Sur les choses de l'amour quiconque veut raisonner commence par déraisonner.
L'amour a des caprices sans nombre, il s'amuse à nous surprendre, même quand nous le repoussons ; l'amour sait mieux que nous le chemin de notre cœur ; il en connaît les détours, il arrive à son but en dépit de toute notre raison.
L'amour est le soleil de l'âme. Pendant la nuit l'âme cherche la lumière dans toutes les étoiles : elle va de la fortune à l'ambition, de la science à la renommée, de chimère en chimère, toujours éblouie et jamais voyante. Tout à coup l'aube annonce le soleil, les étoiles pâlissent, le soleil se lève. L'âme inondée de lumière ne voit plus que l'amour, se moque de la fortune et de l'ambition, de la science et de la renommée. Aimer ! aimer ! elle ne conjugue plus que ce verbe sur tous les temps.
La femme brune qui prend un amant blond espère le dominer par toutes ses forces ; mais elle rencontre bientôt son maître. La femme la plus brune est plus blonde que l'homme le plus blond.
L'amour a-t-il étudié les mathématiques ? Quand il veut tromper son monde, il commence par mettre un zéro après une unité et il est dix fois plus amoureux. Le lendemain il met encore un zéro, et il aime cent fois plus que la veille. Et ainsi il va de zéro en zéro jusqu'au jour où la nature, dépouillée du prisme de l'orage, le ramène à l'unité, que dis-je ? Au simple zéro.
Quand on aime, on ne voit que l'être aimé ; s'il n'est pas là, on le regrette et on l'attend ; s'il est là, on ne voit que lui, on ne pense qu'à lui, et peu importe que le ciel soit pur, que l'onde soit claire et que les oiseaux chantent bien.
L'amour se couronnait de roses ou de pampres chez les anciens ; il se couronne d'épines chez les modernes. Il ne courait que les sphères radieuses du monde visible ; il habite les régions étoilées de l'idéal.
Les grandes passions prennent leur source dans l'amour et se jettent dans la mort.
La femme qui s'oublie avec un homme qu'elle n'aime pas oublie bientôt qu'elle s'est oubliée. C'est alors qu'un galant homme n'a pas le droit de se souvenir.
Les femmes placent leur amour dans le cœur des hommes à fonds perdu ou à cent pour cent. Les hommes ne hasardent pas le capital, mais dédaignent les intérêts.
Pour savoir l'âge d'une femme, il faut le lui demander, mais aussi le demander à sa meilleure amie. La femme dira trente ans, l'amie dira quarante, et on prendra le terme moyen.
Si l'amoureux aime la solitude, c'est qu'il a un monde dans le cœur.
L'amour est un bourreau d'argent. C'est toujours l'enfant prodigue. Il se nourrit de ses sacrifices, car plus il donne et plus il croit affermir sa conquête. Mais il ne prend hypothèque que sur le sable mouvant du rivage. Si on lui donne la monnaie de sa pièce, ce sera en fausse monnaie.
Les femmes romanesques aiment les hommes prosaïques. La nature ne veut pas perdre ses droits.
La pudeur est sublime, parce que c'est la nature qui se défend. La pruderie est odieuse, parce que ce n'est qu'un masque. Sous la pudeur il y a une vraie femme ; sous la pruderie il n'y a qu'une fausse femme.
La chercheuse d'esprit qui trouve l'amour ne trouve pas l'esprit. Le chercheur d'amour perd dans son voyage tout l'esprit qu'il a. L'esprit hait le commerce de l'amour, et l'amour hait le commerce de l'esprit.
Quand une femme se déshabille, elle est encore vêtue de sa pudeur - si elle est amoureuse. Quand une femme se donne corps et âme, elle est encore chaste - si son cœur bat.
Les songes sont des comédiens qui nous jouent à nous-mêmes nos passions. Mais la vie la plus sérieuse n'est qu'une série de songes qui représentent une comédie invraisemblable. La mort nous réveille et nous dit le nom de l'auteur.
Il en est des passions amoureuses comme des chimères de l'esprit. Je me suis toujours représenté ces adorables figures du monde idéal comme des belles filles embarquées sur une mer orageuse et côtoyant le rivage où on les appelle sans jamais vouloir aborder, parce que leurs pieds de neige ne sauraient toucher la terre. Elles passent, elles passent, et sourient à ceux qui tendent les bras vers elles ; mais, comme elles sont à tous, elles ne sont à aucun ; elles sourient, mais elles fuient, comme le soleil dont le rayon ne s'arrête jamais, même sur la treille toute de pourpre et d'or qu'il a nourrie de son feu, de son sang et de ses larmes.
