Supportez courageusement une condamnation injuste, car celui qui gagne un procès par un jugement inique ne jouit pas longtemps de son triomphe.
Quand, par imprévoyance et faute de soin, vous gouvernez mal vos affaires, n'accusez point la fortune d'être aveugle ce n'est pas elle qui mérite ce reproche.
Dans la prospérité, soyez libéral envers vos connaissances et dévoué à vos amis ; mais, en tout temps, soyez pour vous-même l'ami le plus fidèle.
Attachez-vous à conserver ce que vous avez acquis par le travail quand le travail devient stérile, l'indigence apparaît avec toutes ses rigueurs.
Triomphez quelquefois par la patience de celui que vous pouvez vaincre par la force ; car la patience fut toujours la première des vertus.
Quand vos amis, par leurs fautes, vous ont poussé à la colère, modérez-vous d'abord vous-même pour pouvoir ensuite leur pardonner.
Gardez-vous de faire ce que vous condamnez d'habitude : il est honteux pour un censeur d'avoir à subir le reproche d'une faute que lui-même a blâmée.
Évitez toute contestation avec un ami : la colère engendre la haine, la concorde entretient l'amitié.
Ne demandez rien qui ne soit juste ou qui ne paraisse conforme à l'honnêteté ; car c'est sottise que demander ce qui peut à bon droit être refusé.
Gardez-vous de jamais sacrifier le connu à l'inconnu. On juge sûrement de ce que l'on connaît, on ne peut que juger au hasard de ce qu'on ne connaît pas.
Puisque la vie est incertaine et semée de dangers inévitables, regardez comme une faveur chaque jour de travail que le destin vous accorde.
N'hésitez pas, pour obtenir beaucoup, de faire de légers sacrifices : c'est par les petits présents qu'on gagne l'affection des hommes.
Cédez parfois à votre ami l'avantage que vous pouvez avoir sur lui ; c'est par la condescendance qu'on resserre les doux liens de l'amitié.
En regardant comme précieux ce qui est vil, et comme vil ce qui est précieux, vous deviendrez désintéressé et personne ne vous taxera d'avarice.
Si vous avez des enfants, à défaut de richesses donnez-leur un état qui puisse les mettre au-dessus du besoin.
Tenez-vous en garde contre les discours trop flatteurs, c'est au doux son de l'appeau que l'oiseleur trompe l'oiseau.
Quand quelqu'un se dit votre ami et que son cœur dément ses paroles, usez envers lui de la même feinte, c'est ainsi que l'artifice est déjoué par l'artifice.
Ne promettez jamais deux fois ce que vous pouvez accorder sur-le-champ, de peur d'être vaniteux en voulant paraître obligeant.
Pour vous mettre à l'abri du besoin usez avec économie de ce que vous avez amassé ; pour conserver ce qu'on a il faut toujours se figurer qu'on ne l'a pas.
Si les services que vous avez pu rendre ne vous ont point fait d'amis, n'en accusez pas la Divinité, et résignez-vous.
Ne redoutez pas le moment où vous cesserez de vivre. Craindre la mort, c'est déjà renoncer à la vie.
La nature, en vous faisant naître nu, a voulu que vous vous souveniez de supporter patiemment le fardeau de la pauvreté.
Quand un ami pauvre vous fait un petit présent, acceptez-le gracieusement, et ayez soin de lui exprimer toute votre reconnaissance.
La vie qui nous est accordée est trop incertaine et trop frêle pour que vous deviez mettre votre espoir en la mort d'autrui.
Dans la prospérité craignez les revers de fortune : la fin de la carrière ne répond pas toujours au commencement.
Ne vous occupez point de ce qu'on dit à voix basse : celui qui se sait en défaut croit toujours qu'on s'entretient de lui.
S'il vous arrive, dans un âge avancé, de citer les actes et les paroles de vos contemporains, ayez soin de vous rappeler ce que vous- même avez fait pendant votre jeunesse.
N'oubliez pas de parler des services qu'on vous rend, mais gardez le silence sur ceux que vous avez rendus.
Quand on vous donne des louanges, jugez vous-même à quel point vous les méritez. N'accordez pas plus de créance au témoignage d'autrui qu'à celui de votre conscience.
Ne faites espérer à personne une chose qui vous a été promise : les promesses sont communes, mais l'accomplissement en est rare.
Évitez les propos de crainte qu'on ne vous les impute : il n'y a point de danger à se taire, il peut y en avoir à parler.
Aimez les autres, mais regardez-vous comme votre plus cher ami ; et pour n'avoir point de malheur à craindre, ne soyez bon qu'avec les bons.
N'entrez pas en discussion avec les grands parleurs : la parole est donnée à tous, la sagesse au petit nombre.
Quand vous donnez des conseils à quelqu'un et qu'il les repousse, s'il est votre ami, ne renoncez point à la tâche que vous avez entreprise.
Ne croyez pas légèrement les plaintes que porte votre épouse contre vos serviteurs ; car souvent une femme déteste celui que son mari aime.
