La plupart des hommes aiment les avantages qui sont l'effet de la malice des autres ; mais à peine en ont-ils profité, qu'ils retombent dans la haine que la nature leur inspire pour la malice. Ainsi, ceux qui recueillent les fruits d'une trahison, la punissent ordinairement sur le traître même.
Toutes les institutions humaines ont le même défaut ; ce sont des sages qui les établissent, ce sont des fous qui les suivent.
On n'aime pas ceux auxquels on doit trop, et dont la présence semble nous dire toujours qu'ils ont été les maîtres de notre sort.
Il n'y a guère de prévention plus redoutable que celle qui naît de la crainte de paraître prévenu.
Tous les traîtres, petits ou grands, méritent qu'ils soient trahis à leur tour après avoir trahi.
Tous les traîtres méritent qu'on n'ait pas plus de fidélité pour eux qu'ils n'en ont eu pour les autres.
Parler correctement, parler proprement, c'est l'ouvrage de l'habitude ; et l'habitude ne se forme que par des actes réitérés et presque continuels.
On est toujours sûr de plaire quand on parvient à convaincre par une méthode qui sait conduire l'esprit sans effort, et presque sans travail, à la découverte de la vérité ; et c'est même par là qu'un homme public, qui ne parle que pour elle, doit chercher presque uniquement à plaire à ses auditeurs.
L'art de traiter méthodiquement une matière, ou de la discuter pleinement et jusqu'à la conviction, est la science la plus essentielle à tout homme qui ne parle que pour prouver, et, s'il se peut, pour démontrer.
Il faut rendre à la philosophie l'honneur qu'elle mérite et la justice qui lui est due ; c'est elle qui prépare notre esprit aux autres connaissances, qui le dirige dans ses opérations, qui lui apprend à mettre toutes choses dans leur place, et qui lui donne non seulement les principes généraux, mais l'art et la méthode de s'en servir et de faire usage de ceux même qu'elle ne lui donne pas.
A mesure que le zèle du bien public s'éteint dans notre cœur, le désir de notre intérêt particulier s'y allume ; il devient notre loi, notre souverain, notre patrie.
La science a ses préventions et quelquefois plus que l'ignorance même.
L'éducation, qui devrait effacer les préventions du tempérament, et nous préserver de celles de l'humeur, y en ajoute quelquefois de nouvelles.
La vérité s'altère presque toujours dans les canaux qui la font passer jusqu'à nous ; elle en prend pour ainsi dire la teinture, et elle se charge de toutes leurs couleurs.
Il n'y a rien dans le monde de si fort et de si invincible que la fermeté d'un homme de bien.
La fierté du cœur humain, qui a tant de peine à plier sous le joug aimable de la raison même, ne saurait s'abaisser longtemps sous la tyrannie.
Une âme livrée à l'iniquité est un pays séditieux qui change souvent de maître. C'est une république divisée où l'une des factions trahit toujours l'autre.
L'amitié des gens vertueux, les agréments d'une société d'autant plus aimable que la ressemblance des mœurs et des sentiments en fait le lien.
Les hommes les moins vertueux sont quelquefois ceux qui se connaissent le mieux en vertu. Au travers d'un dehors trompeur qui en impose d'abord à la facile candeur de l'homme de bien, leur malignité plus pénétrante sait porter le flambeau dans les sombres replis d'un cœur hypocrite.
L'expérience de tous les siècles nous apprend que pour paraître homme de bien, il faut l'être véritablement.
Il est des impostures qui éblouissent d'abord, mais il n'en est pas qui réussissent longtemps.
Vouloir paraître juste, sans l'être en effet, c'est le comble de l'injustice, et c'est en même temps le dernier degré de l'illusion.
Qui n'est pas pour la justice est contre elle, et quiconque délibère s'il la défendra l'a déjà trahie.
L'autorité de la justice n'a pas d'ennemi plus dangereux que l'esprit du magistrat.
Le luxe, en multipliant les besoins, allume la soif des richesses, et entretient dans le cœur un fonds de cupidité.
Non contente de conduire le cœur et d'éclairer l'esprit, la simplicité règle encore l'apparence extérieure dont elle écarte tout le faste.
Quiconque affecte de jouir de sa dignité l'a déjà perdue.
L'éloquence n'est pas seulement une production de l'esprit, c'est un ouvrage du cœur.
La destinée de tout ce qui excelle parmi les hommes est de croître lentement, de se soutenir avec peine pendant quelques moments, et de tomber bientôt avec rapidité.