L'amour est comme le poète qui trouve toujours des vers nouveaux avec la même poésie.
Quand l'amour a le diable au corps il transporte le paradis dans l'enfer ou l'enfer dans le paradis. Il répand sur les flammes vives les lys, les roses blanches et les violettes qui fleurissent aux doigts des madones et des martyres.
Quand Dieu fit la femme aux dépens de l'homme, il créait du même coup la femme et l'amour. En effet, l'homme est attiré vers la femme comme à un autre lui-même et comme à un bien perdu. Il veut ressaisir sa force primordiale, il veut s'enchaîner à cette autre vie qui est encore la sienne. La femme, de son côté, trouve que Dieu ne lui a pas donné tout ce qu'il y avait de grandeur et d'héroïsme dans l'homme. Elle essaye de conquérir ce qui lui manque ou de se donner tout entière, comprenant bien qu'elle n'est que la doublure de l'étoffe primitive qui habille l'idée de Dieu. La doublure ne vaut-elle pas l'étoffe ?
Dans le mariage, l'harmonie vient des contrastes. On ne fait pas un accord avec une seule note, ni un tableau avec une seule couleur. A toute âme brune il faut une âme blonde, la force aime la grâce, l'esprit se repose dans le sentiment.
Les méchants dorment toujours d'un sommeil inquiet, et les bons d'un sommeil de miel.
L'amour n'aime pas ce que tout le monde aime : l'homme le plus recherché n'est pas celui qui inspire le plus de passions.
Que d'amoureux qui croient encore vivre de leur amour quand ils n'ont plus en eux qu'un mort enseveli !
L'amour n'a qu'un ennemi sérieux, c'est le ridicule. Quand l'amour survit au ridicule, c'est qu'il est sublime, comme la poésie qui survit à la tragédie.
L'amour et la haine brouillés ensemble s'appellent quelquefois la volupté pour les cœurs pervertis.
Il y a beaucoup d'amours qui naissent par la haine. Le bien et le mal ont toujours été en lutte, et ont toujours aimé à vivre ensemble. C'est une grande joie que d'étreindre dans ses bras avec la fureur de la passion la femme qu'on détestait la veille, ce qui explique les querelles de ménage, qui sont souvent des querelles d'amour déguisées.
Il arrive souvent qu'un galant homme s'imagine avoir une femme parce qu'il est marié ; mais là où est la femme souvent la femme est absente. Son esprit et son cœur font ménage avec quelque fat de sa société. Il n'y a pas séparation de corps ; c'est bien pis, car il y a séparation d'âmes.
Toute la politique des femmes, c'est l'amour. L'amour, c'est l'Océan autour de la femme. On se hasarde dans tous les dangers de la traversée pour aborder à la terre ferme. Mais la femme n'est le plus souvent qu'un sable mouvant. Combien qui échouent sur le sable, croyant saluer le rivage !
Les illusions sont des zéros, mais c'est avec les zéros qu'on fait les beaux chiffres.
La femme est comme le serpent, douce au toucher, mais ses blessures sont mortelles.
Ce que les femmes aiment le plus dans l'homme, ce sont les blessures qu'elles lui font.
L'amour n'a pas d'escarcelle et ne sait pas compter : Bienheureux les pauvres d'argent, le royaume de l'amour est à eux.
Qui suit amour, amour le fuit ; Qui fuit amour, amour le suit.
L'amour aujourd'hui est une fête sans lendemain.
Il y a cinquante ans on chantait la semaine des amours, aujourd'hui on s'aime toute une heure.
On s'est adoré un instant, tout est fini ; on a bâti un château de cartes sur un château en Espagne.
Autrefois, on s'aimait toute la vie ; aujourd'hui, on a fini par ne plus s'aimer qu'une saison.
Être aimé, adorable supplice qu'on fuit et qu'on recherche, mais n'est pas heureux qui veut au jeu de l'amour.
L'amour est un magicien, tout ce qu'il touche devient or.
Comme il n'y a pas de nuit qui n'amène le jour, il n'y a pas de péché qui ne fasse aimer la vertu.
Le plus beau sentiment qui fasse battre le cœur est celui qui n'a pas de lendemain.
Rêver qu'on pèche, c'est presque pécher.
Quelle que soit la femme, c'est toujours l'homme qui a tort.
Les roses de l'amour ont des épines dans notre cœur.
Dans les affaires d'amour, la griffe du diable se trouve toujours à côté du doigt de Dieu.
N'est pas qui veut heureux au jeu de l'amour.
Il en est souvent des femmes comme de l'argent : on les prend pour les mettre de côté.
