Tous les goûts sont dans la nature, entendons-nous dire. Tous les dégoûts aussi, y compris la haine du luxe ou du simple confort, la panique scandalisée devant l'abondance, devant la frivolité et la débauche, le refus méprisant du sexe (le refus même d'en parler), le rejet du vin, de la soie, du parfum des fleurs et de la caresse d'une main douce.
Les chrétiens aiment tellement leur dieu qu'ils le mangent, le Christ étant dans chacune des hosties.
N'oublie jamais ça homme : Un « grain de sable » est plus durable, plus résistant que toi !
Être mort, entre nous soit dit, est un oxymore, puisque la mort est la fin de l'être. On est ou on n'est pas. Il est impossible d'« être mort ». Toutefois, si les mots aiment jouer entre eux, laissons-les faire. Sinon, nous n'en finirions pas.
La mort, cette faux, aussi longtemps que nous sommes vivants, ne fauche, autour de nous, que les autres. Jour après jour, nous y échappons. Elle nous frôle, parfois même elle nous égratigne, mais finalement, aussi longtemps que nous sommes vivants, elle nous épargne. Et le Temps passe, discret, comme pour se faire oublier. Il passe même, souvent, à côté de nous. Comme si nous restions là, immobiles, sereins, oubliant le Temps. D'ailleurs, nous le disons souvent, sans nous en rendre compte : Qu'est-ce que tu fais ? Je passe le temps.
Tous les morts, sans doute, souhaiteraient changer quelque chose aux événements qu'ils ont traversés, ne serait-ce qu'un détail, un geste, une phrase. Tous voudraient effacer un regret, réparer un oubli, rectifier une erreur dans leur vie, qu'ils racontent à voix basse sous les cyprès immobiles. Mais la nuit passe vite, l'aube s'annonce à l'Est, il faut vite regagner les tombeaux.
Il y a de bons moments dans l'existence, même les plus pessimistes l'avouent ; des moments de bien-être, de plaisir, de plénitude et aussi de joie. De « joie de vivre », comme nous aimons à le dire. Malgré les pessimistes qui trouvent de la joie à médire de cette joie.
L'homme naît libre, écrivait Rousseau. Faux, archifaux. Il n'est même pas libre de naître.
Chacun aura dans sa vie sa part de douleur et de deuil, plus ou moins sévère. C'est garanti dès le départ. Et chacun mourra, un jour ou l'autre. Sur ce point précis, nous ne nous distinguons pas de l'ensemble du vivant. Tout ce qui a eu un commencement aura une fin.
Nous nous réjouissons à chaque naissance, nous nous affligeons à chaque décès (sauf exceptions). Pourtant, la première ne va pas sans l'autre. Chaque nouveau-né est un futur cadavre. Il est, dès sa venue au monde, sinon condamné à mort, du moins condamné à mourir. Et nous le savons tous, en lui souhaitant la bienvenue, penchés sur son berceau.
L'orgueil ne s'interdit aucun territoire, même pas celui de l'humilité.
Il y a du mérite à défendre des idées en lesquelles on ne croit pas, et là seulement.
Il faut que je cesse de croire à ce que je dis pour le croire vraiment.
La sueur de notre front est la marque de notre destin.
Le mensonge est le poison le plus délétère qui ronge, qui détruit nos relations sociales.
Les instituteurs, qui sont le plus souvent des pédants, ont, en matière de langage, des préjugés bien ridicules en ce sens que ce sont des préjugés de petits bourgeois, alors que la plupart de ces brevetés supérieurs sont pour le moins socialistes. Il est vrai que le socialisme n'est rien d'autre ni rien de plus qu'un système petit bourgeois.
J'aime mieux être un homme à paradoxes qu'un homme a préjugés.
Toute histoire d'amour a une fin, sans quoi ce ne serait pas une histoire.
À force de voir les choses, elles nous échappent et elles se font invisibles.
Le rire est la meilleure façon de lutter contre l'irrationalité du monde, le monde étant irrationnel par définition.
Condamner ce qu'on ne connaît pas est le propre de tout esprit arbitraire et autoritaire qui se place par là même hors de la vie ordinaire, qui la regarde et la juge de loin, en observateur indiscret, sans vraiment y participer, et qui ordonne, en cas de « manquements », des punitions.
Être humain et être vivant, c'est avoir faim, c'est avoir soif, c'est avoir envie. Constamment. Insatiablement. Envie de tout, ou de presque tout. Sans répit. Envie de ce que nous avons, et aussi, et surtout, de ce que nous n'avons pas, ou pas encore. Une envie que rien ne peut satisfaire, et qui va s'aiguisant et s'enflant.
