J'aime, je l'avoue, à prêter l'oreille à toute parole qui sonne vrai. L'autorité et la dignité du langage, l'élévation de l'esprit et du cœur, la loyauté constante du caractère, donnent à l'erreur même, quand elle est involontaire, une attitude digne des égards qu'on doit à la vérité. La sincérité et la vérité sont sœurs et méritent, à des titres divers, notre amour. On ne peut se défendre de respecter, j'allais dire de vénérer, l'honnête homme qui se trompe si noblement et mérite si bien d'être éclairé. Heureuse parenté qui nous permet de serrer la main d'un loyal adversaire et de lui dire : je ne partage pas vos opinions, mais vous m'inspirez une vive sympathie.
La discipline est la fenêtre par où la lumière de la vérité pénètre dans l'entendement.
On ne dompte les âmes qu'avec la force de l'amour.
Les ennemis de la raison ne sont ni moins nombreux, ni moins redoutables que les ennemis de la Religion. Il faut plaindre les uns et les autres, les ménager infiniment, les éclairer sobrement, et surtout les aimer comme nous-mêmes. C'est le cœur qui convertit.
La modération n'est pas lâcheté ou faiblesse, c'est au contraire une puissance indomptable réglée par la sagesse qui se possède, qui a conscience du but poursuivi et des moyens de l'atteindre. C'est le bon goût de la force, c'est la sagesse et la dignité du courage.
La probité intellectuelle exige qu'on exprime sa pensée avec une entière franchise et une loyauté parfaite. C'est là le vrai, le noble sens de la liberté de pensée. Entendue et pratiquée ainsi, la libre pensée est tout ensemble un droit, un devoir, j'allais dire une vertu.
L'erreur n'est souvent qu'un faux pas dans le chemin de la vérité.
Voici ma pensée, voilà la vôtre, voilà celle d'un tiers. Sommes-nous divisés ? Non, mille fois non ! Seulement, nous sommes placés à des points de vue différents au regard de la vérité que nous aimons tous. Sachons donc, sans parti pris, visiter ces points de vue divers, nous placer à tous ces postes d'observation, pour marcher, d'un commun accord, à la conquête de la vérité totale.
Les divergences d'opinion multiplient la lumière.
Voyageurs d'un jour sur l'océan des douleurs qui s'appelle la vie, hâtez-vous de doubler le cap de Bonne-Espérance, sans vous inquiéter des prophéties sinistres du génie des tempêtes.
Les sceptiques rendent à la philosophie dogmatique d'inappréciables services. Ils en dissipent les nuages, en purifient les rayons et donnent à la vérité le poids de l'or et l'éclat du diamant.
Dieu me garde d'en vouloir aux libres penseurs ! Ce sont, pour la plupart d'entre eux, d'excellentes brebis égarées, qu'il faut doucement ramener au bercail. Pareils à l'enfant prodigue, ils ont, dans l'effervescence de la jeunesse, quitté le bon sens pour l'imagination, et le toit paternel pour les châteaux en Espagne.
Que d'erreurs en tout genre qui ont leur source cachée dans quelque infirmité de l'esprit ! Et qu'il serait utile d'observer certains hommes, avant d'étudier leurs doctrines !
L'infirmité de beaucoup d'esprits est d'être plus attentifs à l'objection qui combat la vérité qu'à la preuve qui l'établit. L'éclat inattendu de l'éclair, durant la nuit, leur impose plus que la sereine majesté du soleil dans son midi. Ils ne sont pas faits pour s'élever au-dessus de la région des nuages.
La témérité n'a jamais été synonyme de sagesse et de courage.
La croyance en Dieu est un des caractères naturels de l'espèce humaine. L'individu dépourvu de ce caractère, est un être incomplet, imparfait, auquel il manque un sens, une faculté. C'est un renard qui a la queue coupée.
La certitude, c'est le repos et la santé de l'intelligence.
Dans le domaine intellectuel aucun effort sincère n'est perdu pour la science ; chaque goutte de sueur qui tombe du front de l'homme, alors même qu'il s'égare, féconde le champ de la vérité.
L'érudition est d'argent, la science est d'or. L'érudition est à la science, ce que le magasin est à l'atelier. Elle ne fait qu'enregistrer, jour par jour, les progrès de la science.
On n'éclaire pas la lumière, on ne prouve que ce qui est obscur.
Le syllogisme me fait l'effet d'un vieux donjon percé de meurtrières, où la vérité est garrottée en bonne et due forme, et retenue prisonnière au nom d'une logique sans pitié.
L'évidence est le plus haut degré de la clarté, c'est le midi du jour de l'intelligence.
