On en sait peut-être assez si on sait qu'on ne sait rien.
L'absence prolongée est un dangereux essai de la mort.
L'amitié, exigeant essentiellement la réciprocité et une sorte d'égalité, ne saurait exister qu'entre deux heureux ou deux malheureux.
Le créateur suprême doit, ce semble, avoir d'ineffables tendresses, des indulgences infinies, pour l'âme passionnément éprise du livre inépuisable de sa création : livre superbe, dont notre esprit interroge les feuillets avec amour et tremblement, l'heure de comprendre n'ayant pas sonné encore.
Dès que les yeux voient trop clair, le cœur se sent pris de froid.
Sauf devant la loi, l'égalité est un rêve impossible : Dieu, en ne créant pas les intelligences égales, a tacitement démontré à l'humanité que l'inégalité est une des conditions de l'harmonie. Une simple unité, quelque belle qu'elle soit, ne saurait être un tout. Donc l'égalité absolue, se résumant en unités, serait fatalement un néant improductif.
Si on baillait son ennui, comme Châteaubriand prétend avoir baillé sa vie, on assisterait vraiment, en certains lieux, à un burlesque spectacle.
Le murmure du ruisseau est plus doux à l'oreille que la musique d'un poème sans idées.
L'esprit qui sait voir et observer se montre rarement indulgent, à moins d'appartenir à un très grand chrétien.
Certaines amitiés, trop légèrement ébauchées, passent du cœur comme notre image passe du miroir qui l'a un instant reflétée.
Les illusions, une fois fanées, ne refleurissent non plus que la plante desséchée.
Tout bonheur humain que l'on cherche à cueillir, comme la rose, a ses épines.
Tout ce qui dissipe l'âme l'attriste.
L'égoïsme de ceux à qui nous nous dévouons se fait parfois amusant à force d'être extrême.
Quand le monde a cessé de plaire et que l'on doit cependant encore y paraître, la sensation de traverser la terre des vivants en fantôme glace le sang dans les veines.
La faculté qui nous interdit les illusions, même quand nous aurions l'ardente fantaisie de nous laisser doucement tromper, est une faculté terrible.
L'amour humain n'est le plus souvent qu'un rêve maladif ou une chimère.
Celui qui doute est celui qui souffre.
Le je ne sais quoi d'insaisissable, d'incompréhensible, qui sépare une âme et un esprit d'une autre âme et d'un autre esprit, devrait être une barrière infranchissable pour les êtres de bon sens. Il ne faut pas chercher à réunir ce qu'une puissance occulte a résolu de séparer.
Peut-être l'unique moyen de moins souffrir est-il de vivre hors de soi.
En vieillissant on aime les jeunes, non seulement parce qu'ils sont jeunes, mais encore et surtout parce qu'ils ne nous forcent pas, comme nos contemporains, à mesurer, par un attristant changement, la distance qui nous sépare de notre propre jeunesse.
La défiance est un triste symptôme de l'état moral d'une nation : la défiance étouffe les plus nobles élans, décourage les esprits. Partout et toujours enfin, la vanité des vaincus a crié et criera à la trahison.
Aux femmes perdues par les hommes reste le repentir ; aux hommes galvaudés par les femmes il ne reste que le ridicule.
Les intimités brisées ne se renouent jamais avec solidité et agrément : les nœuds gâtent toutes les trames.
L'acceptation du malheur est moins douloureuse encore que la recherche du bonheur.
Combien de moroses personnages s'étonnent de n'être point aimés sans rien faire pour mériter l'affection qu'ils prétendent désirer !
Le mensonge ne part pas de la langue, mais de l'esprit et du cœur de l'homme.
L'unique et douloureux bonheur possible ici-bas est peut-être de ne pas croire à ce que les jeunes et les naïfs appellent le bonheur, en un monde où se fane tout amour.
Malheur à qui s'avise d'espérer la reconnaissance d'un service rendu et de croire à l'affection de l'obligé ! Le bienfait reçu irrite plus souvent qu'il n'attache ; mais peu importe à qui sait faire le bien parce que le bien est bon, et qu'il est bon d'être bon.
Certains bonheur sont composés de tant de douleurs, qu'ils exciteraient plus de pitié que d'envie, si le voile brillant dont ils sont enveloppés venait à se soulever tout à coup.
A moins d'avoir à causer d'un objet particulier, deux femmes s'aiment rarement assez pour se plaire dans le tête-à-tête.
