Les 77 pensées et citations de Jean-Paul Richter :
Plus on est dur envers les autres, et moins on l'est vis-à-vis de soi-même.
L'homme supérieur ne s'enfle pas comme un ballon, d'autant plus qu'il s'élève davantage ; il en diffère aussi en ce qu'il monte seulement du vide dans le plein.
L'amour commence par les yeux, comme l'art du dessin.
Un bon médecin, s'il ne sauve pas toujours des dangers de la maladie, nous préserve du moins de celui d'un mauvais médecin.
Les grands hommes sont semblables aux montagnes dont le sommet est presque toujours environné de vapeur, mais la vapeur vient de la vallée et non de la montagne.
Les années s'écoulent si vite qu'à peine de nos œuvres il en reste plus que le nom.
Les femmes veulent seulement que l'on s'excuse auprès d'elles, peu leur importe comment.
On n'a pas besoin de beaucoup moins que de tout pour être heureux, et de beaucoup plus que de rien pour être malheureux.
Ceux qui redoutent les lumières comme un danger pour les peuples ressemblent aux personnes qui craignent que la foudre ne tombe par les fenêtres, tandis qu'elle ne pénètre jamais à travers les carreaux, mais par leur encadrement de plomb ou par le trou des cheminées qui fument.
Le poète est, comme le père des Muses, éternellement jeune, et, ce que les autres hommes ne sont qu'une fois, amoureux tout le jour et pendant toute sa vie.
L'amour n'est pas seulement passager, la haine l'est encore ; ces deux sentiments meurent lorsqu'ils ne croissent plus.
Quelques hommes sont aussi libres que Diogène, non quand il est dans son tonneau, mais lorsqu'il le porte sur ses épaules.
La laideur est une douleur qu'une femme conserve toute sa vie.
Notre vie est semblable à une chambre obscure, les images d'un autre monde s'y retracent d'autant plus vivement qu'elle est plus sombre.
Jetez des fleurs sur les dépouilles mortelles de votre jeune compagne, ô vierges dont elle égalait naguère la beauté : on parsème de fleurs le berceau de l'enfance, couvrez-en aujourd'hui son cercueil ; les joies de la mort doivent surpasser celles de la vie, le cercueil est le berceau du ciel.
Le critique n'emploie pas précisément sa plume pour écrire, mais pour rappeler à elles par l'odeur du roussi des personnes privées de sentiment ; il chatouille avec elle le gosier du plagiaire, afin de produire sur lui l'effet de l'émétique ; il s'en sert comme d'un cure-dent pour lui nettoyer la bouche. De toute la nomenclature des savants, il est le seul qui ne puisse jamais s'épuiser ni déposer sa plume, fut-il demeuré un siècle entier assis devant son écritoire. Tandis que le philosophe et le poète traitent des sujets neufs, le critique ne fait qu'appliquer la routine de son jugement et de son goût à mille productions nouvelles.
Que peut le soleil des sciences sur les gens du monde et du bon ton ? Produire le même effet que l'autre soleil sur les glaces du pôle, les argenter et les dorer de ses rayons, mais non les pénétrer.
Les journaux renferment d'excellentes vérités au milieu des plus grossiers mensonges, ce sont quelques pièces d'or enveloppées de papier-monnaie.
Un esprit droit ressemble à une allée droite qui paraît n'avoir que la moitié de la longueur qu'on lui supposerait si elle présentait des sinuosités.
Dans les grandes villes, un étranger commence par vivre à l'auberge et à ses dépens les premiers jours de son arrivée ; bientôt après il est hébergé chez ses amis. Lorsqu'on arrive dans ce monde, au contraire, on est défrayé pendant les premières années, mais plus tard et bien longtemps, car cela dure quelquefois soixante ans, il faut, et j'en ai les preuves en main, tout payer et au poids de l'or, comme si l'on se trouvait logé au grand Hôtel de l'Univers, ce qui n'est d'ailleurs que trop vrai.
Ne dites pas : Nous voulons souffrir, car vous le devez ; dites plutôt : Nous voulons agir, car vous n'y êtes pas obligés.
Beaucoup de gens se laissent étouffer par l'érudition comme par un lierre desséchant.
Sans bibliothèques la vie serait trop fade et trop insipide. La société la plus spirituelle n'est pas celle que les tailleurs, mais celle que les relieurs habillent.
Le passé et l'avenir se voilent à nos regards, mais l'un porte le voile des veuves, l'autre celui des vierges.
Le poète ressemble aux cordes de la lyre, il devient invisible comme elles lorsqu'il s'ébranle, et rend des sons mélodieux.
La vie, comme l'eau de mer, ne s'adoucit qu'en s'élevant vers le ciel.
Le sceptre du mariage se montre aux yeux d'une jeune fiancée comme la houlette d'un berger de Gessner. Mais a-t-elle vu quel usage le berger fait de sa houlette ? Il s'en sert pour jeter de la boue aux brebis et pour les chasser des mauvais pâturages.
Un ami est à la fois le soleil et le tournesol, il attire et il suit.
Les vêtements sont les armes de la beauté, elle les dépose ensuite après le combat, comme le soldat devant son vainqueur.
L'amour est comme les oreilles d'ours, qu'il faut semer sur la neige ; le froid lui est également favorable et le fait croître plus vite.