Les 79 pensées et citations de Paul Morand :
Les puissances d'argent possèdent le moyen de pétrir à leur façon l'opinion populaire, lui cachant ce qu'elle ne doit pas savoir, lui présentant sur chaque sujet l'attitude qu'on désire lui voir adopter, l'enfermant finalement dans un réseau dont elle ne peut se défaire et dont, à la longue, elle ne sent même plus la gêne.
Qu'est-ce que la vitesse sinon une course gagnée dont la solitude est le prix. On sème ses semblables. On les sème dans l'espoir que l'espèce n'en repoussera plus.
Tandis que les médecins veulent allonger la vie, les hommes veulent l'élargir en y faisant tenir de plus en plus de choses : vivre vite, c'est duper le sort, c'est vivre plusieurs fois.
Le voyage est chose malaisée ; l'amour est chose surhumaine : Essayer de combiner les deux, c'est jouer la difficulté.
II faudrait aimer, aimer éperdument, sans voir ce qu'on aime, car voir c'est comprendre et comprendre c'est mépriser.
Voyager, c'est demander d'un coup à la distance ce que le temps ne peut nous donner que peu à peu.
Mieux vaut vivre un seul jour de la vie d'un lion que cent ans de la vie d'une brebis !
L'amour est poison, les filles piquent comme le palmier nain.
Il n'y a qu'un centre à ma vie qui est moi-même.
La vie c'est la mort sans repos.
La femme est devenue agressive. Hier, dans Broadway, une vieille dame maigre, habillée comme la Vertu, massacrait une devanture à coups de parapluie ; tout le monde mit haut les mains, croyant à l'attaque d'une bijouterie ; ce n'était que la présidente d'une Ligue contre l'obscénité ; elle voulait démolir un mannequin de cire porteur de soutien-gorge, qui raccrochait les passants.
Dieu est seul juge, droit comme un fil à plomb !
Voyager, c'est être infidèle : soyez-le sans remords, oubliez vos amis avec des inconnus.
L'amour n'est pas un sentiment, c'est un art.
J'ai appris les langues étrangères pour ne pas parler français à l'étranger.
Individuellement les Français sont des êtres merveilleux, mais vus collectivement c'est terrible !
Les Portugaises ont de beaux yeux, et de loin elles sont éclatantes, mais on les trouve un peu moustachues de près et leurs jambes ne sont pas grandes.
Le sourcil est la corniche du front. Sans sourcil, le front descend en pente douce, trop douce, vers les yeux, eau pure qu'un rien suffit à rider ou à dérider, et qui reçoivent ainsi brutalement, sans transition, poussière et lumière.
Les femmes disent qu'elles se font belles pour plaire aux hommes. N'en croyez rien : les femmes obéissent à la mode, qui fait horreur aux hommes. Si j'embrasse ici la cause perdue des sourcils, c'est qu'il appartient à tout homme de défendre la beauté féminine contre les traîtres qui la desservent en prétendant la servir.
Se priver de sourcils, c'est se priver d'expression, c'est refroidir le regard, en effacer toute émotion en les rapprochant, on crie sa colère ou sa crainte; en les élevant, c'est la joie ou l'espérance qui descend sur le visage en jolis plis tuyautés.
L'avenir n'est que la suite d'un dialogue entre le présent et le passé.
D'une femme de mœurs légères, l'argot américain dit qu'elle a les talons ronds.
Comme c'est ennuyeux de vieillir quand on est vieux ; quand on est jeune, ça ne fait rien.
Les serrures invitent les voleurs.
L'amour paternel, comme le Créateur, prétend faire des êtres à l'image des parents ; l'amour conjugal leur accorde l'égalité, l'autonomie ; aussi est-il le seul parfait.
Il y a une façon charmante d'avoir des amants et il y a une façon ignoble d'en avoir.
– Maman, pourquoi est-ce qu'on se déguise en noir pour pleurer ?
Il y a des gens qui pourrissent sur place, de leur vivant.
On ne peut pas tout avoir, comme disent les gens qui ont tout.
Je ne puis pas briller aux repas, car pendant la première partie j'ai faim et pendant la seconde j'ai sommeil.