Les 145 pensées et citations de Christian Bobin :
Je veux passer ma vie à lire des poèmes en attendant que le grand Poète me cueille.
Lire quand on est enfant, c'est quitter sa famille et devenir jeune mendiant, tendre la main aux princes de passage. C'est aller en Sibérie, avec loups et cris de neige, si loin que votre mère ne vous retrouvera plus, criant « à table » dans le désert, loin, très loin du petit contemplatif aux yeux brun-vert gelés comme un lac.
La lecture est un billet d'absence, une sortie du monde.
La femme pour un homme, c'est ce qu'il y a de plus loin au monde.
Se quitter soi-même, la seule manière de tout quitter.
Une belle vie, c'est une vie où on a beaucoup souffert.
La beauté vient de l'amour ; l'amour vient de l'attention.
La beauté est une guérison de l'esprit par aggravation de son mal.
Après les nuages, ce qu'il y a de plus beau au monde c'est un livre.
L'amour comme la mort simplifie, le vrai nom de l'amour est la simplicité.
Il y a ainsi des gens qui vous délivrent de vous-même aussi naturellement que peut le faire la vue d'un cerisier en fleur ou d'un chaton jouant à attraper sa queue. Ces gens, leur vrai travail, c'est leur présence.
C'est une chose étrange que l'absence. Elle contient tout autant d'infini que la présence. J'ai appris cela dans l'attente, j'ai appris à aimer les heures creuses, les heures vides : c'est si beau d'attendre celle que l'on aime.
Ceux qui savent nous aimer nous accompagnent jusqu'au seuil de notre solitude puis restent là, sans faire un pas de plus. Ceux qui prétendent aller plus loin dans notre compagnie restent en fait bien plus en arrière.
L'intelligence, c'est l'amour avec la liberté.
L'intelligence n'est pas affaire de diplômes.
Le cœur, c'est une intelligence qui peut venir même aux imbéciles.
L'amour donné un jour, c'est pour toujours qu'il est donné.
Le silence est l'épée des mères lunatiques.
Des savants ont écrit que, moins un mot était prononcé, plus il se faisait entendre, car, assuraient-ils, ce qui ne peut danser au bord des lèvres, s'en va hurler au fond de l'âme.
L'amour est manque bien plus que plénitude, l'amour est plénitude du manque.
Rien n'est plus désolant que ces gens qui ne disent et ne font jamais rien de « déplacé ». Certaines personnes recitent leur vie comme une leçon apprise par cœur, sans jamais faire la moindre faute. Je ne sais pas ce qui est le pire – de ne s'adapter en rien au monde, ou de s'y adapter en tout, des fous ou des gens dits convenables, convenus. Je sais que j'ai moins peur des fous, je crois qu'ils sont bien moins dangereux.
Le bonheur va avec le malheur, la joie va avec la peine.
Le génie est composé d'amour, d'enfance et encore d'amour.
Les enfants, ce n'est pas sorcier, ça pousse à travers nos erreurs.
L'absence d'un mort nous inonde de sa présence, et nous le rend encore plus cher.
Quinze secondes de pureté par-ci, dix autres secondes par-là : avec un peu de chance il y aura eu dans ma vie, quand je la quitterai, assez de pureté pour faire une heure.
Qui n'a pas connu l'absence ne sait rien de l'amour.
L'esprit est au corps ce qu'est l'abeille à la ruche : toujours en dehors, toujours à l'aventure d'un parfum ou d'un songe. L'esprit va en avant-garde dans le monde. La chair fait son miel avec ce que lui ramène l'esprit. La chair se nourrit des substances prélevées par l'esprit dans le monde éternel, la chair se nourrit de pureté et de vérité.
L'amour vient sans raison, sans mesure, et il repart de même.
Je pense à quelque chose, mais je ne sais pas à quoi.