Quand les bras travaillent beaucoup, l'imagination se repose ; quand le corps est bien las, le cœur ne s'échauffe pas.
Les coups que je reçois ont beau blesser ma personne, pas un n'arrive jusqu'à mon cœur.
Qui voit faire un tort sans le dénoncer est plus coupable encore que celui qui l'a commis.
Les pays où les supplices sont le plus terribles sont aussi ceux où ils sont le plus fréquents ; de sorte que la cruauté des peines ne marque guère que la multitude des infracteurs, et qu'en punissant tout avec la même sévérité l'on force les coupables de commettre des crimes pour échapper à la punition de leurs fautes.
Tout ce qu'on dit ne signifie rien si l'on n'a préparé le moment de le dire. Avant de semer il faut labourer la terre : la semence de la vertu lève difficilement, il faut de longs apprêts pour lui faire prendre racine.
La terre ouvre son sein fertile et prodigue ses trésors aux heureux peuples qui la cultivent. Elle semble sourire et s'animer au doux spectacle de la liberté ; elle aime à nourrir des hommes. Au contraire, les tristes masures, la bruyère et les ronces qui couvrent une terre à demi déserte annoncent de loin qu'un maître absent y domine, et qu'elle donne à regret à des gens quelques maigres productions dont ils ne profitent pas.
C'est en vain qu'on cherche au loin son bonheur quand on néglige de le cultiver en soi-même, car il a beau venir du dehors, il ne peut se rendre sensible qu'autant qu'il trouve au-dedans une âme propre à le goûter.
Cent fois le jour, quand je suis seule, un tressaillement me saisit comme si je te sentais près de moi. Je m'imagine que tu tiens mon portrait, et je suis si folle que je crois sentir l'impression des caresses que tu lui fais et des baisers que tu lui donnes ; ma bouche croit les recevoir ; mon tendre cœur croit les goûter.
Je ne suis jamais moins seul que quand je suis seul, disait un ancien. Moi, je ne suis seul que dans la foule, où je ne puis être ni à toi ni aux autres.
Un jugement incertain et un cœur facile à séduire rendent les hommes faibles et petits. Pour être grand, il ne faut que se rendre maître de soi. C'est au-dedans de nous-mêmes que sont nos plus redoutables ennemis.
Un honnête homme n'aura jamais de meilleur ami que sa femme.
L'apparente facilité d'apprendre est cause de la perte des enfants. On ne voit pas que cette facilité même est la preuve qu'ils n'apprennent rien. Leur cerveau lisse et poli rend comme un miroir les objets qu'on lui présente ; mais rien ne reste, rien ne pénètre. L'enfant retient les mots, les idées se réfléchissent : ceux qui l'écoutent les entendent, lui seul ne les entend point.
Si l'amour est le plus délicieux sentiment qui puisse entrer dans le cœur humain, tout ce qui le prolonge et le fixe, même au prix de mille douleurs, est encore un bien.
Qu'est-ce qui rend les amitiés si tièdes et si peu durables entre les femmes ? Ce sont les intérêts de l'amour, c'est la jalousie des conquêtes.
La conscience est le plus éclairé des philosophes : on n'a pas besoin de savoir les offices de Cicéron pour être homme de bien ; et la femme du monde la plus honnête sait peut-être le moins ce que c'est que l'honnêteté.
À certain âge, tous les hommes sont à peu près le même homme, toutes les femmes la même femme ; toutes ces poupées sortent de chez la même marchande de modes, et il n'y a guère d'autre choix à faire que ce qui tombe le plus commodément sous la main.
La vie est un bien qu'on ne reçoit qu'à la charge de la transmettre ; quiconque eût un père est obligé de le devenir. Il est difficile que le célibat, si contraire à la nature, n'amène pas quelque désordre public ou caché. Comment pouvoir échapper toujours à l'ennemi qu'on porte sans cesse avec soi ?
Il y a des occasions où un fils qui manque de respect à son père, peut en quelque sorte, être excusé ; mais si, dans quelque occasion que ce fût, un enfant était assez dénaturé pour manquer à sa mère, à celle qui l'a porté dans son sein, qui l'a nourri de son lait, qui, durant des années, s'est oubliée pour ne s'occuper que de lui, on devrait se hâter d'étouffer ce misérable, comme un monstre indigne de voir le jour.
La véritable politesse consiste à marquer de la bienveillance aux hommes.