Sans le plaisir, qui peut être en effet le simple et léger plaisir de vivre, de respirer l'air frais du matin, de regarder le ciel d'automne, d'écouter un moment le bruit d'un ruisseau, nous serions tous à coup sûr égarés sur la Terre. Sans ce privilège, que nous avons, d'éprouver parfois tel ou tel plaisir, nous serions prisonniers d'un bagne, où seul le besoin serait satisfait. Prisonniers de l'hostilité, ou simplement de l'indifférence du monde. Parqués derrière les grillages de l'utilité. Le plaisir est la parure du besoin. Il en est le « plus », le cadeau, la prime. Et c'est dans l'espérance, dans le désir d'un prochain plaisir que nous comptons les jours, et même, assez souvent, les heures.
Le plaisir a du bon, personne ne le conteste. Il est agréable (par définition), il nous rassure et il nous réjouit. Il donne presque une sorte de sens, ou en tout cas de direction, à notre vie. Pour certains, il la justifie, il en constitue même l'essence, et sans doute aussi l'origine. La vie a été faite par plaisir, et pour le plaisir. Plaisir des sens et de l'esprit. Nous ne les trouvons que dans la vie. Sans elle, nous en ignorerions tout. Nous pouvons dire que nous prenons plaisir à vivre. Et même que nous vivons par plaisir. Plaisir de vivre, de respirer, de manger et de boire, de dormir à l'ombre, d'aimer, d'être aimé. L'amour est le maître des mondes, dit-on un peu partout, mais sans aucune preuve il me semble, sauf le fait que, pour la plupart d'entre nous sans doute, nous sommes nés d'un moment de plaisir.
On ne naît pas femme, mais on le devient. C'est la société qui fait des femmes ce qu'elles sont.
Le fanatisme est une fureur aveugle et stupide que la raison ne retient jamais.
Dès le plus jeune âge, aujourd'hui, le théâtre est une technique d'éducation. Il ouvre le cœur, l'esprit, les yeux, il apprend à réagir en groupe, à tenir compte des participants, à les percevoir, à chercher l'autre en soi, à deviner ses faiblesses, ses oublis, ses secrets, ses mensonges, ses qualités cachées. Que nous acceptions ou que nous rejetions notre personnage, le théâtre nous apprend le « jeu » qui est une image de la vie, un apprentissage, et même une défense, quelquefois.
Je tourne résolument le dos à tous les prêcheurs de chasteté, à tous les apôtres de l'abstinence, qui interdisent ce qu'ils ignorent. Je déteste les puritains, ceux qui sont perpétuellement malheureux du bonheur des autres, les rabougris, les desséchés, les bande-à-l'ombre. Ceux qui affectent de croire qu'il suffit de sortir sans parapluie pour arrêter l'orage.
Les paix – longues ou brèves – ne sont pas prises en compte par l'histoire. D'ailleurs, la paix n'a pas d'histoire. Elle se vit, elle ne se raconte pas. Elle manque d'événements, elle est sans action. Et si elle enrichit le peuple qui l'a choisie, elle peut aussi susciter la convoitise de ses voisins, qui trouveront, un jour ou l'autre, un bon prétexte pour l'envahir, et la dépouiller.
Pour vivre heureux – encore un proverbe –, vivons cachés et silencieux. Sans faire de bruit, sans hausser la voix, sans brandir le moindre drapeau. Efforçons-nous de passer inaperçus, ne réclamons rien. Aussitôt, nous disparaissons, nous cessons d'exister aux yeux des autres.
Que nous le voulions ou non, nous sommes toujours le fou de quelqu'un.
Qui s'aventure à tuer s'expose à être tué.
Le « savoir », c'est ce qu'un jour nous ne saurons plus.
Toutes nos émotions ne sont qu'un petit vent qui nous frôle au passage.
J'aime le vin. Le bon vin, le vrai vin, qui ne figure pas forcément sur la liste des crus célèbres. L'âge venu, j'en bois trois ou quatre verres par semaine, et cela me suffit. Mes amis m'aident vaillamment à explorer ma cave, où je fais quelquefois des découvertes, comme des archéologues furtifs, en leur compagnie.
Notre condition est d'être une histoire qui se raconte, et dont tout le monde connaît la fin.
Le Net est une surenchère d'extravagances, un chapelet d'horreurs, un vide-greniers des déceptions.
Sur Internet, la vie privée s'est faite publique, chacun ouvre son tiroir et déballe son bric-à-brac.
Le destin, cette lutte héroïque mais absurde, perdue d'avance, contre un ennemi supérieur à tout autre.
Un crime conduit à un autre crime.
Le ringard est emprunté, prétentieux, démodé, frimeur, imbécile, ridicule.
La mort est comme un tigre caché dans les herbes.
Traiter l'autre de menteur peut être une insulte, ce n'est jamais un argument.
Le rêve est la vraie victoire sur le temps.