Un esprit n'est supérieur que par son élévation, sa profondeur ou son étendue. Un esprit élevé est la caractéristique du poète ; un esprit profond, celle du philosophe ; un esprit étendu, celle du savant. Il y a, en outre, l'esprit abondant qui joue tantôt l'élévation, tantôt la profondeur, tantôt l'étendue, et qui est la caractéristique de l'orateur !
La morale n'est que le règlement des bonnes mœurs dans un pays et dans un temps déterminés, pas autre chose. Mais, comme ce règlement varie peu d'un siècle à l'autre, comme il est à peu près le même pour tous les pays également civilisés, on dit qu'il est universel et on le croit préétabli.
S'intéresser à tout ou se désintéresser de tout, ce sont là deux manières de pratiquer la vie. La première la fait mieux passer ; la seconde, la fait moins regretter. Quelle est la plus raisonnable ? Celle qui convient le mieux à notre tempérament.
Nous dépendons du hasard jusque dans notre propre volonté qu'il suggère, alors même qu'il devrait ensuite la contrecarrer. Notre prétendu libre-arbitre n'est donc qu'un arbitre serf du hasard.
Être arrogant, c'est révéler sottement son infériorité en s'imaginant paraître supérieur.
Au fur et à mesure que le corps la distille, notre âme est bue par le mouvement de la vie.
Le plus grand art de la vie est peut-être de se contenter du peu qu'on a ou qu'on peut avoir, de se fabriquer de la joie avec des riens.
L'amour est au vrai la possession réciproque, toujours constante et paisible, mais momentanément avivée par les sens, d'un homme et d'une femme qui s'estiment et se satisfont de tout leur être. Le reste usurpe le nom d'amour.
Il est dommage que l'infini, d'ailleurs bientôt fini de l'amour, résulte d'une opération qui, pour douce et savoureuse qu'elle soit, n'en est pas moins abjecte et ridicule.
Les misères de la vie sont les circonstances atténuantes de la mort.
Les choses de ce monde n'ont qu'un pivot : la conjonction des sexes.
L'Infini lui-même n'est qu'une bagatelle pour nous autres humains qui sommes si vite finis.
On est parfois tout étonné de trouver, chez les gens qu'on estime le plus, des côtés gredins.
Les conditions dans lesquelles les hommes accomplissent leur évolution respective sont le plus souvent si différentes, les unes étant fort douces et les autres très dures, qu'il serait souverainement injuste de juger du mérite d'aucun d'eux par son succès, et voilà pourtant ce que fait le monde.
On doit, en toute circonstance, compter avec la bêtise humaine.
Les gens d'esprit doivent pratiquer l'ésotérisme le plus hermétique à l'égard des imbéciles.
De ce qui n'est rien en soi l'illusion fait notre tout.
Une angoisse entre deux néants : Telle est la vie !
Impérieux par tempérament, servile par intérêt : voilà l'homme !
On ne saurait évaluer ce que perd la Société à négliger des forces pour employer des faiblesses, à fouler de ses pieds bêtes des philosophes qui régleraient supérieurement sa marche, pour se laisser conduire par des aventuriers n'ayant le plus souvent ni tête, ni cœur.
L'instinct est presque toujours la boussole qui dirige notre volonté sur l'océan de la vie.
Quand on aime réellement, on aime jusqu'aux infirmités de l'objet aimé.
L'homme reste toute sa vie enfant, mais avec l'âge il va toujours changeant d'enfantillages.
Il ne faut pas s'étonner que dans le monde on aime tant la comédie et les comédiens. Le monde lui-même n'est qu'un vaste théâtre mutuel, où l'on n'est possible qu'à la condition de se créer sans cesse une personnalité factice, c'est-à-dire de renoncer à être soi pour jouer des rôles.
Les personnalités brillantes ressemblent à ces pièces d'artifice qui, après avoir jeté un éclat plus ou moins grand et plus ou moins long, s'éteignent tout à coup, ne laissant de tant de mouvement et de lumière qu'une carcasse inerte et sombre.
Si l'homme, au lieu d'être éphémère, selon l'apparence, est évolutif, selon la foi, la personnalité de l'altruiste doit croître à son insu, dans l'évolution, et celle de l'égoïste y diminuer, et c'est aussi bien la récompense du premier que le châtiment du second.
Les vaniteux n'ont qu'un objectif : Faire du plus de gens qu'ils peuvent des supports de leur personnalité insupportable.
L'âme ne commence à être grande que quand la tient le désir de disséminer sa vaine personnalité dans la conscience impersonnelle.
Ce qui constitue la personnalité de l'homme, c'est une mixture de son naturel avec l'emploi qu'en font les circonstances.
