Le remède des inquiétudes, du découragement et de l'ennui se nomme l'espérance. L'espérance est une libératrice : elle met des joies et des forces partout où elle passe. Combien de fois je l'ai éprouvé ! Qui n'espère pas devient esclave ; esclave des lassitudes et des défaillances. Mais regardons plus haut que cela ; au-dessus des nuages il y a le soleil, après le sombre hiver viendra le printemps.
Grâce aux âmes indépendantes qui aiment la vérité pour elle-même et qui ne répètent pas de mots d'ordre, la notion de vérité se maintient au milieu de tant d'erreurs, la dignité humaine survit, et chacun de nous est autre chose que le produit de l'époque, de la race, du pays et des circonstances. Retranchez les âmes indépendantes, et la théorie qui détermine nos sentiments et nos actes en vertu d'une sorte de chimie morale ne sera pas loin d'avoir raison.
L'oppression nous sert au lieu de nous nuire quand nous osons lui tenir tête. Elle sert à nous dépouiller, elle sert à nous faire regarder en haut. Dans la fournaise des malveillances systématiques notre âme s'épure ; elle sort de là plus forte, plus capable des luttes de la vie, forgée en quelque sorte pour le combat.
L'homme libre est celui qui gouverne sa pensée : qu'il s'agisse d'une question de justice ou d'une question de goût, dans le domaine du bon, du vrai ou du beau, il décide pour son propre compte et sous sa propre responsabilité. Vous le reconnaissez à cet infaillible signe, qu'il sait, au besoin, être seul de son avis.
Les partis pris de malveillance, lorsqu'ils viennent du côté d'où devraient venir les sympathies, ont quelque chose en eux qui surprend et qui glace, comme le froid en plein été. Plus d'un talent a été ainsi flétri dans son germe ; plus d'une plume charmante, poétique et pieuse s'est séchée ; plus d'un dévouement s'est arrêté, ne sachant où se prendre et déconcerté dès ses premiers pas.
Le droit d'attaquer le vrai garantit le droit d'attaquer le faux.
L'homme se sent appelé à autre chose qu'aux vains plaisirs. Il devine les joies élevées dont il est sevré ; il entrevoit l'idéal dont il est séparé par un abîme. Accusateur secret et continuel de lui-même, il retrouve sans cesse dans son âme inquiète et découragée un fonds d'incurable ennui. Il désire ce qu'il n'a pas ; l'infini le tente, et il retombe brisé sur la terre.
Quand l'injustice, qui froisse toujours, se donne carrière ; quand ceux sur qui l'on comptait, faiblissent ; quand on se heurte au parti pris, alors on fait le brave peut-être, on chante pour ne pas pleurer ; mais n'y regardez point de trop près, dans cette vaillance il y a bien des tristesses !
Nous pouvons nous passer de réussir, nous nous passons difficilement d'être aimés.
Le contact avec les âmes sèches est toujours un froissement. Elles auront peut-être quelques hautaines vertus, dures et sèches comme elles-mêmes ; mais c'est tout. Les compassions, les tendresses, le côté humain de notre nature, tout cela leur manque.
Un devoir qu'on accomplit sans passion, qu'est-ce ? Une tâche servile.
Aimer, c'est se donner aux autres et se détacher de soi.
Il fait bon être heureux. Cela est doux et cela est sain.
L'oubli, cette trahison envers les êtres aimés, l'oubli, ce second linceul de nos morts, il faut le laisser à sa place, parmi les misères les plus humiliantes du cœur corrompu.
Ayons des trésors de pitié pour les vicieux, pour les méchants, pour les déchus. Si la charité les oubliait, elle renierait la plus belle part de sa mission.
Entre le passé qui nous échappe et l'avenir que nous ignorons, il y a le présent où sont nos devoirs.
Pour réussir aujourd'hui il ne suffit plus d'être le fils de son père, il faut être quelqu'un.
À travers l'erreur, une vérité rayonne.
La première condition pour servir son temps c'est d'en être, et même de l'aimer.
On ne peut en bonne conscience condamner un homme sans l'avoir entendu.
Dans le patron souvent l'apprenti trouvait un père.
Si ta main se lève contre tous, la main de tous se lèvera contre toi !
Les gens qui avancent ce sont les gens qui se remuent.
L'histoire est une aristocrate, elle ne s'occupe guère que des puissants.
Où la justice ne règne point la sécurité n'existe pas.
Si la vie est pleine de tristesse, la mort est pleine d'obscurité.
On ne fait des peuples libres qu'avec des hommes indépendants.
Les hommes qui se gouvernent eux-mêmes créent seuls des peuples capables de se gouverner.
Fermer les yeux, cacher sa tête pour ne pas reconnaître le péril, c'est le vrai moyen de succomber. Ainsi font les autruches.
Il ne faut jamais se livrer au désespoir, il faut toujours espérer en combattant.
Les regretteurs ne sont bons à rien ; ne nous noyons pas dans les regrets du passé.
Le scepticisme c'est la dernière ressource des champions du bon vieux temps.
Oubliant les choses qui sont derrière moi, je m'élance vers celles qui sont en avant !
Ayez bonne opinion d'un homme, cet homme deviendra bon ; pensez-en du mal, il deviendra mauvais.
Les jours que nous employons à regretter nous les perdons pour agir.
Les découragés, persuadés d'une inévitable défaite, la rendent inévitable.
Un homme découragé, c'est un demi-homme ; un soldat découragé, c'est un soldat vaincu.