Veillez toujours le plus qu'il vous est possible, et ne vous livrez point trop au sommeil ; car un repos trop prolongé fournit des aliments aux vices.
Persuadez-vous bien que la première des vertus est de retenir sa langue : personne n'approche plus de la Divinité que celui qui sait se taire à propos.
Ne vous mettez jamais en contradiction avec vous-même. Qui n'est pas d'accord avec soi ne peut l'être avec personne.
Si vous examinez la vie et les mœurs des autres hommes, souvenez-vous, même en les censurant, que personne sur la terre n'est exempt de reproche.
Quelque prix que vous attachiez à une chose, renoncez-y si elle peut nuire. Il faut, dans l'occasion, préférer l'utilité aux richesses.
Montrez-vous sévère ou indulgent selon que le cas l'exige. Le sage, sans crainte de blâme, agit selon les circonstances.
Lorsqu'on a sujet de se plaindre d'un ami, il faut s'en détacher peu-à-peu , et dénouer plutôt que rompre les liens de l'amitié.
Bien que tu sois dans l'opulence, à cultiver les arts donne ton premier soin. De la fortune un jour si tu sens l'inconstance, l'art te reste, et jamais ne te manque au besoin.
Pense dans l'opulence à jouir de la vie, ne te refusant rien pour la santé du corps : Le riche a des écus, mais, par la maladie, il perd le plus grand des trésors.
Lorsqu'on parle à ton avantage, sache alors te juger toi-même à la rigueur : Au sentiment d'autrui n'en crois pas davantage, qu'au témoignage de ton cœur.
Reçois les bons conseils qu'un serviteur te donne sans t'armer contre lui d'une sotte fierté, et ne méprise dans personne les avis dont tu peux sentir l'utilité.
Par un faux esprit de critique, des actions d'autrui ne sois point le censeur, de peur qu'à ton exemple un autre satirique, ne t'accable à ton tour en raillant le railleur.
Viens offrir à ton Dieu l'encens et la prière ; laisse pour le travail croître les animaux, et ne crois pas du Ciel apaiser la colère, en versant le sang des taureaux.
Si tu veux conserver une vigueur parfaite, tu dois user de tout avec sobriété, le plus souvent faire diète, peu donner aux plaisirs, beaucoup à la santé.
Évite avec soin la paresse qui d'une vie heureuse épuise les trésors : Il n'est pas de poison pareil à la mollesse ; l'oisiveté de l'âme est la perte du corps.
Veille autant que tu peux ; et fuyant la mollesse, des douceurs du repos n'use que sobrement ; car le trop long sommeil engendre la paresse, qui sert au vice d'aliment.
Si quelqu'un pèche en ta présence, reprends-le ouvertement, bien loin de le flatter : On pourrait croire à ton silence que tu souffres un mal que tu veux imiter.
Cherche dans une femme un esprit sociable, et ne l'épouse pas pour de vils intérêts ; ou si, d'humeur insupportable, elle veut te quitter, ne la retiens jamais.
Ne dissimule point le bien qu'on t'a su faire ; en public nommes-en l'auteur : Celui que tu feras, sois habile à le taire ; fais sentir le bienfait, cache le bienfaiteur.
La première vertu de l'homme raisonnable, est de mettre à sa langue un frein judicieux : Il n'est rien de plus estimable, l'homme qui sait se taire est presque égal aux Dieux.
Pense sans t'effrayer à cette dernière heure, où tu dois terminer ton cours : Trembler de crainte qu'on ne meure, c'est renoncer à vivre et mourir tous les jours.
Une peine d'esprit, un sujet de tristesse, t'oblige à rechercher un salutaire avis : Pense qu'aux maux de cette espèce, les médecins sont les meilleurs amis.
L'oisiveté est la mère de tous les vices.
Fuis tant que tu pourras la dépense inutile ; contente-toi de peu, lorsqu'il faut ménager : Plus le fleuve est petit, plus la barque fragile, vogue sur l'onde sans danger.
Lorsque quelqu'un te jure une amitié fidèle, portant la haine dans le cœur, ne le rebute point ; montre-lui même zèle : L'artifice est permis pour tromper le trompeur.
Oblige promptement dès que tu peux le faire, sans promettre deux fois un bienfait trop vanté ; on passe pour vain d'ordinaire, en faisant trop valoir sa générosité.
Contre la pauvreté le plus sûr des remèdes, est d'user sobrement du bien qu'on t'a laissé : Pour garder ce que tu possèdes, pense à tous les besoins dont l'homme est menacé.
Si tes bienfaits et tes services, n'ont pu te procurer un ami comme il faut : Ne t'en prends point au Ciel l'accusant d'injustices, et ne blâme que ton défaut.
Tu vois que la nature au jour de ta naissance, t'a mis au monde pauvre et dans la nudité : Souffre donc sans impatience, les rigueurs de la pauvreté.
