L'avenir plaît aux douteurs parce qu'il porte inscrit en grosses lettres sur son front ce grand mot : Peut-être ! et qu'il tend la main à toutes les espérances.
Le mot Détruire est à détruire. Rien ne se détruit, tout se transforme.
Les cerveaux sont pleins de pensées comme de statues les carrières de marbre. Tout l'art est de formuler les unes et de sculpter les autres.
Le vice a sa racine plus souvent dans l'esprit que dans le cœur.
Le père, la mère, l'enfant, voilà la vraie trinité ! le vrai homme en trois personnes !
La littérature de ces temps-ci me donne la nausée... Supra-idéaliste ou hyper-réaliste. Dans le premier cas elle méconnaît le mécanisme social, la vie pratique ; elle leur substitue je ne sais quel monde chimérique où se plaisent à rêvasser les phtisiques de la pensée. Les hyper-réalistes vous dépeignent sans vergogne toutes les jouissances bestiales de la sensation. On dirait qu'ils prennent à tâche de maintenir l'homme le nez dans la boue et de l'empêcher de penser.
Il y a des hommes tellement dénués de personnalité qu'ils n'ont de goût que le goût public du moment, bon ou mauvais.
Rechercher ce qu'il y a de général dans le particulier, de nécessaire dans le contingent, de permanent dans le passager, de sacré dans le profane, de divin dans le terrestre, de vie dans la mort. Voilà, au milieu du tumulte en apparence incohérent des êtres et des choses, la tâche du penseur.
Amour et mort sont identiques au fond ; c'est l'endroit et l'envers de la vie.
À mesure que l'expérience nous arrive, les illusions se hâtent de nous quitter.
Le goinfre trop repu qui, d'indigestion, vomit son dîner, me semble rendre la part qui revenait au pauvre sans pain.
À refuser une faveur qu'on nous demande, il faut mettre plus d'amabilité qu'à l'accorder.
Les grands hommes n'ont jamais été d'une gaieté folâtre. Les gens gais, contents de tout, surtout d'eux-mêmes, ne sont que des ébauches, des parodies de l'homme ; c'est l'instinct en goguette.
Que de choses il faut savoir pour en savoir une !
Quand nous blâmons les autres, ne jamais perdre de vue que les autres c'est nous.
Les hommes sont tellement pleins d'eux-mêmes qu'il n'y a pas place en eux pour les préoccupations des autres.
Un cœur pur tient lieu à la femme de raison.
Que la Raison, arrivée à sa maturité, n'oublie pas que le lait de la Foi a été son premier aliment. Elle doit à la Foi la haute indulgence qu'un homme bien né accorde à sa nourrice.
Il n'est pire tyrannie que celle de la faiblesse.
La Providence est l'instinct de conservation d'un peuple ; nous objectivons cet instinct, et voilà un bon Dieu de bâti !
Quel est le Dieu des fourmis ? — Une fourmi énorme qu'elles n'ont jamais vue l
La médiocrité qui ne s'ignore pas n'est déjà plus de la médiocrité.
L'équité vient du cœur ; la justice vient de la raison.
Les sectaires sont à cheval sur les principes comme sur une licorne.
Dépasser le but c'est presque toujours pire que de ne pas l'atteindre.
Les femmes sont plus femmes que les hommes ne sont hommes !
Quand on aura fini d'améliorer l'espèce bovine, l'espèce ovine, l'espèce porcine, l'espèce chevaline... je demande qu'on songe à améliorer l'espèce homine ! À quand la viriculture ?
À vingt ans c'est avec le cœur, à trente ans c'est avec la tête, à quarante ans c'est avec l'estomac que l'on pense (Du côté des hommes).
L'amour vit de contrastes ; l'amitié de similitudes.
L'égoïsme, soyez-en sûr, prend sa source dans la faiblesse. L'enfant et le vieillard sont les plus égoïstes des êtres ; la femme ne vient qu'après.
La femme riche d'amants est pauvre de cœur.
La galanterie est si bien le vice national que celui qui n'est pas vert-galant est méprisé même par les bégueules.
L'adultère serait-il au mariage moderne ce que la contrebande est au monopole, une protestation ?
À vingt ans on aime. À quarante ans on veut être aimé.
Ne vous imaginez pas que c'est à votre question que répond une femme quand vous l'interrogez ! C'est à une autre question qu'elle s'est posée mentalement à l'occasion de la vôtre.
