Que d'hommes seraient naturels s'ils ne prenaient pas tant de peine pour faire croire qu'ils le sont !
Les oiseaux au nid ont le bec jaune ; il y a des hommes qui l'auront toute leur vie. Naïfs dans la jeunesse et niais dans l'âge mûr, toujours béjaunes : ils n'ont rien vu ni rien compris ; à quarante ans, ils traînent encore leur coquille.
Peu d'hommes ont des opinions qui leur soient propres ; c'est paresse d'esprit sans doute, mais la plupart ne pensent que par reflet.
La femme, lorsqu'elle cesse pendant quelques heures d'être mère de famille pour devenir femme du monde, est plus susceptible que sensible ; elle se vexe plus souvent qu'elle ne s'émeut.
Les hommes de bonne foi et de bonne volonté savent se composer une existence supportable où la somme des joies l'emporte de beaucoup sur celle des tourments. Ce qui leur est difficile, lorsqu'ils ne sont pas seuls, c'est de faire partager leur bonheur et leur confiance. Les femmes sont peu disposées à se reconnaître heureuses ; elles sont inquiètes, préoccupées d'elles-mêmes, aisément irritables, et veulent souvent ce qu'elles n'ont pas. Elles se plaignent des hommes qui travaillent aussi bien que de ceux qui s'amusent ; les uns et les autres ont le tort de les laisser seules, sans compagnie et sans compliments.
Il est de ces natures féminines, félonnes et félines, provocantes et mortelles, qui engloutissent tout dans la sphère où elles s'agitent. A moins qu'il ne soit doué d'une force d'âme peu commune, l'homme qui les approche voit s'abîmer peu à peu, dans une dégradation successive et sombre, tous les biens qu'il avait en partage, depuis la fortune jusqu'à la réputation, depuis la probité jusqu'à la vie. Résistez à la puissance d'attraction de ces êtres, éloignez-vous avec colère, faites, s'il le faut, un suprême effort. Vous ne sortirez pas victorieux d'une lutte de ce genre sans remercier Dieu d'avoir échappé à l'épreuve qui devait le plus menacer votre repos et votre honneur.
Si un bavard vous laisse cinq minutes la parole, ne vous flattez pas qu'il vous écoute : il s'efforce de prendre patience, et songe à tout ce qu'il dira quand vous aurez fini.
Il y a une différence entre les girouettes et les hommes qui font de la politique : ces derniers se rouillent aussi, mais ils tournent toujours.
Quand vous entendrez dire d'un homme que tout le monde l'aimait, qu'on ne lui connaissait pas d'ennemi, que c'était le meilleur garçon du monde, vous pouvez être à peu près sûr qu'on parle d'un être insignifiant, sans valeur, sans caractère, sans mérite d'aucun genre, et qui n'aimait personne.
Il y a une certaine timidité qui convient à la femme dans tout le cours de la vie : elle doit s'appeler, si elle a un nom, la pudeur du caractère.
Conseil de prudence à donner à une jeune femme : Ne jamais interroger l'homme qu'elle épouse sur l'état de son cœur dans le passé. Mensonges ou serments sont toujours sans profit et ne causent que des malheurs.
Le meilleur et le plus sincère des hommes est celui qui ne se dissimule ni les sottises qu'il a faites, ni celles qu'il a dites, et qui se rend en même temps le témoignage de n'avoir à se reprocher ni une méchanceté ni une bassesse. Il n'a pas toujours été maître de son esprit, mais il peut répondre de son caractère et de son cœur.
Les hommes ont, disent-ils, tous les dons en partage : la force, l'esprit, le courage et le reste ; et on les voit rampants, lâches, hébétés, prêts à tout sacrifier devant une femme dont le seul mérite est d'être belle.
Prêtresse de la vie, sainte initiatrice de l'humanité, la femme, dans ma pensée, dans mes rêves les meilleurs, est l'ange gardien de la famille, le bon génie du foyer familial. Je me plais à la voir, selon la parole de l'apôtre : Sa parure doit être la vie cachée du cœur, la pureté inaltérable d'un esprit doux et paisible.