L'orgueil humain est à peu près toujours chose monstrueuse, mais doublé de la vanité, il devient éléphant ou baleine.
La politique est la cuisine favorite du diable.
Une certaine moralité rigide n'est souvent que la très hypocrite sœur de la vengeance.
L'amant est, en général, le premier châtiment de l'amour.
Les épines du mal sont plus acérées que les épines de la vertu.
Il est toujours facile d'aimer les bêtes pour l'amour d'elles-mêmes : il est parfois difficile d'aimer l'humanité autrement que pour l'amour de Dieu.
Les êtres totalement incapables de se plaire en leur propre compagnie demeurent d'ordinaire toujours prêts à imposer leur pâle présence à autrui.
Ce n'est pas l'esprit que nous pouvons avoir que goûtent nos interlocuteurs, mais bien l'esprit que nous leur prêtons.
L'unique façon pour une femme de vieillir aimable et aimée, utile et secourable aux jeunes, est de se souvenir toujours des idées et des goûts de sa jeunesse tout en sachant garder la dignité de son âge.
Ceux qui ont souffert savent généralement préserver leurs aimés de la douleur. Heureuses les filles dont les mères n'ont pas été heureuses !
Plaindre autrui est endormir sa propre peine.
Ne dédaignons pas les miettes dans une vie, elles valent parfois mieux que les gros morceaux.
Si l'on savait comme il est facile et doux d'être bon, nul ne consentirait à rester méchant.
La science et la réflexion inspirent un caractère d'incertitude aux actes et aux œuvres de l'homme. La jeunesse, qui sait peu, réussit parce qu'elle sent et ose plus qu'elle ne pense ; la vieillesse, au contraire, pense trop pour avoir l'audace d'oser.
En France, peut-être l'unique liberté inaliénable est-elle la liberté du rire.
II y a des dons auxquels on ne saurait échapper ; le sens poétique est un de ces dons.
La vie est trop courte pour la perdre en des études superflues ; si l'on ne se dépêche d'apprendre on se trouve vieux sans avoir rien su.
Heureux celui qui n'aperçoit les grandeurs que dans le lointain, comme une montagne qu'on ne voudrait pas franchir.
Ce n'est ni dans les richesses ni dans le tumulte qu'on peut être heureux, mais dans la société de quelques livres et de quelques amis.
Il n'appartient qu'aux femmes de se montrer suprêmement impertinentes sans jamais perdre la mesure.
En l'amour plus de deuil que de joies.
La femme a besoin d'estimer ou d'admirer l'homme auquel elle appartient afin de l'aimer à plein cœur ; l'homme n'a besoin que de se trouver flatté à son gré pour se persuader qu'il aime et surtout qu'on l'adore.
L'unique amour qui laisse un durable parfum dans le cœur des hommes est l'amour qu'ils ont rêvé, mais non point possédé.
Si vous voulez être aimé, commencez vous-même par aimer, puis encore... soyez aimable.
De même que le réveil dissipe les beaux songes de la nuit, le bonheur n'est ici-bas qu'un rêve trop vite effacé par la réalité.
Le monde n'est qu'un trompeur : il prend ce qu'il ne donne jamais ; il paraît un faisceau de fleurs lorsqu'on ne le voit que dans le lointain, et sitôt qu'on l'aperçoit de près, ce n'est plus qu'un buisson d'épines.
S'ennuyer est chose dure, mais ennuyer les autres est chose redoutable et terrible.
Les oisifs sont la plaie de ceux qui savent se dépenser.
Craindre l'inconstance est déjà en souffrir.
L'élégance, cette fille de l'art, ne dépend nullement de la richesse : la preuve en est que l'on voit parfois le luxe le plus écrasant manquer totalement d'élégance.
Ôter l'idée de l'immortalité de l'âme à la race humaine, ce serait vouer certains hommes à la révolte et à la sauvagerie par un effroyable désespoir.
L'amour est un perpétuel espoir entretenu par le désir.
A mesure que l'on vieillit on aime d'autant plus la jeunesse que l'on se rapproche d'elle, toujours davantage, en marchant vers la jeunesse éternelle.
Il vient une saison où chacun de nous ne devrait plus songer qu'à lisser les plumes de son âme, afin que rien ne puisse arrêter son vol vers le ciel.
Rien ne peut réellement honorer ni élever l'homme, en dehors des actes et des choses qui procèdent de lui-même ; il n'est donc au pouvoir de personne d'abaisser qui ne veut pas être abaissé.