La force de l'âme éclaire l'esprit, étend le génie, et donne de l'énergie.
Un riche, un grand n'a de véritable ami que celui qui n'est pas la dupe des apparences, et qui le plaint plus qu'il ne l'envie, malgré sa prospérité.
Nul honnête homme ne peut jamais se vanter d'avoir du loisir tant qu'il y aura du bien à faire, une patrie à servir, des malheureux à soulager.
Un excès de délicatesse n'offense que les cœurs qui en manquent.
Trop souvent la raison nous trompe, mais la conscience ne nous trompe jamais ; elle est le vrai guide de l'homme ; elle est à l'âme ce que l'instinct est au corps.
La paix de l'âme consiste dans le mépris de tout ce qui peut la troubler.
Plus le corps est faible, plus il commande ; plus il est fort, plus il obéit. Toutes les passions sensuelles logent dans des corps efféminés ; ils s'en irritent d'autant plus qu'ils peuvent moins les satisfaire.
Le faste n'excite tout au plus qu'une admiration froide et stérile, il ne charme jamais.
À moins qu'un homme ne soit un monstre, la douceur d'une femme le ramène, et triomphe de lui tôt ou tard.
Le bonheur n'est pas une chimère, lorsqu'on le cherche dans son propre intérieur, et non hors de soi. Il faut, pour le trouver, n'avoir aucun reproche à se faire, et voir les défauts et les vice des hommes, sans leur en vouloir plus de mal.
Jeune instituteur, je vous prêche un art difficile, c'est de gouverner sans préceptes, et de tout faire en ne faisant rien. Cet art, j'en conviens, n'est pas de votre âge ; il n'est pas propre à faire briller d'abord vos talents, ni à vous faire valoir auprès des pères ; mais c'est le seul propre à réussir. Vous ne parviendrez jamais à faire des sages, si vous ne faites d'abord des polissons.
Quand le bien surpasse le mal, la chose doit être admise malgré ses inconvénients ; quand le mal surpasse le bien, il la faut rejeter même avec ses avantages.
Tel croit être un bon père de famille, et n'est qu'un vigilant économe.
Le tyran est celui qui s'ingère contre les lois à gouverner selon les lois.
Il n'y a rien de plus incommode que le faste.
L'adversité sans doute est un grand maître, mais ce maître fait payer cher ses leçons.
Je ne connais point d'autre bonheur que de vivre indépendant avec ceux qu'on aime.
Il y a deux sortes de jalousies : l'une est délicate, et on ne l'a que parce qu'on ne s'estime pas assez soi-même ; l'autre est grossière, et on ne l'a que parce qu'on n'estime pas assez l'objet qu'on aime : cette jalousie est une injure, et l'autre une preuve d'attachement.
Quand on est déterminé à rompre avec une personne qu'on a aimée, il ne faut point réfléchir ni sur sa résolution, ni sur les motifs qui engagent à la prendre : il faut s'occuper de toute autre chose que de ce qui a rapport à l'objet aimé. Cette division affaiblira la passion et donnera du courage et des forces pour la vaincre entièrement et sans retour. On n'est radicalement guéri que quand on ne désire et qu'on ne craint plus rien à cet égard.
L'amitié est le trésor le plus précieux et le plus rare de la vie. Un véritable ami partage mes plaisirs et mes peines ; il tolère mes défauts, et n'a point de lâche complaisance pour eux. Il ne me fait point de protestations continuelles de zèle, mais il me marque, dans toutes ses actions, un tendre et sincère attachement. C'est mon intérêt qu'il désire, et qu'il cherche préférablement au sien.
Ô quel bien fait nécessairement à ses semblables, celui d'entre eux qui ne leur fait jamais de mal ! De quelle intrépidité d'âme, de quelle vigueur de caractère il a besoin pour cela ! Ce n'est pas en raisonnant sur cette maxime, c'est en tâchant de la pratiquer, qu'on sent combien il est grand et pénible d'y réussir.
Plus on a de sentiments, plus on s'aperçoit qu'on n'en trouve que très rarement ailleurs. La comparaison qu'on fait de soi aux autres est un amour-propre raisonnable et nécessaire, qui dédommage du peu de retour qu'on éprouve dans l'amitié; et c'est une espèce de consolation, lorsqu'on est affligé, de ne trouver que de l'indifférence de la part de ceux sur le cœur de qui on avait des droits bien fondés.
