Les 81 pensées et citations de François Mauriac :
On atteint aisément une âme à travers les vices les plus tristes, mais la vulgarité est infranchissable.
Entre deux êtres que tout sépare, la communication ne peut que tourner à l'échec.
Si un échec m'attire le mépris de quelques imbéciles, ce me sera une raison de m'estimer un peu plus moi-même et de me réfugier dans mon orgueil.
Si le Christ est vraiment venu au monde, s'il est mort pour que nous mourrions aussi à la chair, s'il est ressuscité pour que nous vivions éternellement dans son amour, il n'y a pas à discuter, mais à croire en sa parole.
Il y a, dans nos pauvres vies tourmentées, de grands passages qui paraissent sans signification, et d'autres au contraire où l'amour nous touche visiblement de son feu.
Pour se marier, il faut être deux. Pour l'incroyance, il faut être seul.
Rien n'est plus dangereux, pour une femme, que d'essayer de faire jouer à l'amitié sentimentale, le rôle de la sensualité, de traiter un ami avec coquetterie, de masquer le désir sous les idées. Cela est bien plus dangereux encore pour l'homme qui se prête à ce jeu. Il est loin d'y trouver cette belle certitude de soi qu'inspirent toujours des amours heureuses.
Je ne pense pas que la joie soit tout à fait morte pour moi, mais mes yeux se sont ouverts à des laideurs que j'avais jusqu'ici frôlées sans les voir. Un peu de lassitude, de découragement de ma vie me sont venus avec beaucoup d'inquiétudes aussi.
L'amitié est faite de confiance, de mutuel abandon.
L'amitié, c'est un de ces arbres où l'on s'appuie quand on est las dans le chemin.
Je suis insensible à la prétendue amitié des chiens et des chats, animaux féroces, mais je ressens le bonheur de voir les animaux libres d'être heureux, je puis rester indéfiniment à regarder un couple de canards au bord d'une mare.
Quand le vent du succès tourne, le bel arbre porte ses derniers fruits.
La rancune ? Je suis rancunier de nature. Je n'ai de haine pour personne, je ne veux de mal à personne, mais je n'oublie rien ! À certains, vraiment, je garde une dent.
Qui a connu la solitude auprès d'êtres aimés, la supporte aisément au milieu du monde insensible. Qu'il semble facile de vivre seul dans la foule végétale, couché sur cette terre dont nous n'attendons ni n'espérons rien ! Ce n'est pas de ces charmilles ni de ces coteaux endormis que venait ma tristesse adolescente, mais des êtres que j'y évoquais et de ce qu'alors j'y voyais, avec obstination, le décor de l'amour heureux.
L'inquiétude, la jalousie, la volupté, c'est ce qui porte un être aux pires erreurs.
Il ne suffit pas à l'homme d'être heureux, il faut aussi que les autres ne le soient pas.
Heureux l'artiste que ni le talent ni la gloire ni les plus beaux triomphes n'ont détourné de nourrir ceux qui avaient faim, d'accueillir ceux qui étaient sans asile, de vêtir ceux qui étaient nus, et de rendre enfin les clartés de l'espérance et de la joie aux blessés des yeux qui ne voient plus la lumière.
Un homme de lettres vient au monde avec son premier livre.
S'il faut être deux pour s'aimer, il faut être deux aussi pour ne plus s'aimer.
Aimer le plaisir est la seule chose au monde qui ne m'ait jamais déçue.
L'amour est infiniment plus que le plaisir. Quel homme, quelle femme, s'ils ont aimé, ce qui s'appelle aimer, même en dehors du mariage et contre toutes les règles et toutes les lois, quel homme, quelle femme, peuvent le regretter et en rougir et n'y pas penser comme au moment de leur vie où ils ont vécu vraiment ?
Dès que l'enfant est mort en nous, le vieillissement commence. À dix-huit ans, à vingt-ans, à vingt-cinq ans, j'ai été plus conscient que je vieillissais que lorsque j'en ai eu cinquante et soixante, parce qu'alors les jeux sont faits : après cinquante ans, la vieillesse est acceptée, elle est assumée. Quand j'étais un jeune homme, alors je souffrais de vieillir.
L'enfant sait que la mort a toute une forêt de vivants à abattre avant d'arriver jusqu'à lui. Les cris de joie d'une cour de récréation l'empêchent d'entendre les coups sourds de la cognée dans la forêt humaine : des générations de parents et de grands-parents s'interposent entre lui et le mystère terrifiant de l'éternité.
La vie de collège préfigure la vie future de chacun.
Nous ne sommes conscients du charme de l'enfance que lorsque nous ne sommes plus des enfants. Savez-vous quelle est la différence essentielle entre les enfants et les grandes personnes ? C'est que les enfants ne savent pas qu'ils mourront, ou ils n'en ont qu'une connaissance abstraite. Si l'un de leurs camarades succombe un jour, cela apparaît aux autres comme un scandale atroce, incompréhensible, comme un sombre prodige. Car la mort ne les concerne pas. Ils vivent, ils vivent intensément, plus intensément peut-être qu'ils ne vivront plus tard.
Moi qui suis toujours exact, j'ai horreur des gens qui sont en retard. Je ne peux pas supporter de faire attendre, c'est plus fort que moi. Les gens d'aujourd'hui sont d'une grossièreté !
En amour, le gibier longtemps pullule, mais la petite troupe de ceux qui ont commencé avec nous de vivre se réduit chaque année. Les survivants sont enlisés dans le mariage.
On use de ses camarades que comme de confidents : un ami est une paire d'oreilles.
La vie n'est plus pour moi qu'une absence qu'il faut balancer par une attente.
S'écrire n'est rien : A quoi sert d'écrire quand on ne se voit pas ?