Il peut y avoir entre deux lumières différence de clarté, mais jamais opposition. La lune ne trompe pas plus le voyageur que le soleil.
Je n'aime pas à voir l'éclat de la vérité à travers un syllogisme. J'adore la raison, mais je déteste le raisonnement, et je suis toujours tenté de dire à celui qui s'avance vers moi hérissé de preuves : Ote-toi de mon soleil !
Les mystères sont à la foi ce que les axiomes sont à la raison. Ceux-ci sont indémontrables, ceux-là sont incompréhensibles. Toutes les constructions de la raison reposent sur des axiomes, tout l'édifice chrétien porte sur les mystères.
Il faut que la raison soit croyante et la croyance raisonnable. Les deux lumières s'accordent et se complètent.
La crédulité fait plus d'incrédules que de croyants.
Si l'on savait qu'un acte de foi est la dernière démarche d'une raison libre et haute, on ne serait guère tenté de dire que la foi est aveugle, et que les croyants sont des ennemis de la raison et de la liberté.
Croire ou connaître, c'est la vie de l'âme, c'est le mouvement divin de l'esprit.
L'espérance et la résignation sont deux anges inséparables venus du Ciel pour soutenir l'homme dans son exil et le ramener, à travers les larmes, au seuil de la Patrie, où ils disparaîtront à ses yeux, comme l'ange de Tobie.
Il faut savoir accueillir la souffrance comme un hôte incommode mais inévitable, et lui faire avec bonté les honneurs de la maison. Il y a un art de souffrir, comme il y a un art d'être heureux.
Le temps ne paraît long qu'à ceux qui en méconnaissent l'emploi.
Le temps coule et s'écoule comme un fleuve descendu des montagnes qui se hâte sans relâche vers l'Océan, origine profonde et mystérieuse de tous les fleuves. Dieu en est à la fois la source et l'embouchure.
Du berceau à la tombe il n'y a bien souvent qu'un pas.
La vieillesse n'est pas un déclin bien qu'elle en ait les mélancoliques apparences. C'est un hiver sans doute, mais qui prédit, sous les glaces de l'âge et la neige des cheveux blancs, le prochain réveil d'un éternel renouveau. Ah ! jeunes gens, l'avenir est aux vieillards ! Vous les croyez arriérés, et ils sont plus avancés que vous !
J'aime le vieillard qui sait accueillir, avec un indulgent sourire, les premiers essais d'un adolescent. J'aime ce doux et mélancolique sourire. Il me semble y voir comme un reflet lointain de l'aube du jour éternel. L'horizon de la vieillesse n'est nullement stérile et glacé, comme on s'habitue à le croire. C'est le dernier horizon de la vie, sans doute, mais aussi le plus vaste, le plus riche, le plus digne d'être contemplé. C'est l'horizon de la Patrie !
Plus l'âge nous rapproche de Dieu, plus il convient d'aimer les hommes. Les vieillards généreux aiment et recherchent les jeunes gens. La vieillesse n'est belle qu'à ce prix, et le jeune homme qui comprend et satisfait ce noble besoin fait preuve de sens et de goût.
Nous sommes, à notre insu, les écrivains de notre propre vie. Chaque jour y ajoute une page, bonne ou mauvaise, édifiante ou scandaleuse. Oh ! si nous avions soin de notre honneur intérieur, de ce trésor que la main du voleur et la dent de la rouille ne peuvent atteindre ! notre vie deviendrait un chef-d'œuvre que les anges liraient aux cieux.
J'aime à recueillir les paroles qui tombent des lèvres d'un vénérable vieillard. Dépouillés de tout artifice, désintéressés de toute visée terrestre, ses discours revêtent je ne sais quoi d'auguste qui les fait écouter avec le même respect que les dernières paroles d'un mourant.
Bien des gens dans leurs vieux jours traînent après eux la longue chaîne des espérances trompées.
La vie humaine est un livre où chaque âge est invité, tour à tour, à écrire ses propres impressions. Vous y lisez, avec un puissant intérêt, tout ce que le cœur, l'intelligence, l'imagination, les passions peuvent inspirer de beau, de touchant, de spirituel, et d'émouvant. Mais réservez le meilleur de votre temps et de votre attention pour méditer à votre aise le dernier chapitre. Il est écrit de main de maître et renferme les graves et tardives leçons de l'expérience.
