Un rien, une grimace, suffit pour amuser la sotte populace.
Le moindre soupçon est regardé comme un outrage ; il détruit l'enthousiasme, blesse l'amour-propre, et presque toujours allume le désir de la vengeance.
La susceptibilité qu'engendre l'amour-propre est le ver rongeur du savant, de l'homme de lettres, de l'artiste. C'est ce qui corrompt les charmes qu'il trouverait dans l'amour de l'étude.
La susceptibilité naturelle ou factice est un moyen dont l'égoïsme se sert très habilement pour arracher de nombreuses concessions, de nombreux sacrifices.
Empressez-vous d'imposer silence à l'amour, car lorsqu'il parle bien haut, la sagesse se tait.
Il arrive assez généralement que l'on juge d'une manière défavorable les projets et les actions de l'homme de génie, et que même on cherche à les couvrir de ridicule. Cela me parait tout simple : ils sont trop loin de la portée du vulgaire pour qu'il en arrive autrement, mais l'expérience vengeresse met les choses à leur place ; et les nains qui s'étaient ralliés en foule sous les bannières de l'envie sont contraints, tôt ou tard, de tomber aux pieds du grand homme que la gloire destine aux hommages de la postérité.
Le passé s'embellit, à nos yeux, des ennuis du présent.
Méfiez-vous de tout homme qui vient vous dire avec assurance : Moi qui suis jurisconsulte, moi qui suis financier, moi qui suis homme d'État, moi qui suis homme de guerre, moi qui suis littérateur, etc. vous pouvez être convaincu d'avance que c'est un charlatan qui vous trompe, ou bien un sot qui se trompe lui-même.
Des gens qui confondent tout dans leur esprit, parce que jamais ils ne remontent au principe et à l'origine des choses, ne cessent de déclamer contre les lumières du siècle. Ils feraient bien mieux, ce me semble, de les mettre à profit : elles nous coûtent assez cher pour ne pas les dédaigner.
La misanthropie et l'égoïsme sont ordinairement les tristes fruits de l'expérience, mais lorsqu'on les a recueillis, on doit être assez sage pour se retirer dans la solitude ; on n'est plus fait dès lors pour la société.
Le malheur qui remplace la prospérité nous fait seul entendre le langage de la vérité.
En faisant du bien à quelqu'un, c'est trop souvent un esclave qu'on veut acheter.
La vertu factice s'étale et se pavane, la vertu réelle se couvre, en quelque sorte, d'un voile ; elle a sa pudeur ; il faut qu'on sache la deviner.
Le critique qui n'a jamais publié de livres se montre d'autant plus sévère qu'il n'a point de représailles à craindre.
L'œil de la police est fort utile dans un État, mais ses mains y sont de trop.
Le passé ne nous appartient plus, et l'avenir ne nous appartiendra peut-être jamais. La sagesse consiste donc à jouir du présent sans se livrer à des regrets superflus ou bien à des craintes chimériques.
Si le pouvoir se fourvoie et tombe dans le précipice, ce n'est jamais à ses fausses mesures, à sa maladresse, qu'il s'en prend, mais bien à l'opposition qui lui signalait le danger lorsqu'il était encore possible de l'éviter.
La patience est le guide le plus sûr dans le chemin de la fortune.
Pour réussir auprès des hommes, il faut savoir les étonner et captiver sans cesse leur attention.
Rarement celui qui fait une découverte en recueille les fruits : il faut, pour être inventeur, un grandiose qui ne s'accorde guère avec les soins de détail dont presque toujours dépend le succès de nos entreprises. La fortune, j'entends la richesse, n'est pas souvent compagne du génie.
La plupart des gens qui se récrient si haut contre les abus seraient fort aises d'en avoir le monopole, ils en veulent, non la destruction, mais le déplacement.
Il est plus facile de consumer le temps que de le bien employer.
Donnez un bon conseil à un ingrat, et bientôt il vous le reprochera.
Il faut bien de l'esprit pour être ignorant sans se donner jamais de ridicule.
Quelques biens qu'un homme ait amassés, quand il mourra, il n'emportera rien avec lui.
Le savoir-faire contribue plus encore à la célébrité que le savoir.
Cachez vos faiblesses, non sous le voile de l'hypocrisie, mais sous celui de la pudeur.
Les petites considérations sont les entraves habituelles du génie.
Qui s'afflige d'avance s'afflige deux fois.
Le plus brillant protecteur ne vaut pas un ami du cœur.
Les gens qui se vantent le plus sont généralement ceux qui ne font rien.
Rien ne console de la calomnie comme le mépris qu'elle inspire.
Sans l'impudence et l'audace, l'esprit de bien des gens serait au-dessous de zéro.
La mémoire est rarement le miroir fidèle du passé.
En ce monde égoïste et corrompu, les abus se déplacent, mais ils ne s'extirpent point.
Il n'est pas de plaisir plus doux que de faire des heureux.
Les plus chauds partisans de l'égalité sont presque toujours ceux qui convoitent avec le plus d'ardeur une place dans les rangs supérieurs.
Ce qui venge le pauvre laborieux des mépris du riche oisif, c'est l'ennui.
Le savant de fraîche date est un gueux revêtu qui nous fatigue de ses richesses.
Faire des sottises au lieu d'en dire, voilà trop souvent ce qui distingue l'homme d'esprit du sot.