Titre : L'enfant mourant.
Recueil : Les poésies et sonnets d'un voyageur (1844)
Ma mère, ma tendre mère, je suis las et le jour va finir ; 
Sur ton sein, quelque instant, laisse-moi m'endormir. 
Mais cache-moi tes pleurs, cache-moi tes alarmes, 
Tristes sont tes soupirs, brûlantes sont tes larmes. 
J'ai froid. Autour de nous, regarde : Tout est noir ; 
Mais lorsque je m'endors, c'est un bonheur de voir 
L'ange au front lumineux qui devant moi se lève, 
Et les rayons dorés qui passent dans mon rêve.
N'entends-tu pas des chants, des chants harmonieux, 
Tels qu'un jour nous devons en écouter aux cieux ? 
L'ange est à mes côtés, il m'appelle, il m'attire, 
Je l'entends qui me parle et je le vois sourire ; 
Je vois de tous côtés d'admirables couleurs ; 
C'est l'ange aux ailes d'or qui me jette des fleurs. 
Dans ce monde, ma mère, aurai-je aussi des ailes ? 
Ou bien faut-il mourir pour les avoir si belles ?
Pourquoi me presses-tu tristement dans tes bras ? 
Pourquoi ces longs soupirs que je ne comprends pas ? 
Pourquoi ces pleurs ardents sur ta joue enflammée ? 
Oh ! tu seras toujours, ma mère, bien aimée. 
Mais je t'en prie encor, ne pleure pas ainsi ; 
Si je te vois souffrir, hélas ! je souffre aussi. 
J'ai mal, et la douleur assoupit ma paupière. 
Adieu, l'ange m'embrasse ; adieu, ma pauvre mère.
Xavier Marmier (1808-1892)