Ecoutez les vieillards comme on aime écouter les voyageurs sérieux qui ont fait le tour du globe. Ils ont fait le tour de la vie ; ils en ont traversé toutes les phases comme tous les écueils et, du haut de la tombe où ils vont descendre, désormais étrangers au bruit retentissant des passions et des intérêts qui divisent, exempts de rancunes et de préjugés, ils nous font entendre, dans leur dernier adieu, l'accent pur et serein de la vérité.
Il est permis au vieillard d'avoir des idées faites, car l'expérience, fruit d'une longue vie, met le dernier sceau à la sagesse humaine. Il ne sied pas de le contredire. C'est une impolitesse, j'allais dire une cruauté, de vouloir lui prouver qu'il a tort.
Si la conversation d'un vieillard vous paraît un peu longue, c'est qu'il a beaucoup vécu. Ecoutez-le attentivement, et prenez conseil !
La vieillesse a je ne sais quel air d'innocence et de majesté lorsqu'elle ombrage de cheveux blancs un front marqué de la noble empreinte du travail et de la vertu. Ainsi l'hiver est beau quand il recouvre, de ses légers flocons de neige, des champs naguère chargés d'épis. On aime à voir, sur le front du vieillard, les leçons austères de l'expérience tempérées par un indulgent sourire. Ses rides sont les sillons du temps où la sagesse aime à semer et à récolter.
Il n'y a de beaux vieillards que ceux qui ont tenu les promesses de leur jeunesse, et maintenu jusqu'au bout l'harmonie constante de leur caractère, de leurs goûts, de leurs talents et de leurs convictions.
La jeunesse croit volontiers à l'amitié, à l'amour, à la reconnaissance, et au dévouement. Elle a tous les enthousiasmes et toutes les illusions. Heureux toutefois ceux qui ont le don de conserver la jeunesse du cœur sous des cheveux blancs ! C'est d'eux seuls qu'on peut dire que la vieillesse est une couronne d'honneur. Le vieillard, qui ne vit que de souvenirs, ne doit pas maudire l'âge inoubliable où il ne vivait que d'espérances.
Celui que Dieu aime meurt jeune, dit un ancien adage. Dieu se hâte de le retirer des ténèbres de ce monde qui nous voilent les éternelles clartés du Ciel.
Il est sans doute des vieillards qui ont peu vécu, comme il est des jeunes gens qui, dans une courte existence, ont rempli le cours de leur vie d'une très longue carrière. Tout dépend de l'emploi qu'on fait de sa propre vie.
Heureux les vieillards qui, congédiant la folle du logis, retiennent les saintes affections de la famille et de l'amitié, et comprennent que le cœur est la plus belle moitié de la raison !
Arrivé à l'âge où l'expérience dissipe les dernières illusions, l'homme se prend à regretter sa jeunesse. Hélas ! on ne peut unir le printemps à l'automne, à la saveur du fruit le parfum de la fleur qui fut son berceau. Dieu seul peut faire ce miracle, et il ne le fait qu'au-delà de la tombe. Soyez assez sage pour ne regretter que vos fautes.
Les passions sont exclusives. On les pardonne aux jeunes gens. C'est affaire de tempérament et de fougue. Il en est autrement quand on est arrivé à l'âge mûr, alors que la raison est censée tenir les rênes. Le bon sens prend le dessus, imprime au mouvement des idées et à la conduite de la vie une allure plus exacte, plus correcte et plus régulière. On sait écouter et réfléchir ; on devient nécessairement calme, modéré, tolérant. Mais combien peu atteignent l'âge mûr !
La théorie séduit facilement les jeunes gens pour qui tout est promesses et espérances ; à l'âge viril, où tout est lutte et combat, succède l'âge mélancolique des mécomptes et des déceptions.
L'expérience d'autrui est une glace fidèle, mais où l'on ne se mire guère que les yeux baissés.
La sagesse arrive bien souvent tard, mais elle demeure éternellement.
A mesure qu'on prend de l'âge, et qu'on laisse derrière soi, à l'état de souvenirs, les espérances d'autrefois, les joies incomplètes de l'adolescence et même de l'âge mûr, il faut savoir, aux abords de la vieillesse, se créer un avenir au-delà de la tombe, et y adhérer de toute la force d'une âme qui se sent immortelle.
Est-il nécessaire, dans les desseins de la Providence, que l'expérience ne profite guère qu'à ceux qui l'ont acquise ?
Ne consultez jamais les gens qui n'ont pas souffert, ils n'ont rien à vous apprendre.
La vie est un livre qu'on ne peut connaître sans l'avoir lu, mais n'en jugez pas par la préface.
Que de pensées justes, saines et profondes dont la vérité ne brille qu'aux yeux de l'expérience ! Quand on devient sage, hélas ! bien souvent on approche de la mort.
