Les 82 pensées et citations de Philippe-Auguste de Sainte-Foy :
Souvent la prudence nous suggère des conseils pour les autres et ne régit pas notre conduite. C'est que l'esprit conçoit, discute, raisonne, et prononcer son jugement est tout ce qu'il peut faire ; mais le cœur commande selon le sentiment qui l'affecte, et lorsque l'un et l'autre sont en contradiction sur le précepte, le cœur oublie la leçon de l'esprit, ou la combat, et l'esprit n'est pas toujours le plus fort.
L'amour s'irrite par les obstacles tant qu'il a l'espoir de les surmonter. Il s'aiguise tant qu'il n'est pas mutuel. L'amour s'affaiblit par l'absence, il tiédit par l'habitude, et meurt enfin de langueur dans les bras de l'ennui qui lui ferme les yeux.
Le véritable amour est un penchant donné par la nature, réglé par la raison, justifié par la vertu : celui-là seul peut remplir notre cœur.
L'amour finit, l'amitié seule peut être éternelle. C'est que les désirs s'envolent avec les grâces, et que l'amitié marche d'un pas égal à côté de la vertu.
Les plaisirs forment des liaisons, l'ambition produit des intrigues, les goûts ou l'intérêt arrangent des sociétés. La vertu seule assortit et resserre les nœuds de l'amitié.
Qui dit Société, dit un nombre indéfini d'hommes qui habitent la même planète, qui se communiquent, dont chacun ne peut suffire seul à ses besoins, qui par conséquent dépendent tous les uns des autres. Cette dépendance entraîne nécessairement des devoirs mutuels, conformes à la loi divine, à l'utilité générale, et à l'agrément particulier.
Ne peut-on pas comparer le monde à un bal où l'on court perpétuellement les uns après les autres pour se connaître. Tant qu'on en reste à s'agacer, on se plaît. Si l'on se démasque, on se quitte ; et ces moments donnés à l'erreur, le philosophe les passe dans le repos.
L'adversité ne conduit les esprits faibles qu'au désespoir, ou à la superstition, mais elle ramène un esprit nerveux à la philosophie.
Il est peu d'âmes sur lesquelles les malheurs ne puissent rien. Encore faut-il dans ce petit nombre faire quelques distinctions, car souvent on prend pour de la philosophie ce qui n'est qu'une insensibilité naturelle. L'homme d'Ésope n'est pas si rare qu'on le pense.
Il arrive que l'adversité continuelle produise des moments de colère et même de fureur, alors c'est l'orgueil vaincu qui se révolte ; mais une nouvelle infortune le rejette dans le cachot, et raccourcit encore un peu plus sa chaîne.
Le plus sûr moyen de faire rentrer le luxe dans les bornes que lui prescrit la saine politique, et de rendre du nerf à l'État, est de ramener dans l'esprit des peuples le goût de l'agriculture par des récompenses proportionnées aux travaux. Le plus sûr moyen d'affaiblir un État, c'est d'avilir la condition du cultivateur.
La lecture est l'aliment de l'esprit, et quelquefois le tombeau du génie.
La dispute est à l'esprit ce que l'acier est au caillou, dont il tire des étincelles.
La discipline est le plus ferme appui de la liberté, car la discipline n'est autre chose que l'observation des lois.
La douceur est aussi souvent l'effet de l'indolence que celui de la tendresse.
La gentillesse est une clef qui ouvre tous les cœurs.
Les anciens avoient établi des droits d'hospitalité, ces droits passaient du père aux enfants, ils se contractaient de peuple à peuple, de famille à famille, et quelquefois d'une seule famille à un peuple entier. Il ne reste plus que le fantôme de cet antique usage. Quelques ordres conservent encore le nom d'hospitaliers, mais sans en conserver les fonctions.
Bien des gens attestent sur l'honneur à tout propos et sur des choses indifférentes. N'est-on pas bien près de se jouer de la chose, quand on profane ainsi le mot ?
Qui veut approfondir les hommes ne s'attend pas à tous les dégoûts qu'il se prépare.
L'infini est un, car s'il n'était pas un, il ne serait pas infini.
Ce n'est pas toujours assez d'être vertueux, la vertu a quelquefois besoin des richesses pour ne pas paraître dans un faux jour. L'opulence la sauve au moins des soupçons. L'opulence déguise bien les vices !
Le travail qui fournit le nécessaire, la philosophie qui apprend à se passer du superflu, voilà les véritables richesses.
Balancer entre la sagesse et la fortune était autrefois un déshonneur. Le siècle précédent en a mis le choix en question, le nôtre la décide.
Il faut être aujourd'hui ou bien riche ou bien fou, pour être, ce qu'on appelle, comme tout le monde.
La flatterie est une mine que creuse le vice pour faire écrouler la vertu.
Les petits font par ostentation ce que les Grands se croient obligés de faire par état. C'est une chimère bien dangereuse que ces prétendus devoirs d'état ; elle a plus ruiné de familles que la libéralité des Rois n'en a pu enrichir.
Est-il surprenant que tant de gens placent leur mérite dans leur faste ? Il est si commode d'avoir du mérite pour de l'argent !
Puisque l'expérience ne parle qu'aux sens, elle doit être aussi incertaine que le rapport des sens.
L'exagération touche également à la méchanceté et à la flatterie.
Qui veut faire le vrai bien de l'État doit plus songer à peupler les campagnes qu'à former de grandes villes. Se réduire à donner le spectacle d'une grande ville à l'étranger, c'est lui dire, voilà toutes nos richesses.