La plupart des femmes qui se rencontrent dans le monde échangent des paroles si expansives et se donnent de tels témoignages d'intérêt qu'il serait impossible à une âme droite et sincère de mettre en doute leur amitié. Cela dure ainsi tant qu'elles sont en présence les unes des autres ; dès qu'elles se séparent, aussitôt elles se déchirent.
Nous aimons le père qui nous pardonne nos fautes ; nous aimons mieux celui qui nous en a préservés.
Ne comptez sur vos amis que si vous en avez peu. L'amitié perd en profondeur ce qu'elle gagne en étendue. L'image est vraie jusqu'au bout : les témoignages d'affection qui se répandent partout et sur tous cessent d'être agréables à quelques-uns et gênent le plus grand nombre. On ne se dévoue ni ne se confie à tous ceux qu'on rencontre ; lorsqu'on a tant d'amis, on n'en a pas un. L'amitié est bien bête de compagnie, disait Plutarque, mais non pas bête de troupeau.
On calomnie l'humanité en prétendant qu'il n'y a pas de véritables amis : il est encore des cœurs droits et désintéressés, et lorsqu'ils se rencontrent, ils ne tardent pas à se reconnaître.
Des goûts simples, une bonne épouse et de bons enfants, l'amour de l'étude et du foyer, que faut-il de plus pour passer doucement une existence qui peut avoir bien des charmes sans qu'on ait recours, pour la remplir, aux misères de l'ambition ?
Ceux-là seuls aiment la solitude qui vivent avec de grandes pensées ou de grandes afflictions.
Dans une assemblée où l'on travaille en commun, l'homme supérieur à ses collègues est d'autant plus obligé d'être doux et bienveillant qu'il a déjà sa supériorité à se faire pardonner.
Rendez-vous bien compte des indignations, des accès de colère de la femme qui s'écrie avec mépris à propos d'une autre femme : « C'est une misérable ! » — Il doit y avoir quelque chose là-dessous !
La femme toute seule, à l'état de nature, sans protection et sans secours, vaut le double de l'homme placé dans les mêmes conditions.
Les personnes qui vivent en mauvaise intelligence avec leur conscience ont une disposition naturelle à prendre pour elles tous les méchants propos qui se répandent ; c'est toujours à elles qu'on fait allusion, c'est dans leur jardin que tombent toutes les pierres.
Certains maris effacent beaucoup trop leurs femmes ; ce sont des égoïstes ou des butors qui croient que la femme n'a d'autre mission que de les servir. Il y a, par contre, des femmes qui annulent trop leurs maris. On a tort des deux côtés. Dans une maison bien ordonnée, il faut que chacun ait sa part et son rôle ; il est mauvais que les parts soient absorbées ou les rôles renversés ; ce n'est jamais au profit réel de personne.
La jalousie, chez les femmes, a pour cause l'amour-propre plus souvent que l'amour. Les femmes ne dédaignent pas d'être aimées, mais elles tiennent surtout à être préférées.
Quand vous verrez un homme très occupé de découvrir les défauts des autres et de mettre tout ce qu'il a d'esprit dans le dénigrement, soyez assuré que son intelligence est médiocre, qu'il n'a pas le cœur haut placé, et qu'il aurait fort à faire s'il se livrait sur lui-même à ce triste exercice.
Si vous avez quelque fierté dans l'âme ne commettez de fautes graves qu'envers vous-même. Il serait possible, si vous étiez coupable envers les autres, qu'on ne voulût pas vous punir ; mais le pardon exclut presque toujours l'estime : ne vous exposez pas à cette humiliation.
L'homme riche, lorsqu'il a de l'esprit, est d'autant moins vain qu'il est plus riche ; il laisserait croire autrement qu'il ne doit qu'à sa fortune d'être ce qu'il est.