Le présent qu'un ami t'offre en son indigence, quelque petit qu'il soit, reçois-le avec bonté ; et pour premier effet de ta reconnaissance, vante sa libéralité.
La vie étant fragile et peu sûre à tout âge, quelque bonne santé dont tu puisses jouir, ne compte point sur l'héritage, qu'à la mort d'un parent tu pourrais obtenir.
Quand pour toi la fortune est la plus libérale, redoute en ses faveurs quelque revers fatal : Elle change souvent, et sa course inégale commençant bien, peut finir mal.
Ne t'inquiète point lorsque tu verras dire, quelque chose en secret à l'oreille d'autrui : Celui dont la conduite offre le plus à rire, croit toujours qu'on parle de lui.
Lorsque ton souvenir rappelle en ta vieillesse, des faits que tu veux raconter, pense à ce que tu fis dans ta jeunesse, et du bien et du mal tâche de profiter.
Ce qu'on t'aura promis d'un air de certitude ne vas pas le promettre avant de l'obtenir : Combien dans leur parole ont peu d'exactitude ! beaucoup savent promettre, et peu savent tenir.
Aime-toi le premier, ton amitié féconde peut se prêter ensuite en faveur d'un égal ; mais pour faire du bien fais tel choix de ton monde qu'il ne t'en arrive aucun mal.
Avec un grand parleur n'entre point en matière pour l'emporter sur lui tu perdrais ton repos : Tous ont pour la parole un talent ordinaire, mais peu pour parler à propos.
Ne sois pas trop crédule à tout ce que déclame contre tes serviteurs une épouse en courroux : On déplaît souvent à la femme pour avoir le malheur de trop plaire à l'époux.
Cède lorsqu'il convient d'user de complaisance, sache aussi te montrer ferme en tes sentiments : C'est un effet de la prudence de changer quand il faut s'accoutumer au temps.
Si tu veux observer la conduite des hommes déréglés soumis à leurs sens : Avant de les blâmer pense à ce que nous sommes ; pense qu'il n'en est point qui vivent innocents.
D'esprit toujours égal, jamais ne t'abandonne à dire ou faire rien qui soit contraire à toi : Un homme ne saurait s'entendre avec personne qui n'est pas d'accord avec soi.
Aux objets les plus chers, lorsqu'ils peuvent te nuire, renonce avec facilité : L'amour même des biens, pour ne pas nous séduire, doit céder à son tour à notre utilité.
Montre-toi vivement sensible aux bons offices que dans l'occasion quelqu'un t'aura rendus, et n'imite pas ceux près de qui les services, et les plus grands soins sont perdus.
Respecte un sentiment reçu de tout le monde, ne sois pas seul de ton avis : Un esprit orgueilleux qui dans son sens abonde, méprisant le public, attire ses mépris.
N'étant point assuré du temps que tu dois vivre envisage de près le moment du trépas : Comme tu vois ton ombre attachée à te suivre, la mort te suit à chaque pas.
Si la perte des biens te met dans la détresse en ton affliction sois sage et retenu ; mais montre une juste allégresse si tu vois par hasard grossir ton revenu.
Fais de tes revenus un honorable usage ; de l'infâme avarice abhorre les liens : De ton or quel est l'avantage lorsque tu restes pauvre au milieu de tes biens ?
Te voyant opulent dans l'extrême vieillesse qui t'annonce un trépas prochain, à tes meilleurs amis fais part de ta richesse ; et jouis de la vie en attendant la fin.
Si tu veux vivre heureux méprise l'opulence, garde-toi de courir après l'or et l'argent : Au sein même de l'abondance l'avare des mortels est le plus indigent.
N'use jamais de sortilège pour percer les secrets de la Divinité : Celui, dont dépend l'homme, use du privilège de disposer de lui sans qu'il soit consulté.
Tâche en tout de tendre à l'utile ; prends garde que l'erreur n'y glisse son venin : Si le travail est difficile soutiens-le par l'espoir d'un salaire certain.
Ne t'abandonne point à la funeste envie de savoir le moment décisif de ton sort : Quiconque s'accoutume à mépriser la vie voit sans crainte approcher la mort.
N'aime l'argent que pour l'usage, et de son vain éclat ne sois jamais épris : À ce trait on connaît le sage qui pour le métal seul ne sent que du mépris.
Entre tous les défauts les plus dignes de blâme évite l'avarice et fuis la volupté : Un homme passe pour infâme sur ces vices honteux sitôt qu'il est noté.
Ne soutiens jamais par colère quelque fait que ce soit surtout s'il est douteux : La raison vainement t'offrira sa lumière lorsque la passion te fermera les yeux.
Tu crois devoir donner quelque avis salutaire qu'un indocile ami ne veut pas recevoir. Ne te rebute point ; et d'un amour sincère montre-lui toujours son devoir.
Des grands parleurs surtout prends de la défiance ; qui parle beaucoup dit peu de vérité.
Les femmes qui soignent beaucoup leur toilette soignent peu la vertu.