Heureux celui qui a commencé par se déplaire pendant longtemps, qui a pu être frappé plus vivement de ses défauts que ses propres ennemis, et qui a éprouvé, dans les premières années de sa vie, l'utile déplaisir de ne pouvoir jamais se contenter lui-même !
L'étude de la morale et celle de l'éloquence sont nées en même temps ; et leur union est aussi ancienne dans le monde que celle de la pensée et de la parole.
Pour apercevoir distinctement la vérité, il faut quelquefois autant de lumière que pour la découvrir aux autres.
La loi répond des inconvénients que l'on éprouve en la suivant ; l'homme est responsable des inconvénients qui arrivent lorsqu'il s'écarte de la lettre.
Le meilleur esprit a besoin d'être formé par un travail persévérant et par une culture assidue.
Tel est le caractère dominant des mœurs de notre siècle : une inquiétude généralement répandue dans toutes les professions ; une agitation que rien ne peut fixer, ennemie du repos, incapable du travail, portant partout le poids d'une inquiète et ambitieuse oisiveté ; un soulèvement universel de tous les hommes contre leur condition.
Puis-je me reposer lorsque je sais qu'il y a des hommes qui souffrent ?
C'est en vain que l'orateur se flatte d'avoir le talent de persuader les hommes s'il n'a acquis celui de les connaître.
Le changement d'occupations est seul un délassement.
La simplicité se montre telle qu'elle est, et néglige les secours et les ornements.
La simplicité est l'ennemie de l'artifice, de la pompe et de l'ostentation.
On méprise souvent de près ceux qu'on avait révérés dans l'éloignement.
Tel est le caractère de la plupart des hommes, incapables de modération, un excès est presque toujours pour eux suivi d'un excès contraire.
Au lieu de s'instruire par sa chute et de prendre conseil de sa disgrâce, l'homme se consume souvent en regrets superflus.
Les hommes, toujours occupés de ce qu'ils veulent être et jamais de ce qu'ils sont, pleins de vastes projets, le seul qui leur échappe est celui de vivre contents de leur état. Que nous serions heureux si nous pouvions nous oublier nous-mêmes dans cette peinture !
L'homme, jaloux de la fortune des autres, est toujours envieux.
L'homme est presque toujours également malheureux, et par ce qu'il désire et par ce qu'il possède.
Le plus précieux et le plus rare de tous les biens est l'amour de son état. Il n'y a rien que l'homme connaisse moins que le bonheur de sa condition. Heureux s'il croyait l'être, et malheureux souvent parce qu'il veut être trop heureux, il n'envisage jamais son état dans son véritable point de vue.
Commencer, croître et finir, tel est le sort de l'homme sur la terre.
Les rois joignent au titre de maîtres du monde celui d'esclaves de la loi.
L'ignorance succède à l'érudition, la grossièreté au bon goût, et la barbarie à la politesse.
Le mot Nature, substitué à celui de Dieu, est aussi vide de sens que celui de Fortune.
La science donne en peu de temps l'expérience de plusieurs siècles.
Celui qui ne veut relever que de sa raison se soumet, sans y penser, à l'incertitude et au caprice de son tempérament.
Le magistrat qui n'est pas un héros n'est pas même homme de bien.
Un magistrat est homme armé pour faire triompher la justice, protecteur intrépide de l'innocence, redoutable vengeur de l'iniquité ; capable de forcer et de rompre ces murs d'airain et ces remparts impénétrables qui semblent mettre le vice à couvert de tous les efforts de la vertu.
La nature se réserve toujours un jour, une lumière que l'imitation la plus parfaite ne saurait égaler.
Le premier jour de la dignité est le dernier de l'indépendance.
Le dégoût abat l'idole que le désir avait élevée.
Le bon esprit n'a pas d'ennemi plus dangereux que le bel esprit.
L'ambitieux annonce lugubrement le déshonneur de sa condition, et la triste prophétie de sa décadence.
Toujours occupés de ce qu'ils veulent être, et jamais de ce qu'ils sont, pleins de vastes projets, le seul qui échappe à la plupart des hommes est celui de vivre contents de leur état.
La plume n'agit jamais plus utilement que lorsqu'elle efface et qu'elle réforme ses premiers traits.
L'homme n'est jamais plus libre que lorsqu'il assujettit ses passions à la raison, et sa raison à la justice.
Une heureuse habitude rend le travail moins pénible, sans le rendre moins exact.
Le luxe en multipliant les besoins, allume la soif des richesses, et entretient dans le cœur un fonds de cupidité.
Le plus précieux et le plus rare de tous les biens est l'amour de son état. Il n'y a rien que l'homme connaisse moins que le bonheur de sa condition.