La loi qui sert de sauvegarde à la tyrannie est plus funeste que la tyrannie elle-même.
Le remords s'endort durant un destin prospère, et s'aigrit dans l'adversité.
Un amour affamé ne se nourrit point de sermons.
Ne faites pas seulement l'aumône, faites la charité ; les œuvres de miséricorde soulagent plus de maux que l'argent.
Qui de vous n'a pas regretté cet âge où le rire est toujours sur les lèvres.
Tous les sentiments que nous dominons sont légitimes, tous ceux qui nous dominent sont criminels.
C'est à la coupelle de l'adversité que la plupart des amitiés s'en vont en fumée.
Il n'y a point de bonheur sans courage, ni de vertu sans combat.
Le plus malheureux effet de la politesse d'usage est d'enseigner l'art de se passer des vertus qu'elle imite.
Les observations fines sont la science des femmes.
L'enfance est le sommeil de la raison.
Si l'on pouvait prolonger le bonheur de l'amour dans le mariage, on aurait le paradis sur la terre.
Les égards sont l'effet de la justice, et les attentions de la reconnaissance et de l'amitié.
La seule punition de s'être aimés est l'obligation de s'aimer à jamais.
La véritable politesse consiste à marquer de la bienveillance aux hommes, elle se montre sans peine quand on en a. C'est pour celui qui n'en a pas qu'on est forcé de réduire en art ses apparences. Qu'on nous inspire dans l'éducation l'humanité et la bienfaisance, nous aurons de la politesse ou nous n'en aurons pas besoin.
L'homme bon tire le bien qu'il fait de son cœur, et non de sa bourse. Il donne aux malheureux son temps, ses soins, ses affections, sa personne ; et, dans l'estimation de ses bienfaits, à peine ose-t-il compter pour quelque chose l'argent qu'il répand sur les indigents.
Employons à nous rendre bons et heureux le temps que perdent les philosophes à chercher comment on doit l'être, et proposons-nous de grands exemples à imiter, plutôt que de vains systèmes à suivre.
Une des erreurs de notre âme, est d'employer la raison trop nue, comme si les hommes n'étaient qu'esprit. En négligeant la langue des signes qui parlent à l'imagination, l'on a perdu le plus énergique des langages.
Dites ce qui est vrai, faites ce qui est bien. Ce qui importe à l'homme, est de remplir ses devoirs sur la terre. C'est en s'oubliant qu'on travaille pour soi.
Quiconque raille un homme qu'il dit aimer, est assurément un effronté menteur.
Si vous voulez corriger quelqu'un d'un défaut, ne l'en raillez jamais, vous le révolterez au lieu de l'instruire. La leçon ne profite pas quand on méprise celui qui la donne.
Pour faire écouter ce qu'on dit, il faut se mettre à la place de ceux à qui l'on parle ; il faut être homme pour savoir parler au cœur humain.
Ô parents ! l'exemple ! l'exemple ! sans cela on ne réussit à rien auprès des enfants.
Apprenez-moi à quel crime s'arrête celui qui n'a de lois que les vœux de son cœur, et ne sait résister à rien de ce qu'il désire. Il n'y a point de bonheur sans courage, ni de vertu sans combat. La force est la base de toute vertu. La vertu n'appartient qu'à un être sensible par sa nature, et fort par sa volonté. C'est en cela que consiste le mérite de l'homme juste.
Le désordre et la fantaisie n'ont point de bornes, et font plus de pauvres que les vrais besoins.
La vanité de l'homme est la source de ses plus grandes peines. Il n'y a personne de si parfait, de si fêté, à qui elle ne donne encore plus de chagrin que de plaisir, et si jamais la vanité fit quelque heureux sur la terre, à coup sûr cet heureux-là n'était qu'un sot.
Jamais les cœurs sensibles n'aimeront les plaisirs bruyants, vain et stérile bonheur des gens qui ne sentent rien, et qui croient qu'étourdir sa vie c'est en jouir.
Si nous nous contentions d'être ce que nous sommes, nous n'aurions point à déplorer notre sort, mais pour chercher un bien-être imaginaire, nous nous donnons mille maux réels. Qui ne sait pas supporter un peu de souffrance, doit s'attendre à beaucoup souffrir.
Les illusions de l'orgueil sont la source de nos plus grands maux, mais la contemplation de la misère humaine rend le sage toujours modéré.