J'ai vu des hommes couverts de gloire, des orateurs pleins d'éloquence et d'habiles diplomates ; j'ai vu des artistes de talent, des savants illustres et des écrivains de beaucoup d'esprit ; j'ai vu aussi, en grand nombre, des gens du monde très aimables et très distingués : ce que j'ai vu moins souvent, c'est un homme en équilibre. J'entends par là un homme dont les diverses forces composantes, le goût, le ton, l'esprit, la tenue, la bienveillance, l'affabilité, l'éducation et la bonté, — donnent pour résultante un homme aimable et bien élevé, en qui rien ne choque, à qui rien d'agréable ne manque, et qui sait, en toute occasion, se tenir, se conduire et séduire.
Élevez constamment votre âme, fortifiez votre esprit, faites le bien aussi souvent que le bien sera possible, et vous aurez dans le cœur, pour chaque jour de la vie, une bonne part de joie. Si vous regardez de près les mécontents, vous ne trouverez guère parmi eux que des âmes basses, des têtes vides et des cœurs étroits.
L'homme qui serait assez ferme de caractère, assez solide dans ses principes pour fixer nettement, au début de sa carrière, les conditions morales de son existence, et pour se dire d'avance : « Il y a certaines fautes que je ne commettrai jamais », aurait bien des motifs de vivre en paix. Sans doute, il serait un peu comme les autres le jouet des événements ; mais les grandes lignes de sa vie une fois tracées et toujours respectées lui assureraient, même à travers les orages, ce repos de conscience qui constitue à l'âme humaine le seul fonds sur lequel elle puisse asseoir le bonheur.
Vous reconnaîtrez l'homme d'un véritable mérite à la bonne grâce avec laquelle il proclamera le mérite d'autrui.
Il n'y a qu'un point sur lequel les hommes ont presque tous autant d'esprit les uns que les autres, c'est l'intérêt.
Les hommes vertueux ont sur ceux qui sont riches, supérieurs ou haut placés un avantage considérable : ils ne font pas d'envieux. Beaucoup de gens voudront avoir votre fortune, votre talent ou votre place : aucun n'enviera votre patience, votre courage, votre droiture ou votre générosité. Qui de nous a entendu dire à quelqu'un : Est-il heureux, notre voisin, d'être si simple, si bon, si dévoué !
Si votre père a fait de bonnes ou de grandes choses dans sa vie, pensez souvent à lui et tâchez de l'imiter. Prêtez l'oreille à la voix qui vous crie de porter noblement son nom : Souvenez-vous de qui vous êtes fils et ne forlignez pas.
La plus grande preuve d'estime qu'on puisse donner à un homme, c'est de croire à son désintéressement.
Ce qui met le plus en péril le bonheur et la vertu des femmes, c'est la flatterie. Soyez beau garçon ou homme d'esprit, cela n'est pas inutile ; mais, avant tout, soyez habile flatteur : les qualités qui brillent en vous ne vaudront jamais, pour les séduire, les charmes que vous découvrez en elles.
Quel est l'œil exercé qui pourra découvrir ce qu'il y a d'ironie, de dédain ou de sourde colère dans le regard oblique et rapide que jettent sur leurs toilettes réciproques deux coquettes qui se rencontrent dans un salon ou se croisent dans la rue ?
Quand je saurai à qui vous avez éprouvé le besoin d'annoncer sans retard la bonne nouvelle qui vous arrive, je connaîtrai le meilleur de vos amis.
C'est sans doute pour les passions à grand spectacle que les romanciers ont imaginé les déclarations et les aveux ; l'amour n'en a pas besoin : la femme qu'on aime le voit, le sent, le sait ; il ne lui déplaît pas qu'on le lui dise, mais cela n'est jamais nécessaire.
On ne rencontre pas certains êtres hideux ou haineux dont les instincts font horreur sans se demander pourquoi ce sont ceux-là qui ont une âme et les chiens qui n'en ont pas.
Un livre qui ne fait ni rire ni pleurer doit au moins servir à faire penser.