Titre : L'absence.
Recueil : Les poèmes et sonnets du Mont-d'Or (1851)
Qu'es-tu pour l'amitié ? Daigne répondre, Absence !
Un grand mal, un grand bien ? Je n'en sais rien encor.
Un ami près de moi me paraît un trésor ;
Un ami qui s'éloigne avec ma souvenance
Me cause quelque joie et bien plus de douleur.
De ce que j'ai perdu je sens mieux la valeur.
Rien ne remplacera sa voix, ses traits, son geste.
Cependant il me quitte et la plume lui reste ;
Déjà sur le papier il a posé la main,
J'en recevrai sans doute une lettre demain :
Elle arrive, je l'ouvre, il me parle, j'écoute ;
Ses mots sont un nectar savouré goutte à goutte ;
Du plaisir que j'éprouve au ciel je rends honneur.
Sans toi je n'aurais pas, Absence, ce bonheur.
La vive affection durant ton cours s'inspire :
On écrit quelquefois ce qu'on ne saurait dire ;
Il est vrai que l'on dit ce qu'on n'écrirait pas.
Tour à tour je te hais ou vante les appas,
Absence ; si tu rends l'amitié plus sincère
Je t'excuse, et toujours sois courte pour me plaire !
Sophie Ballyat