Qu'y a-t-il de plus affreux que d'être obligé de choisir dans ce que l'on pense, en parlant à ceux qu'on aime ?
Mary Alsop King Waddington ; Jeanne de Vaudreuil (1850)
Qu'y a-t-il de plus affreux que d'être obligé de choisir dans ce que l'on pense, en parlant à ceux qu'on aime ?
J'ai souvent remarqué qu'à l'endroit des convenances, les hommes de bien sont beaucoup plus raides que les femmes. D'où cela vient-il ? Ce n'est pas, je pense, qu'ils soient plus délicats ; c'est plutôt que les femmes, avec leur tact exquis, savent apposer à toute circonstance le cachet de dignité qui leur est propre. Les premiers aiment surtout les grandes routes ; les femmes ont une préférence marquée pour les jolis sentiers au bord des abîmes.
Je pense que la gloire est un mot dont les âmes élevées se servent souvent faute d'un autre. Ce qu'elles veulent, c'est le libre essor de leurs facultés, c'est l'influence bienfaisante qu'elles doivent exercer. Si elles demandent la gloire, c'est comme une sanction propre à leur ôter ce doute sur elles-mêmes qui peut persécuter les natures les plus fortes.
II ne faut qu'une tache sur la réputation d'un homme pour qu'il ne puisse plus recouvrer la place qu'il occupait dans l'opinion.
Moins vous vous sentez le droit d'exiger l'admiration des autres avant d'avoir rien réalisé, plus vous êtes disposé à vous en accorder une sans bornes.
Quand l'homme est arrivé à la pleine possession de ses facultés, s'il ne s'en sert pas pour tenter son relèvement, ou si après l'avoir tenté, il échoue, il se fait en lui comme une chute seconde, plus apparente peut-être que la première aux yeux mortels, plus dégradante, plus douloureuse.
Notre amour est au-dessus des expressions de la terre. Être ensemble tout à Dieu, pour le temps et pour l'éternité ; souffrir ensemble des maux de la route ; espérer les biens du ciel ; aimer toutes les créatures ; être unis sans retour, et s'unir cependant à chaque heure, comme si l'heure précédente n'avait pas été témoin d'une union semblable ; entendre chacun non le vain écho de sa voix, mais le son qui complète le son, la note qui achève l'harmonie ; être un et être deux, ô mon amie, c'est là notre sort ! Ne craignons pas de troubler notre vie par les travaux et les combats ; notre part sera assez belle encore.
Le vrai est trop beau pour ne pas ravir l'âme qui l'aperçoit ; il est trop amer pour ne pas la navrer, trop consolant pour ne pas la rassurer.
Le bonheur, ô ma bien-aimée, est le loisir accordé à l'âme pour mieux sentir le bonheur accordé à l'humanité. Ne l'oublions pas. Ne rabaissons pas notre félicité au niveau d'une satisfaction mesquine, mais élevons-la à la hauteur d'une mission de sacrifice et d'amour. - Ah ! dit-elle, je le crains : savoir vivre, c'est savoir choisir entre les souffrances. Et heureux sommes-nous, lorsque nous aimons comme notre bien le plus précieux celles que nous avons choisies.
II sied bien à l'âme d'être ambitieuse, c'est sa gloire de n'être point satisfaite. Je ne connais rien qui dégrade davantage qu'une idée mesquine de la félicité.
Remonter ! c'est là toute la question. Au fond il n'y en a pas d'autre. C'est le problème de chaque vie, c'est celui de la société, c'est celui de l'humanité tout entière.
Quand un esprit supérieur s'essaie à remplir de petits devoirs, il y a dans ses efforts une sorte d'inhabileté naïve, qui fait songer à la gracieuse maladresse des enfants et qui émeut comme elle.
Se désabuser de soi-même, lorsqu'on est déjà désabusé de toutes choses, c'est le meilleur moyen de faire revivre en soi mille flammes qu'on croyait éteintes.
Pour admirer les œuvres qui s'adressent à ce qu'il y a de plus élevé dans l'homme, il faut certaines dispositions qui tiennent d'assez près à la morale.
C'est le malheur de ceux qui forcent leur nature, ou qui l'étouffent, de ne plus comprendre chez les autres les sentiments naturels et spontanés.
Je suis étonnée de tout le courage qu'il faut pour être heureux. Pour transformer l'idéal en réalité, ce n'est pas trop de l'héroïsme de toute une vie.
II y a un abîme entre tout homme et son semblable qui ne se comble point avant que leurs regards ne se soient rencontrés dans le sein de Dieu. Alors l'abîme disparaît et l'amour des créatures, impuissant tant que rien ne les unissait, croît, grandit et prospère sous le souffle de l'amour divin.
II est des occasions où la plus grande preuve d'affection qu'on puisse donner, c'est justement de s'abstenir de tout témoignage, de traiter ceux qu'on aime comme soi-même, leur parler quand ils veulent parler, se taire quand ils veulent se taire.