Les 71 pensées et citations de Paul Masson :
L'homme vit tant qu'il désire. La femme est morte qui n'est plus désirée, même par un seul.
Est-il plus douce volupté au monde que d'entendre sa prose dans la bouche d'une jeune et jolie femme, heurtée au pur cristal de sa voix ? Quel baiser colombin vaut cette aérienne communion d'âmes ?
On s'étonne parfois que les gens qui n'écoutent jamais ce qu'on leur raconte puissent encore avoir des amis. C'est peut-être ce qui explique de leur part qu'ils en aient tant.
Personne ne se donne sans résistance. Le nuage lui-même, au moment de se répandre en eau bienfaisante, prend un air maussade.
Les taches de la lune sont sans doute les cicatrices des nombreux trous qu'on lui a faits.
Les joies d'une bonne conscience nous font envisager avec indulgence la nature entière. C'est un diplôme de baccalauréat délivré au Créateur.
Ce n'est pas l'enlèvement qui est difficile, c'est l'emballement.
La vie est un songe, mais les veilleurs de nuit crient trop fort.
Celui qui a le cœur content trouve le bonheur partout. Quand son pied se joue dans une pantoufle, n'est-ce pas pour l'oisif comme si tout l'univers était recouvert d'un cuir souple et caressant ?
Le plus bel éloge qu'on puisse faire d'un cavalier, c'est de dire que son cheval et lui ne font qu'un.
On ne peut faire saigner un cœur sans être éclaboussé.
Quand le Tsar rit, le ventre des ministres se trémousse.
Par toute son habitude la femme trahit sa nature d'esclave. Les couleurs dont elle rehausse son teint ne sont que mensonge, ses jarretières sont des liens, ses bracelets des menottes, ses colliers des carcans ; la cuirasse soyeuse qui comprime ses flancs est la plus étouffante des geôles, et les molles tricheries qui en arrondissent les contours la plus lâche des trahisons.
Devant un Tsar pieds nus, personne n'ôterait son chapeau.
En morale, c'est déjà être vaincu que de conclure une trêve.
La critique doit faire l'office des mouchettes, non d'éteignoir.
Ce qui ne réussit pas au Tsar réussit au temps.
Un Tsar, dans le désert, vaut tout juste un homme.
J'ai toujours espoir qu'au jugement dernier on nous accordera le jury.
Une goutte d'eau dans l'œil du Tsar coûte au pays beaucoup de mouchoirs.
Un Tsar nu ne méprise pas, en hiver, une peau de renard.
Ainsi que les beaux corps, l'âme gagne à être vue à nu, mais perd à être disséquée.
Rien n'est plus délicieux qu'être étendu sous un arbre, en été, avec un bon livre, si ce n'est d'être étendu en été, sous un arbre, sans livre.
Le grand-duc aveugle aura beau devenir Tsar, il n'y verra pas davantage.
Les sensations modelées forment la sensualité ; ciselées, le sentiment.
Le Tsar lui-même se crotte, quand il met le pied dans une flaque.
Un Tsar, fût-il lépreux, passerait pour sain.
Tout sentiment qui s'écrit est vite fané. On ne trempe pas les fleurs dans l'encre.
La colère bannit la réflexion, mais ses conséquences lui accordent aussitôt un sauf-conduit.
Même devant un Tsar aveugle, il faut s'incliner.