Il n'y a rien de plus significatif que la Mort, soit qu'elle ferme l'horizon de l'homme, soit qu'elle le rouvre. C'est pourquoi ceux qui, sans la craindre, ne s'en préoccupent pas, au point même d'y tout rapporter, eussent-ils la réputation de gens d'esprit, sont des imbéciles.
Que de choses à jeter de celles dont nous avons l'âme pleine et encombrée : nos vanités, nos ambitions, nos envies, nos rancunes, les trois quarts et demi de notre moi !
Il y a certainement moins de crânerie que d'imbécillité chez la plupart de ces mondains dont la vie s'achève en des éclats de rire.
Les plus grands génies humains qui dominent de si haut le reste des hommes sont dans un état d'absolue imbécillité relativement aux génies interplanétaires, si tant est qu'il en existe.
Ne trompe jamais une attente légitime, fût-ce celle d'un chat !
User des formes, épuiser des forces, c'est le métier de la Nature.
La nature s'alimente des existences qui finissent.
On se trouve toujours fort bien de dissimuler sa rancune à la personne qui en est l'objet, mieux encore de la dissimuler à celle qui en est le sujet, c'est-à-dire à soi-même.
Même vaincue provisoirement l'idée, en définitive, triomphe du fait.
Si tu ouvres au mal la porte de ton imagination, il franchira celle de ton cœur.
L'imagination est un capital d'un grand rapport, quand on sait le placer. Il donne aux gens d'esprit la plupart des jouissances que les imbéciles ne peuvent obtenir qu'à prix d'argent... et beaucoup moins vives.
On a compromis la renommée, au point d'en dégoûter les honnêtes gens.
L'idéal est la fleur mystique du réel.
En amour, la force d'expansion marque la valeur de l'homme ; la force d'attraction, celle de la femme.
Pour la bien tenir en équilibre, les gens avisés règlent leur vie autant qu'il dépend d'eux, d'après une moyenne de sentiments et d'idées contradictoires.
Mieux avisés encore que ceux qui prennent les devants sur leurs concurrents dans la lutte pour une vie sitôt passée, sont ceux qui les prennent dans le classement, même hypothétique, de l'éternité.
Tout est contradictoire chez la femme et chez l'homme, jusqu'au besoin d'amour qui se manifeste chez elle par de la vacuité, chez lui par de la plénitude.
Quelle honteuse contradiction, si fréquente en politique, de se montrer souverainement injuste envers ceux dont on réclame plus de justice !
Quiconque fait le tour d'une idée la voit changer d'aspect jusqu'à la contradiction radicale, et c'est de quoi désespérer un vrai penseur.
En parlant de la raison vous parlez de la vôtre, sans doute ? Mais il existe quelque part et même partout une autre raison qui lui fait contrepoids. Que dis-je ? La contradiction a lieu au sein de votre propre raison, car, quel que soit l'argument qu'elle soulève en elle-même, un autre argument le fait retomber.
Il semble que notre être, dans l'instant si rapide et comme fuséen où l'amour l'épanouit, s'arrache de nous-même pour se jeter à l'être antagoniste.
À tout bout de champ, quelque rapide que soit notre marche, la Mort, toujours sur nos talons, nous dépasse et semble nous narguer, jusqu'à ce qu'elle se décide, une bonne fois, à nous barrer le chemin.
L'âme, ce fruit immatérialisé du corps, peut bien après tout, s'il ne tombe pas, être enlevé dans une cueillette divine.
Dans le milieu où évoluent les hommes, les esprits sont très denses, et il leur arrive comme aux corps que les plus épais et les plus brutaux empiètent sur la place des plus subtils et des plus discrets, mais tout esprit, qui a su s'élever au-dessus des multitudes, a l'infini pour se mouvoir.
Pratiqué par l'homme, l'amour est un petit suicide temporaire et sommaire ; par la femme, un accroissement de substance.
Tout essai de synthèse tend à nous rapprocher de la nature divine et à nous y faire participer, Dieu n'étant que la synthèse même des choses.
Il se met aussitôt une rouille interne infiniment plus dévorante que la rouille externe du fer à tout ce qui procède de l'homme.
Moralement nous ressentons beaucoup de tangage et de roulis dans toute la traversée de la vie, et c'est le plus clair de nos impressions.
À prendre les choses au mieux, à les envisager du point de vue spiritualiste, ou plus spécialement, du point de vue chrétien, la douleur serait donc le véhicule nécessaire de l'âme allant vers Dieu. Cela suffit à établir que notre pessimisme, inébranlablement fondé sur l'incroyance, s'étayerait au besoin sur la foi.
Il est doux d'être courtisé, dur d'être courtisan, et tantôt l'un, tantôt l'autre, d'être courtisane.
Une âme souple se plie au contour des autres âmes, ne fût-ce que pour en prendre l'empreinte.