Il y a des hommes qui regrettent leur jeune temps, ce regret du vieillard n'est pas le mien. Et cela d'autant moins que, parmi les découragés du présent tristement tournés vers le passé, je vois beaucoup de jeunes gens, dont les lèvres fraîches et roses murmurent : Autrefois ! Dans ce lamentable retour vers le bon vieux temps, il est impossible de ne pas reconnaître un je ne sais quoi de morbide et de malsain qui nous décompose et nous perd. Plus notre temps a de mélancolie, plus il contient de périls, plus il importe que nous fassions provision de vigueur. Celui qui laboure parmi les brouillards d'arrière automne doit labourer le cœur tourné vers le soleil d'avril. A qui combat, il faut l'espoir.
Ennemi déclaré du faux, j'honore la vérité partout, fût-elle ensevelie sous l'illusion, comme est enseveli sous la cendre le charbon vif qui se maintient ardent. Écartons la cendre, retrouvons le vrai, et célébrons-le !
Si savoir lire ne rend pas toujours l'homme bon, si la lecture fait plus de mal que de bien quand on lit de mauvais livres et de mauvais journaux, lire de bons journaux et de bons livres vaut mieux que de ne pas lire du tout.
L'industrie, ce fait moderne, qui nous appartient, que nous n'avons nulle envie de répudier, ne mérite pas le mal qu'on en dit. Si l'industrie enfante çà et là des misères, elle crée bien plus de prospérité. Vêtements, nourriture, habitations, éclairage, chauffage, déplacements, communications, elle perfectionne ou produit tout, et les pauvres comme les riches, les défenseurs du présent siècle comme les avocats du bon vieux temps, tous nous sommes ses obligés.
Victoires, défaites, tout ici-bas se succède et s'entre-mêle. Le devoir a cela de bon qu'il ne change pas. Tenons-nous au devoir.
Regretter le passé, lorsqu'il s'agit des choses et non des hommes, entendons-nous, c'est plus qu'un travers de l'esprit, c'est un affaiblissement de l'âme, c'est un appauvrissement de la vie, cela nous empêche de nous mettre résolument au travail.
Quiconque regrette le passé rompt avec le bon sens, car de toutes les choses impossibles ici-bas, la plus impossible est de refaire le passé. Heureux ceux qui aiment leur temps ! L'amour est le grand régénérateur. Mais notre temps dût-il nous déplaire, ne pussions-nous parvenir à l'aimer, du moins sommes-nous tenus d'en être.
Être de notre temps, cela ne veut pas dire adopter les opinions reçues quand elles sont fausses ; cela ne signifie pas accepter les faits accomplis lorsqu'ils sont mauvais. Dieu nous en préserve ! Si nous avons à respecter ce qui est bon, nous avons à renverser ce qui ne vaut rien.
Être de notre temps, ce n'est pas nous accommoder au mal ; c'est admettre sans arrière-pensée les conditions de vie moderne, les bases de civilisation nouvelle établies par nos contemporains ; c'est prendre notre part du fardeau ; c'est nous associer aux chances d'aujourd'hui ; c'est préparer le progrès pour demain.
Aimer notre temps, ce n'est pas tolérer ses péchés ; c'est réparer ses injustices, corriger ses erreurs, réprimer ses lâchetés, arracher ses gangrènes, lutter contre toute défaillance capable de le compromettre ou de l'abaisser.
S'il est des jeunes gens vieux avant l'âge, il est, Dieu merci, des vieillards qui restent jeunes en dépit du temps. Au contact de ceux-là, de leur viril espoir, de leur confiance inébranlable, on se rajeunit. Ceux-là ne perdront pas, soyez-en sûrs, leurs journées à pleurer hier, à redouter demain.
Les parents qui se lamentent ont des enfants qui se lamentent. Et les enfants qui se lamentent, auront des enfants qui se lamenteront à leur tour. Et les générations qui viennent, découragées d'un siècle détestable et condamné d'avance, se mettront à dire : à quoi bon ?
Les découragés sont des vaincus. C'est inévitable et c'est réglé. Qui regarde en arrière reste paralysé ! Vivre ici-bas dans une passive résignation aux échecs certains, dans la prévoyance que tout ira mal, dans la conviction que le passé valait mieux que le présent, lequel vaut mieux que l'avenir ne vaudra ; c'est se condamner à l'immobilité. On ne s'abandonne pas au découragement sans renoncer à l'idéal. Je ne connais qu'un sentiment, l'espoir, pour nous donner des ailes.
Dieu aime celui qui donne gaiement ; le pauvre aussi, aime celui-là. Un secours accompagné de gémissements c’est accordé à regret. Ce que le malheureux attend de notre charité, c'est du courage, c'est de l'entrain. Arriver avec des soupirs, donner avec des soupirs, repartir avec des soupirs ; on coule un homme ainsi, on ne le relève pas.
Découragés de l'intelligence ! — Cet esprit critique dont le souffle flétrit tout, qui voit le côté négatif de tout, qui se défie du progrès, qui décompose la lumière pour en ôter les rayons, qui hausse les épaules à l'enthousiasme et tourne le dos à l'idéal !
Découragés de l'éducation ! — Ces pères découragés, ces hommes sans espoir qui élèvent sans vigueur, ces ternes devoirs qu'on accomplit sans élan, ces enfants revenus de tout sans avoir rien abordé, ces générations vieillottes à qui les découragés n'enseignent qu'une chose : le découragement !
Découragés de la famille ! — Ces tendresses découragées, ces sollicitudes amollissantes, ces prévoyances lugubres, ces frissons en face de l'avenir, ces tristesses à tous les horizons, ces défaillances à chaque pas ! Et l'amour veut de la force, les saintes unions veulent d'éternelles certitudes, il faut de la joie à nos bonheurs !
Le temps se fait comme on augure de lui. Si nous désespérons de notre temps, notre temps méritera qu'on en désespère. Si nous prenons le deuil de notre siècle, notre siècle se croira mort. Une génération qu'on a condamnée se dispense de vivre, même de respirer.