Titre : La séparation éternelle.
Recueil : Les poèmes et sonnets mystiques (1886)
Chassé par vos courroux bien loin de vos beaux yeux,
Si je soupire ainsi, non, ce n'est pas, madame,
De perdre pour un jour vos charmes captieux,
Car j'ai l'éternité pour l'amour de mon âme.
Mais notre cendre, après le trépas, homme ou femme,
Doit former d'autres corps et vivre en d'autres cieux,
Et, suivant sa nature, habiter, ombre ou flamme,
En des contours amers ou bien délicieux.
Votre corps si charmant, en ces métamorphoses,
Se verra resplendir dans la pourpre des roses
Ou dans le paon de jour, papillon enchanté ;
Et moi, livide sphinx, ou bien hibou nocturne,
Je vais vivre à jamais, loin de votre beauté,
Dans le sein ténébreux de la nuit taciturne.
Jacques Villebrune