentueux une sage et noble vengeance, c'est de mépriser l'injustice et la critique, de compter sur son talent, et d'en multiplier sans cesse les œuvres : il y gagnera du temps et de la gloire.
Il est triste et embarrassant d'analyser les idées d'un homme qui n'en a pas !
Les hommes n'ont-ils rien de mieux que le blâme et l'envie pour animer les progrès du talent ? Si quelquefois une âme fière et indignée remonte par l'effort même qui devait l'abaisser, combien de fois le ressentiment pénible de l'injustice n'a-t-il pas jeté dans l'inaction et dans l'oubli des talents faits pour la gloire ?
Les hommes ont quelque peine à croire qu'un homme de leur siècle, un homme fait comme eux, qu'ils voient, qu'ils entendent, ait un talent supérieur ; ils s'ennuieraient à la preuve d'une si fade vérité. On souffre avec plus de patience de voir des prétentions humiliées, des talents contestés, des hommes d'esprit tournés en ridicule, si jamais ils peuvent l'être.
Le talent seul peut agrandir l'horizon du goût, lui faire prévoir confusément de nouveaux points de vue, et le disposer d'avance à juger des beautés qui n'existent pas encore.
Dans un esprit faible et impuissant, le bon goût se rapetisse, se rétrécit, devient craintif et superstitieux, et se proportionne à la mesure de l'homme médiocre qui s'en sert aussi timidement pour juger que pour écrire.
Tous les arts sont jugés par de prétendus connaisseurs qui ne peuvent les pratiquer. Il en est ainsi souvent de l'art d'écrire ; et nulle part l'abus n'est plus ridicule et plus nuisible. Pour être un excellent critique, il faudrait pouvoir être un bon auteur.
Le bon goût est le raffinement de la raison cultivée, la perfection du sens naturel.
Le critique éclairé s'empresse d'accorder au talent qui s'égare des louanges instructives.
Le faux est presque toujours la ressource et le déguisement de la faiblesse.
Il est des innovations malheureuses qui ne sont que le désespoir de l'impuissance ; il en est qui, dans leur singularité même, portent un caractère de grandeur.
La punition d'un critique de mauvaise foi, il finit par perdre le bon sens.
À force d'abuser de sa conscience, on parvient à se fausser l'esprit.
Le consentement une fois donné, on y tient par amour-propre.
Les mœurs ne gouvernent plus l'Europe, les traditions se sont effacées, les usages ont disparu.
La loi n'est que le supplément de la modération qui manque aux hommes.
Il faut avoir de l'âme pour avoir du goût.
Un homme médiocre peut avoir un sot orgueil, mais il est impossible qu'un homme doué de quelque talent n'ait pas l'âme fière, sensible, impatiente du mépris.
Une remarque fausse mais polie n'est jamais un affront.
Que la critique évite toujours l'ironie, elle embarrassera les amours-propres les plus intraitables.
La raillerie est l'expression irrévocable du dédain.
De nos jours, les abus sont partout.
Le blâme n'exclut pas l'estime, il laisse la consolation de discuter, de contredire.
Le plus grand ridicule est de trouver tous les genres de mérite à l'homme dont on fait l'éloge.
L'imagination humaine est moins puissante à peindre la félicité que la souffrance.
L'amour-propre consent bien à être blâmé, mais il ne peut souffrir d'être raillé.
Le vrai génie de l'éloquence séditieuse, qui mêle la raillerie, le raisonnement et la colère, sait avilir par le ridicule celui qu'elle veut écraser sous la haine.
Le philosophe use ses esprits à démêler les vices et le ridicule des hommes.
Telle est l'influence d'un grand homme, il anime le génie de ceux qu'il éclaire.
Rien n'est inépuisable comme l'admiration que le sublime inspire.
Le pouvoir apaise une sédition, un mouvement populaire, il ne fait rien sur les opinions, même en les réduisant. Elles se fortifient en attendant, et il arrive toujours quelque moment de relâche ou de faiblesse qui leur rend l'occasion d'agir.
Ce qu'il y a de pur, de noble, d'élevé dans le plus sublime des beaux-arts, n'est pas fait pour être senti par une âme rampante et avilie ; elle n'entend pas ce langage ; elle trouve dans sa propre bassesse une incrédulité toute prête contre les sentiments généreux.
Il y a dans la faveur, dans la confidence du pouvoir, une sorte d'enivrement qui séduit jusqu'à la conscience, et qui fait encore plus de dupes que d'hypocrites.
Si la haute éloquence a besoin pour se produire d'un langage perfectionné, la perfection de langage ne mérite ce nom que lorsqu'elle est mise en usage pour graver des pensées profondes et de généreux sentiments. L'éloquence qui maîtrise le cœur de l'homme lui est réciproquement soumise ; pour montrer toute sa force, pour atteindre son plus haut point de sublime, elle doit s'exercer sur l'intérêt général, sur l'affection la plus vive du peuple qui l'écoute.
La pitié que Dieu a mise au fond de l'homme peut être à demi étouffée par de mauvaises institutions, par de barbares préjugées ; mais sitôt qu'elle se réveille dans un cœur, elle trouve mille cœurs qui lui répondent. Rien n'est contagieux comme la pitié ; rien ne sympathise plus puissamment avec tous les hommes que l'exemple d'une bonté courageuse.
Par le degré de liberté se mesure la richesse d'un État.