La femme la plus amoureuse a toujours un second amour dans le chemin du cœur.
L'amour donne une main à la vie, l'autre à la mort, et le cercle fatal est formé.
L'amour est un fil que la femme tient par les deux bouts et qu'elle nous donne à retordre.
La préface de l'amour vaut mieux que l'amour lui-même.
Mieux vaut une noble lutte qu'une oisiveté honteuse.
Qui est trop aimé n'aime plus guère ; dès que la balance penche, tout est perdu.
Le mariage : après tant de flammes vives, la fumée est venue.
Les femmes ne posent pas seulement devant les peintres, elles posent devant elles-mêmes.
Montrez-moi une figure pendant deux heures, et j'écrirai l'histoire de ses passions.
Certaines conversations ressemblent aux voyages qu'on fait sur l'eau ; on s'écarte de la terre sans presque le sentir ; on ne s'aperçoit qu'on a quitté le rivage que quand on en est déjà loin.
On a beau se détacher, on vit toujours de la vie, et non de la mort.
Qui est heureux par l'illusion n'a sa fortune qu'en agiotage.
Mieux vaut tard que jamais, mais parfois mieux vaut jamais que tard.
Tout en lisant l'histoire de la vie, il faut en feuilleter toujours le roman.
La vie n'est plus qu'un cigare : un peu de feu, beaucoup de fumée.
On rouvre toujours avec un battement de cœur les premières pages de sa vie.
Toutes les femmes sont la même, qui a dit cela ? Entre deux femmes, il y a un monde.
Les femmes n'ouvrent la main que pour saisir ce qu'elles n'ont pas.
Paris est une grande maison qui appartient à tout le monde.
Les morts ne meurent pas tout à fait pour ceux qu'ils ont aimés ou pour ceux qui les ont aimés. Comme le soleil qui vient de se coucher dans l'Océan, ils répandent encore de vives lumières si on se tourne vers eux. Il semble que leur âme colore toujours les chers souvenirs comme le soleil disparu colore encore les nuages à l'horizon.
Il y a des amours qui n'ont qu'une saison ; il y a des amours qui sont toute la vie.
Il n'y a pas une femme qui résiste plus de deux ans à la persistance bestiale d'un imbécile.
Les imbéciles, à force de parler, finissent toujours par trouver une chose spirituelle.
Si les sots ont une supériorité sur les hommes d'esprit, c'est qu'ils n'ont pas peur d'être bêtes.
Quand on n'espère plus pouvoir payer les bienfaits, on tombe dans l'ingratitude.
La figure est la fenêtre où viennent respirer toutes les passions.
L'homme heureux par la vérité a sa fortune en fonds de terre.
Si le plaisir s'appuie sur l'illusion, le bonheur repose sur la vérité.
Pour la femme, l'amour, c'est la curiosité ; pour l'homme, c'est l'amour.
Si vous ne donnez pas à une femme aimée la crainte de vous perdre, vous ne lui donnez pas le désir de vous conserver.
Jamais une femme ne console une autre femme des peines de cœur, même quand toutes les deux ont souffert de l'amour.
Une femme ne se console d'un amour qui s'en va que par un amour qui vient.
La femme galante est un billet en circulation qui prend d'autant plus de valeur, qu'on y lit plus de signatures.
On a beau boire ses larmes, on n'éteint jamais la soif de vivre.
Quand on a été frappé dans le passé, on ne rouvre les portes du passé que pour évoquer de douces images, mais on ne veut pas recommencer la vie dans le même cortège ; on voudrait, par une métamorphose soudaine, s'envoler dans un autre monde.
Dieu ayant créé le monde et le voyant imparfait, mais ne daignant pas recommencer son œuvre, rêva un autre monde plus beau, plus éblouissant, plus digne de lui-même, nouveau paradis terrestre où la poésie, Ève avant le péché, se promène dans toute sa beauté splendide. L'art est cet autre monde. L'artiste ou le poète est donc une créature privilégiée qui a la haute mission de réaliser le rêve de Dieu.
Quand on aime, on a le diable au corps, et Dieu dans le cœur.
Le tiers des femmes se donne pour de l'argent, le second tiers pour de l'amour, le dernier tiers pour rien. Celles-là sont les plus faciles.
Les femmes ne vivent pas dans l'avenir, leur règne est au jour le jour, car c'est le règne de la beauté, qui ne peut que perdre en avançant.
Les femmes ont écrit le poème de l'amour ; les hommes l'ont commenté, mais ne l'ont pas compris.
Quiconque est fidèle à l'amour est infidèle à sa maitresse.