Chacun apporte sa petite bûche au bûcher qui éclaire le monde.
La meilleure façon de penser est d'écrire.
Il y a des débuts de matinée où le corps encore envoûté par la nuit n'avance dans la lumière que maladresse et désordre.
Tout homme qui interroge est un homme fidèle à un secret qu'il ignore.
Aucun être humain n'éprouve d'autre joie que la sensation d'être vivant lorsqu'elle devient intense.
Il y a un plaisir non pas d'être seule mais d'être capable de l'être.
Le silence est pour les oreilles ce que la nuit est pour les yeux.
Il y a une naissance en toute connaissance.
Quand l'événement se réduit à son épreuve, aucune consolation ne console.
L'oubli n'est pas l'amnésie : l'oubli est un refus du retour du bloc du passé sur l'âme.
Le Temps est la laisse sans mer, sans sable, sans rive, sans rouleau, sans écume. Échouage d'un espace autre que l'espace en amont de l'espace. Site perdu du perdu. Vide.
Les bonbons enveloppent sous plusieurs couches de sucre successives le noyau, ou la vérité, ou le désespoir, ou le désir, ou la faute. À vrai dire les bonbons ont nettement le goût du perdu. La gourmandise est la recherche poignante d'un goût qui a été absolument perdu. Tel est le « goût sur le bout de la langue » : eau tiède, visqueuse, sucrée, liquoreuse - eau de poche. Ils enrobent un secret dont nous sommes toujours anxieux. Ce qui nous pousse à sucer est un très vieux réflexe propre au connaître en nous qui précède le jour.
Notre bonheur est comme une nasse qu'on tire d'un autre monde. Plus on la tire plus elle se gonfle d'eau et plus on peine à la remonter vers l'air atmosphérique. On la sort, et il n'y a rien.
La musique n'est qu'une bouffée du souvenir du temps.
En plongeant sa main dans la mer on touche tous les rivages.
L'univers est ma ville, la terre est mon quartier, la ville où je séjourne est ma maison, les pièces de ma maison sont mes vêtements. Que faites-vous dans mes vêtements ?
Il ne faut pas souhaiter longue vie aux hommes, car la vie longue n'est pas la vie vive.
Le passé est un immense corps dont le présent est l'œil.
Il y a des absents sans retour. Des effacés au souvenir du monde.
Quand on survit à une maladie dont on n'aurait pas dû réchapper, c'est du temps dérobé au temps. Un temps luxueux. C'est un site gagné sur la mer. C'est peut-être cela le paradis.
Une langue morte est un reste de monde.
Il n'y a de plaisir que pris à la dérobée.
Quand vous escomptez votre désir, vous ne l'obtenez pas.
Les hommes ont un cœur de pierre. Malheureux comme les pierres. Muets comme les pierres.
Le monde extérieur chez les enfants comme chez les écrivains est à l'extérieur non pas de leur corps mais de la chambre où ils disent qu'ils jouent alors qu'ils travaillent - où ils disent qu'ils travaillent alors qu'ils jouent. C'est le lieu secret, l'âme, la chambre pour soi, l'utérus de liège, la cache intime.
Ma vision ne plonge plus dans tes yeux si ton souffle m'effleure.
Je nomme livre ce qui brûle les lèvres.
Quelque chose se cherche entre les doigts et les lèvres, dans les intermittences de la faim.
Créer c'est chercher son hôte.
L'art n'est pas grand-chose. Dans ce monde ce n'est vraiment pas grand-chose pour peu qu'on compare tous les arts à la nature sur la terre. L'art est l'arrivée trop tardive.
Aimer, c'est pouvoir penser tout haut avec un autre être humain.
L'amour, c'est la vie secrète, la vie séparée et sacrée, la vie à l'écart de la société.
Trouver l'oiseau rare est une magnifique expression pour dire rechercher l'objet perdu.
Le Jadis est ce qui ne s'épanche pas dans le Toujours.
Être écrivain, c'est errer dans l'espace avec un crayon.
Dans la volupté se perd le désir d'être heureux. Plus on s'abandonne tout entier au désir, plus le bonheur est presque là. On le guette et toute l'erreur consiste dans ce point. On s'attend à sa rencontre. On le pressent. On le voit soudain ; on l'attend encore plus ; il s'approche ; il arrive. En arrivant il se détruit.
Les gens parlent et ils parlent toujours trop. Ils parlent à tort et à travers.
J'aime bien manger avec moi, tout seul, à mon rythme, une fois que le soleil s'est couché, et j'aime me parler à moi-même. Je trouve, souvent, quand j'y songe, très intéressant ce que je me dis. Parfois je me fais des compliments. Je trouve ça agréable de s'applaudir un petit peu.
Comme tu étais belle avec ton grain de beauté tout en haut de l'épaule ! Avec tes longs cheveux noirs et roux qui tout à coup tombaient quand, les bras nus et relevés, tu défaisais ton chignon, et les éparpillais sur ta peau si blanche !
Le présent, c'est le vivant, c'est la lutte vivante entre ce qui est passé et ce qui est à venir. C'est l'agonie du passé qui se mêle à la prédation de ce qui surgit.
La foi, qui est un trait du rêve, consiste à accepter l'héritage de ce qu'on ignore.
Plutôt l'enfer éternel avec mes morts que le paradis seul.
Il y a dans l'amour fusionnel quelque chose du paradis.
Qu'est-ce que le bonheur ? Un émerveillement qui se dit à lui-même adieu.
Enfanter c'est donner le jour au visage qu'on aime.
La jalousie, c'est la vision plus forte que la vue.
Il ne faut pas croire à ce qu'on voit ; ça ressemble trop à ce qu'on espère.
L'amour, c'est d'abord aimer follement l'odeur de l'autre.
Le silence est comme un chiffon humide : il ôte la poussière sans qu'il la fasse voler.
Soupirer ne peut rassurer.
Il est doux de pleurer quand on souffre et qu'on se quitte.
Il y a un âge où on ne rencontre plus la vie mais le temps.
Il n'est pas de menteur qui ne taise le fait qu'il ment.
Qui soupire n'aime pas.
Le silence n'est que l'ombre que le langage porte.
Qui n'éprouve pas de joie quand il apprend ne doit pas être enseigné.
Procurer un sens à ce qu'on aime, c'est mentir.
L'amour se nourrit de marginalité, de silence, de vie secrète, séparée, sacrée.
La vie de chacun d'entre nous n'est pas une tentative d'aimer, elle est l'unique essai.
Répéter en cessant de répéter, cela s'appelle recommencer.
Seul le silence permet de contempler l'autre.
Plate est la terre du bonheur, et pas plus longue que la main.
Tous les matins du monde sont sans retour.
Quand on a assez vécu, on sait que personne ne s'intéresse à personne.
Tout homme entièrement sérieux n'est pas humain.
L'amour est une folie de l'échange.