Les leçons de l'expérience sont les meilleures parce qu'elles ont été longuement et douloureusement préparées.
Si la jeunesse pouvait inaugurer la vie avec l'expérience tardive des vieillards ! Mais l'expérience est chose personnelle, et nous profitons peu de l'expérience d'autrui. Nous ne devenons guère sages qu'à nos dépens, et à une époque de la vie où il nous est interdit de recommencer notre existence à nouveaux frais.
La raison est un fruit d'automne, et l'expérience une lumière salutaire qu'on n'allume guère qu'au soir de la vie pour éclairer la nuit de la vieillesse.
L'enfance aime et recherche le bruit ; la jeunesse s'enivre aisément de la mélodie des mots ; l'âge mûr n'est attentif qu'à l'harmonie des pensées ; la vieillesse n'écoute guère avec soin que la voix austère, mais juste de la vérité.
Le bonheur naît de la vertu, c'est-à-dire de l'obéissance à la loi morale, comme le fruit procède de l'arbre.
L'honneur et la sagesse dans la conduite ont je ne sais quoi de solide et d'immuable qui inspire une entière confiance. On aime et l'on estime les caractères pétris de force et de raison. On compte sur eux autant que sur soi-même, et l'on n'a pas tort.
La contradiction et l'opposition refoulent l'homme utilement sur lui-même. Elles lui donnent la mesure exacte de ce qu'il peut et de ce qu'il ne peut pas.
Fais ton devoir de l'heure présente sans t'inquiéter de tes regrets ni de tes espérances. Il ne faut regarder ni en arrière, ni en avant, mais tracer d'une main ferme, l'œil fixé sur la besogne, le sillon d'aujourd'hui, sans vouloir devancer tes devoirs de demain.
L'âme fleurit volontiers au doux soleil de la grâce. Hélas ! combien peu d'entre nous tiennent ces promesses et atteignent l'automne de la vie, chargés de fruits ! Que d'espérances, dans l'âge de l'adolescence et de la jeunesse, qui ne se réaliseront jamais ici-bas ! Mais il suffit, pour nous consoler, de savoir que l'homme est immortel, et que ce globe n'est que le théâtre passager de ses enfances.
S'aimer soi-même en sage, c'est le premier et le plus légitime des amours. Aimez votre prochain comme vous-même et vous vivrez de la vie éternelle.
Les vertus, qui font l'ornement de la femme et de l'homme, bénissent l'effort et le travail ; le vice, tout comme la ronce, ne sourit qu'aux bras croisés, et n'a de reconnaissance que pour la mollesse et l'inaction.
L'homme commence naturellement sa vie par l'égoïsme. Comme la plante, il lui faut une longue et pénible éducation pour l'amener à prodiguer le parfum de ses fleurs et la saveur de ses fruits. Il faut s'appartenir avant de se donner. L'âme est le champ qu'il faut défricher et cultiver, aujourd'hui, demain et toujours, pour hâter vers la moisson les germes divins que Dieu y a déposés.
Il vous faut, jeunes gens, dans la saison de votre printemps, courageusement supporter le poids de la chaleur et du jour, pour atteindre le soir avec honneur et profit, et jouir d'un repos légitime, conquis par l'âpre sueur de votre travail.
Imitez, jeunes gens, dans le printemps de votre jeunesse, l'ardeur de la fourmi, la diligence de l'abeille, l'incessante activité de la plante qui pousse, nuit et jour, à la fleur et au fruit, et l'hiver de votre vie ne vous trouvera pas sans ressources.
Il vous faut, jeunes gens, labourer, semer, arroser et moissonner dans votre jeune saison, sous peine de ne rien récolter dans vos vieux jours.
Si vous voulez être parfaits, jeunes gens, ayez donc le courage de le devenir. Mettez-vous sur-le-champ à l'œuvre, car le temps fuit, les jours et les années s'envolent silencieusement sur des ailes rapides, et demain il sera trop tard.
Laissez à la jeunesse le charme de ses illusions, comme aux fleurs leurs couleurs et leurs parfums. Le fruit ne vient que tard et n'a pas moins besoin, pour se développer et mûrir, des grâces du printemps que des ardeurs de l'été. L'automne n'ouvre ses mains pleines qu'à ceux qui ont sollicité les riantes promesses du printemps. Je dirais volontiers aux jeunes gens : donnez l'essor à vos espérances, mais songez aussi à faire provision pour l'automne et l'hiver de votre vie.
A l'âge où la folle du logis embellit la vie de ses charmes passagers, la raison semble avoir des rides.