L'homme riche a des flatteurs ; l'homme de génie a des admirateurs.
La véritable grandeur d'âme rougit en secret des applaudissements qu'elle est forcée de recevoir.
Les rivières qui divisent les empires sont devenues les bornes du juste et de l'injuste.
La félicité ne peut naitre sur la terre que de la persuasion religieuse et de la vertu.
Heureuse la personne qui vit contente de ce qu'elle est, et ne désire que ce qu'elle possède.
Les jolies femmes ont, même sans parler, le don si dangereux de la persuasion.
Le vrai a été souvent beaucoup au-delà du vraisemblable.
Celui qui ne veut relever que de sa raison, se soumet, sans y penser, à l'incertitude et au caprice de son tempérament.
La vanité divise les hommes au lieu de les réunir.
Le pouvoir de faire le mal est une imperfection, et non pas un caractère essentiel de notre liberté ; et elle ne recouvre sa véritable grandeur que lorsqu'elle perd de cette triste capacité, qui est la source de toutes ses disgrâces.
L'amour de la patrie est le plus généreux des sentiments, c'est celui gui a produit le plus de grands hommes, et qui a fait naître ces héros antiques, dont l'histoire étonne tous les jours notre imagination et accuse notre faiblesse.
De tous les vices, celui qu'on pardonne le moins à un homme dans la société, c'est l'orgueil.
Une trop grande austérité peut être quelquefois l'effet du caractère, et non de la simplicité de mœurs.
Il est plus honteux de céder à la faveur qu'il n'est glorieux de lui résister.
Le sage plaint en secret l'erreur des jugements du vulgaire.
Il n'y a point de vertu plus rare dans notre siècle que la véritable grandeur d'âme.
Le premier soin du juge doit être de rendre la justice, et le second de conserver sa dignité.
Un juge souvent soupçonné peut n'être pas coupable, mais il est rare qu'il soit entièrement innocent.
L'homme, transporté loin de lui par ses désirs, et vieux dans sa jeunesse, il méprise le présent ; et courant après l'avenir, il veut toujours vivre, et ne vit jamais.
L'homme est toujours également malheureux et par ce qu'il désire et par ce qu'il possède. Jaloux de la fortune des autres, dans le temps qu'il est l'objet de leur jalousie ; toujours envié et toujours envieux. Et s'il fait des vœux pour changer de condition, le ciel irrité ne les exauce souvent que pour le punir.
Le caractère le plus ordinaire de ceux qui déplaisent aux autres est de se plaire trop à eux-mêmes.
L'agréable se trouve dans l'utile.
L'abondance des pensées produit celle des expressions.
Tous les cœurs sont capables de sentir et d'aimer ; tous les esprits ne sont pas capables de raisonner et de connaître.
La passion triomphe toujours de ceux que la raison n'avoir pu dompter.
Pour convaincre, il suffit de parler à l'esprit ; pour persuader, il faut aller jusqu'au cœur. La conviction agit sur l'entendement, et la persuasion sur la volonté : l'une fait connaître le bien ; l'autre le fait aimer. La première n'emploie que la force du raisonnement ; la dernière y ajoute la douceur du sentiment ; et si l'une règne sur les pensées, l'autre étend son empire sur les actions même.
L'habitude ne se forme que par des actes réitérés et presque continuels.
Le mérite est le seul bien qui ne s'achète point.
Une heureuse adversité a souvent fait éclater un mérite qui aurait vieilli sans elle dans le repos obscur d'une longue prospérité.
Tous les hommes aspirent à l'indépendance, mais cet heureux état, qui est le but et la fin de leurs désirs, est celui dont ils jouissent le moins. Avares de leurs trésors, ils sont prodigues de leur liberté, et pendant qu'ils se réduisent dans un esclavage volontaire, ils accusent la nature d'avoir formé en eux un vœu qu'elle ne contente jamais.
Les hommes cherchent dans les objets qui les environnent un bien qu'ils ne peuvent trouver que dans eux-mêmes, et ils demandent à la fortune un présent qu'ils ne doivent attendre que de la vertu. Trompés par la fausse lueur d'une liberté apparente, ils éprouvent toute la rigueur d'une véritable tyrannie. Malheureux par la vue de ce qu'ils n'ont pas, sans être heureux par la jouissance de ce qu'ils possèdent ; toujours esclaves, parce qu'ils désirent toujours, leur vie n'est qu'une longue servitude, et ils arrivent à son dernier terme avant que d'avoir senti les premières douceurs de la liberté.
Le caractère de la véritable grandeur est la simplicité.
La vertu dédaigne un vain faste qui ne pourrait que l'avilir en l'énervant.