La femme opine du cœur ; celle qui vous désapprouve ne vous aime pas.
L'amour est une orgie où la femme s'enivre et où l'homme sert d'échanson !
Le mariage a été inventé par une femme enceinte !
Les contrats de mariage sont des barrières à notre gredinerie.
Le christianisme, la chevalerie, le roman moderne ont créé la maîtresse ; ils ont rendu la femme mariée impossible.
La tourbe des littérateurs flatte les passions du jour. Le philosophe au contraire cajole la bête noire et fustige l'idole du peuple.
Notre activité se mesure à l'importance que nous attachons aux choses.
Nous accusons les autres d'égoïsme quand leur personnalité résiste et ne veut pas abdiquer à notre profit.
L'analyse est une arme à double tranchant : Avec l'un on met à nu hommes et choses ; avec l'autre on s'ouvre lentement le cœur.
Quand les hommes changent de sentiment à notre égard, nous les accusons de versatilité. Ne ferions-nous pas mieux de descendre d'abord en nous-même, et de voir si par aventure ce n'est pas nous qui aurions changé ?
Si les poètes, les artistes, les rêveurs passent leur vie loin de la terrestre fange, à cheval sur les nuages, c'est en vertu de leur légèreté spécifique.
Religion ? Opium. Poésie ? Haschisch. Deux poisons. Deux complices.
Sentons en artistes, pensons en savants, agissons en hommes. Tout le compréhensivisme est là.
Y a-t-il deux morales ? — Evidemment, comme il y a deux espèces de gens, des honnêtes et des coquins.
Dans une société de coquins, la vertu n'est jugée que comme une impuissance d'avoir des vices.
Les parvenus sont de deux sortes : les sots et les fripons. Les premiers ont pris la voie lente, et les seconds la voie rapide.
Nous n'avons prise sur la nature qu'en déterminant les conditions de la production des phénomènes ; nous n'avons prise sur l'homme qu'en abordant franchement l'étude du déterminisme moral.
L'hérédité, le sexe, l'âge, le moment physiologique, les mouvements réflexes, le milieu, le moment historique, les exemples, les discours, les livres, voilà les principaux éléments du déterminisme moral.
Les illusions existent à l'âge où le mouvement de composition est prédominant dans l'organisme ; le scepticisme et l'ironie apparaissent sur la scène au moment où la décomposition va prédominer.
L'accord de la foi et de la raison, celui de la raison et de l'imagination, celui de l'idéal et du réel, celui du catholicisme et de la liberté... au tant de pierres philosophales dont la recherche est puérile et vaine.
Et dire que c'est avec la raison que certains cuistres prétendent établir victorieusement que nous devons soumettre la raison à la foi !
Nous jouissons rarement du présent ; le plus souvent nous en souffrons... et pour échapper à la souffrance, nous nous réfugions, les faibles dans le passé par le rêve, les forts dans l'avenir par l'action.
La sagesse consiste à mettre notre nature en harmonie avec la nature des choses.
Tendre à un but, y parvenir, voilà le bonheur ! – Et après ? — Après ? on recommence !
Quelle est votre destinée ? Être heureux ? Non ! — Quelle ? — Voir clair !
L'originalité est le cachet d'une nature qui a le tempérament de la liberté.
La pensée qui tombe sur un terrain mal préparé fait comme la balle qui, tirée de près sur un mur, vous revient en pleine poitrine.
Ce n'est pas le bonheur actuel qu'on sent le plus ; c'est celui qu'on espère, ou celui dont on se souvient.
Le monde est aux médiocres. Celui qui n'arrive pas est un idiot ou un homme supérieur. (Ce qui permet à tout idiot de se ranger parmi les hommes supérieurs !)
Celui qui a pratiqué les hommes et ne les fuit pas est un ange ou un gredin.
Il y a deux classes de misanthropes : Ceux qui ont trop aimé les hommes, ceux qui ne les ont jamais aimés.
Nous aimons les bonnes gens qui sont souvent les gens bêtes en haine des gens d'esprit qui nous font peur.
Le bon sens n'est pas un phare, c'est un garde-fou qui retient le penseur dans le chemin de la vérité.
Raisonnons moins, nous serons plus raisonnables.
La vérité est pour l'homme un flambeau ; pour la femme, un éclair.
La prospérité rend insolent, double la bêtise des sots, et rend bêtes les gens d'esprit.