Si tu tiens à ce que je te prophétise, avec quelque certitude, un brillant avenir, ne me dis pas ce que tu désires, jeune homme, mais dis-moi ce que tu veux d'une volonté ferme et persévérante. Le royaume de Dieu souffre violence et ce sont les forts qui l'emportent.
Le jeune homme, sa première éducation achevée, prend en mains la direction de sa vie. Qu'il soit à lui-même plus sévère que ses maîtres, s'il veut grandir en raison et en liberté, et éviter d'obéir, le reste de ses jours à un sot maître !
Il vient un temps où l'homme, résolu de marcher seul, rompt ses lisières. C'est l'heure où la douceur du conseil doit succéder à la sévérité du commandement, où la liberté s'affirme, où la raison prend les rênes, où la personne humaine entre en jouissance du privilège redoutable de la responsabilité. Cette heure doit sonner tôt ou tard dans l'éducation. Ceux qui la prévoient et qui la préparent méritent seuls l'auguste nom de maîtres.
L'homme rebelle à l'éducation retourne à l'état sauvage comme la plante que dédaignent les soins du jardinier.
Former un homme ! Guider un adolescent dans la voie sacrée du vrai, du beau et du bien, et pouvoir lui dire, en lui serrant une dernière fois la main : Sois fort et sois un homme ! Ah ! voilà le chef-d'œuvre des chefs-d'œuvre !
Un bon maître d'école s'attache avant tout et surtout à fortifier la volonté de ses élèves.
Que d'efforts on fait, en ce siècle, pour développer chez l'enfant sa faculté de connaître, mettant en oubli sa faculté d'aimer ! Tout pour l'intelligence, rien pour le cœur : telle semble être la coupable devise de nos méthodes d'enseigner.
Il n'y a entre le maître et l'élève digne de lui que la différence de l'effort.
Le maître a pour mission de développer l'intelligence de l'élève, d'éclairer sa raison naissante, de former son goût, de régler l'emploi de ses facultés. Il doit éveiller sa spontanéité et non l'étouffer sous le poids d'une érudition précoce. C'est par son propre travail, c'est par ses efforts personnels habilement dirigés, que l'élève doit augmenter la somme de ses connaissances.
Une sagesse trop précoce ôte son parfum à la grâce naïve de l'enfant.
Faites bien parler les enfants ; ne mettez dans leur mémoire, seule faculté dont ils disposent, que des mots propres, des expressions justes, des phrases correctes au point de vue du sens et de la langue, en un mot des préjugés vrais. Quand l'âge de penser sera venu, ils penseront, penseront bien, et n'auront à défendre que des convictions sincères parce qu'elles seront plus personnelles.
L'enfant ne raisonne pas, il croit sur parole. Le préjugé préside à son éducation intellectuelle et morale. Heureux ceux qui n'ont rencontré, au sortir du berceau, que des préjugés vrais ! Ils seront philosophes sans le savoir.
L'homme connaît la souffrance avant la joie. Il pleure avant de sourire ; il mouille de larmes amères le seuil même de la vie.
Heureux les enfants qui éprouvent de bonne heure, sous le regard souriant et bienveillant d'une mère, le noble besoin d'aimer et d'arriver à la bonté par l'amour !
L'admiration qui naît en nous de la contemplation du vrai, du beau et du bien, est un des plus nobles sentiments qui puissent habiter le cœur de l'homme, et l'un de ceux qu'il faut surtout s'attacher à développer dans l'enfance.
L'enfant croit à la sagesse et à la bonté de ses parents ; voilà pourquoi il obéit volontiers et avec sécurité.
Quelle œuvre élevée, délicate, difficile que de former la conscience de l'enfant, de concourir au développement régulier de sa volonté, de sa raison et de sa liberté ! C'est ici qu'il faut dire, dans un sens supérieur, que l'éducation est une œuvre de respect, et que la plus grande révérence est due à un enfant.
Elever l'enfant ! Oh ! si l'on comprenait le grand sens de ces deux mots ! Si l'on savait que cet être fragile est destiné à la raison, à l'amour, à la liberté, qu'il est appelé à gravir toutes les hauteurs de l'âme !
Il n'y a rien de ravissant comme le regard qu'échangent des époux dans le premier sourire de leur premier-né.
Le coeur d'une mère est le foyer bien-aimé où se groupent toutes les affections que la famille fait éclore.
La miséricorde est un attribut de Dieu qui s'approche de nos douleurs pour nous soutenir, nous consoler, nous encourager.
La miséricorde de l'homme est étroite comme son cœur, mais la miséricorde de Dieu est immense comme son être.