Les 72 pensées et citations de Gustave Thibon :
L'étonnement, la révélation naissent pour moi de la rencontre de deux regards sur le même objet.
L'unique voeu qui surnage en moi est que ma mort ne ressemble pas à ma vie.
Nous sommes toujours prêts à venger sur l'être faible qui nous aime les outrages que nous inflige l'être fort que nous haïssons.
Il faut que chaque génération croie voguer sur une terre vierge aux promesses fabuleuses. Qui donc aurait le courage d'appareiller s'il voyait sur la mer les traces du naufrage des vaisseaux qui l'ont précédé ?
Je ne peux juger ce que tu fais qu'à travers mon intuition de ce que tu es.
L'ennui, c'est le quotidien réduit à lui-même.
Le doute est de la foi meurtrie.
L'amour de la femme fait la preuve de notre solitude. Celui qui n'a jamais tout espéré d'une femme ne sait pas jusqu'à quel point sa solitude est incurable, c'est-à-dire divine.
Il est amer d'être seul, mais il est plus amer encore quand on est deux, de ne pas faire qu'un seul. La pire des solitudes gît dans la communion ratée.
Égoïsme : Certains paraissent égoïstes uniquement parce qu'ils n'ont pas encore trouvé en qui verser leurs trésors. Celui qui n'a rien à donner et celui qui n'a personne à qui tout donner se ressemblent extérieurement.
L'homme n'échappe à l'autorité des choses d'en haut qui le nourrissent que pour choir dans la tyrannie des choses d'en bas qui le dévorent.
Obéissance et servitude : On n'échappe à l'obéissance que pour choir dans la servitude. Tu t'affliges de voir de quoi les hommes sont esclaves. Pour avoir la clef de ce « mystère d'abaissement », cherche donc de qui ils ont refusé d'être les serviteurs.
Qu'est-ce que l'homme déteste le plus ? Non pas ce qui lui a toujours été refusé, mais ce qui lui a été donné une fois et qu'il n'a pas su retenir.
Douleur et noblesse : Cette homme est bassement heureux. Ne te hâte pas de le plaindre. Il n'a sans doute que ce qu'il mérite. La douleur choisit ses amants.
L'ironie, forme agressive de la pudeur.
Souffre, lutte et travaille au-dessus du désir. Tout vient à point à qui n'attend plus.
Soif du bonheur : Que d'ambitions ! Tu veux ceci, cela, et cela encore. Fort bien. Mais t'es-tu préoccupé de savoir si toutes ces choses veulent de toi ? Tu cherches à cueillir le bonheur. Cherche plutôt à te rendre digne d'être cueilli par le bonheur. Quand tu seras assez pur, le bonheur te suivra partout, où que tu fuies, où que tu te caches.
Critère de la noblesse : La noblesse d'un individu se reconnaît peut-être avant tout à l'hésitation et à la délicatesse avec lesquelles il cueille les joies qui s'offrent à lui. Il ose à peine. L'homme bas, lui, ose toujours. A la limite, il ne se sent que des droits.
Le pire ennemi de l'infini dans l'homme, c'est l'illimité qui donne l'illusion de l'infini, et qui le cache. Tant qu'un être peut aller de l'avant et que la borne de sa puissance, de son amour ou de sa liberté recule devant lui, il ignore l'infini et ne sait rien de Dieu. Ce n'est qu'en se heurtant contre sa propre limite qu'il découvre l'infini. Dieu est toujours derrière la porte impossible à franchir.
Différence entre un impie profond et un chrétien « ordinaire » : le premier ignore Dieu personnellement, le second connaît Dieu de nom.
Dieu est le seul être aimé avec lequel on puisse être pleinement, misérablement soi-même, avec qui l'amour n'ait jamais et à aucun degré besoin de mentir.
Le miracle, coïncidence entre ce qui arrive et ce qui est.
Dieu est au bout de tous les chemins, à condition de ne pas s'arrêter en route. Chacun est tenté d'attribuer à son propre chemin une priorité qui n'existe pas en réalité. L'important, ce n'est pas de choisir ceci ou cela, mais de faire ceci ou cela en dépassant ce qu'on fait. Le seul péché est la stagnation. On peut stagner dans la vertu comme dans le vice, dans la souffrance comme dans le bonheur. Que votre joie courre comme l'eau qui, venue de la mer, retourne à la mer.
Je comprends et j'admire les saints comme je contemple les astres. Ils respirent à l'altitude où je n'atteins que par le regard.
Une réaction excessive est souvent un remède pire que le mal.
Être détaché de tout est la première condition pour n'être indifférent à rien.
Il n'y a pas de pire humiliation que de se sentir ignoré par celui qu'on déteste.
Tout bonheur qui n'enfante pas un devoir amoindrit ou corrompt.
La naissance est à la mort ce qu'est la promesse des fiançailles à la nuit de noce.
Il n'est pas de plus folle et de plus vorace idole que la déesse Raison.