Combien d'hommes il faut mener comme les chiens, un bâton dans une main et du sucre dans l'autre !
La femme a des sentiments d'humanité, non des sentiments humanitaires ; elle compatit surtout au malheur individuel, moins aux souffrances collectives.
Les mobiles qui dirigent l'homme ne diffèrent de ceux qui poussent l'animal que par la complexité.
Si la rareté constitue le prix des choses, l'amitié n'a pas de prix.
Sympathiser (sentir avec), cela veut dire que l'amitié repose plus sur la communauté des goûts que sur celle des idées.
Il est des gens qui se traînent dans les connaissances banales, et livrent leur âme comme certaines femmes livrent leur corps.
L'or est comme la femme, il divise les hommes plus qu'il ne les rapproche. La goutte d'eau lentement versée ne creuse pas plus sûrement la pierre que l'intérêt ne rompt les plus vieilles amitiés.
L'amitié aurait-elle sa lune de miel comme l'amour, et comme l'amour sa lune rousse ?
Les hommes se supplantent en amitié comme les femmes en amour.
L'amour et l'amitié ne seraient-ils, à notre insu, qu'un redoublement de l'amour de soi-même ?
L'amour est fait de besoins pour un quart et de trois quarts de vanité.
Il faut distinguer soigneusement le sentiment du sentimentalisme ; celui-ci est dans la tête, celui-là est dans le cœur.
En amour, la hardiesse chez l'homme, la pudeur chez la femme, sont en chacun d'eux un excitant pour l'autre.
L'argent est comme la femme, il ne se donne pas au plus digne, mais au plus ardent.
L'homme se mesure à la tête ; la femme au cœur.
Le cœur est un éternel enfant que le cerveau doit tenir en tutelle.
L'amour ! que de fois c'est un mensonge à deux !
En amour les effets n'ont pas de causes, ils n'ont que des prétextes.
En amour on n'est pas tenu d'être logique, on est même tenu de ne l'être pas.
Si vous voulez en imposer à votre génération, affirmez-vous avec cynisme et tranquillité.
Quand les faux bonshommes abondent, les faux grands hommes ne sauraient manquer. Regardez autour de vous.
Le bon sens des Français se rencontre dans leurs livres, rarement dans leur conduite.
Le désir de la renommée provient d'une fausse estimation des hommes.
À certaines façons de sentir et de penser, le moraliste faire un phtisique bien avant le médecin.
L'amour, hors de sa saison, a ses incurables. Il faut plaindre les femmes et siffler les hommes.
Dans notre jugement sur les hommes, c'est toujours notre moi qu'à notre insu nous prenons comme commune mesure.
Les hommes d'action pensent avec leur moelle épinière.
Affirmer hardiment, nier de même, voilà toute la science du politicien.
Les savants sont en général inhabiles à l'action. D'où leur vient cette absence ou plutôt ce défaut de caractère ? Ne voyez-vous pas que c'est là une conséquence de leurs suspensions de jugement ? Or, qu'est-ce qu'une suspension de jugement tournée en habitude ? Le doute. Celui qui ne doute de rien se détermine promptement au petit bonheur.
Les sceptiques ? Allez ! vous ne les voyez d'un mauvais œil que parce qu'ils ont pénétré le fond des turpitudes humaines, et que vous les savez assez hommes d'esprit pour n'être pas vos dupes à l'occasion !
Esprits forts, ainsi nommés par les esprits faibles !
L'inégalité des conditions résulte de l'inégalité des forces. Équilibrez celles-ci, vous n'avez ni mouvement, ni vie.
La liberté et l'égalité sont antipathiques et inconciliables. Il n'y a d'égalité que dans la servitude.
L'instinct de sociabilité se traduit en France par des paroles ; chez les Américains, par des actes.
Le savoir a ses parvenus comme l'argent, également insupportables dans la vie pratique.
Ne cherchez pas votre idéal trop haut, vous subiriez le martyre sans obtenir le ciel !
Il n'y a que deux espèces d'hommes : des nobles par l'intelligence ; ceux-là épousent la science ou la muse ; des vilains qui s'accouplent entre eux et reproduisent leur caricature.
Le savoir rend les esprits supérieurs modestes, et les esprits médiocres cuistres.
Toutes les chartes du monde ne sauraient donner la liberté à un peuple de jouisseurs. La liberté est fille du labeur et de la tempérance.