Le plus terrible ennui et le plus difficile à guérir est celui d'une âme blasée, dégoûtée de tout.
La reconnaissance, cette dette qu'une âme généreuse aime à avouer et à acquitter, et qu'un cœur égoïste ou orgueilleux porte avec chagrin. L'ingrat finit toujours par vouloir du mal à celui qui l'a obligé.
Un bienfait reçu excite dans toute âme honnête une disposition favorable au bienfaiteur et le besoin de lui rendre ce qu'elle en a reçu. Au sentiment de la reconnaissance se mêle toujours l'obligation morale de restituer.
La volonté, c'est l'âme voulant, l'âme en acte ou à sa première puissance.
Le berceau et la tombe se correspondent comme les deux pôles de la vie terrestre. Ils ont l'un et l'autre un caractère sacré ; car ils renferment un mystère. Ils sont au fond la même chose à deux époques diverses, sous deux formes différentes ; car l'homme naît pour mourir et meurt pour renaître.
La vie se compose en général de petites choses. Cependant les petites choses finissent par en faire de grandes, comme les gouttes de pluie forment les ruisseaux, et les ruisseaux, des fleuves. Fidèle dans les petites choses, on apprend à le devenir dans les grandes, et c'est vraiment par elles que nous nous élevons ou nous dégradons peu à peu ; car elles forment les habitudes, bonnes ou mauvaises, d'où viennent les vertus et les vices.
L'habitude du mal, qui constitue le vice, se contracte insensiblement par des actes échappés à une conscience légère, entraînée par les sens, par la concupiscence, par l'occasion. En se répétant, ces actes sillonnent la vie, comme la goutte d'eau tombant incessamment creuse la pierre ; et souvent on se trouve engagé et lié avant même de soupçonner le vice, dont on est l'esclave.
L'esprit humain cherche instinctivement la vérité, comme l'âme cherche le bien, comme le corps cherche sa nourriture.
La témérité, c'est l'audace entachée d'imprudence.
La bravoure, la valeur, la fermeté, l'intrépidité, sont des qualités louables ; l'audace est bonne ou mauvaise, selon le motif ; la témérité, même heureuse, est toujours blâmable.
Le suicide est une injustice, car celui qui s'ôte la vie dispose de ce qui ne lui appartient pas. Il est, de plus, une absurdité, parce que, en aucun cas, il n'améliore la position qu'il change.
Oui, le suicide est une grande injustice, mais ce n'est point envers nous-mêmes : c'est envers Celui qui nous a donné la vie et les moyens de vivre, qui nous a assigné une destination, en nous fournissant les instruments nécessaires pour l'accomplir, et qui nous demandera compte un jour de ce qu'il nous a donné.
La perfection des sociétés est en raison de ce qu'elles font pour le développement humain dans toutes ses directions et surtout sous le rapport intellectuel et moral.
Dans tous les temps, le silence discret et la tempérance dans le discours ont été regardés comme un signe de sagesse. Celui qui aspire et travaille sérieusement à son perfectionnement moral s'efforce de mettre une garde sur ses lèvres et un frein à sa langue.
Le respect de la loi implique le respect du pouvoir chargé de l'exécuter, et qui en est le délégué.
La religion établit et consolide le monde moral, comme la gravitation fonde et soutient le monde physique.
La reconnaissance est la pierre de touche des belles âmes.
Le but de la pitié est de soulager celui qui souffre ; la pitié factice s'arrête à l'émotion agréable que donne l'apitoiement, et ne va pas au but.
Le désir de tout faire pour Dieu et en vue de Dieu, réalisé par les œuvres et confirmé par l'habitude, constitue la piété, la plus excellente des vertus, parce qu'elle comprend tous les sentiments de religion et de charité, et la plus utile à l'homme, puisqu'elle le rapproche de Dieu et tend à l'y unir par l'amour.
La pensée est presque devenue une manufacture, et le travail scientifique et littéraire s'exploite aussi avantageusement que toute autre industrie. Dans un tel état de choses, l'erreur ayant les mêmes droits de paraître que la vérité, le vrai et le faux, le bien et le mal, l'utile et le nuisible roulant pêle-mêle au milieu de la société, la liberté d'écrire et d'imprimer devient une cause de troubles, de désordres et d'immoralité.
La passion a deux racines : l'une dans le moi qui l'éprouve, l'autre dans le non-moi qui la cause.
La parole humaine prend un caractère sacré, un sens profond, quand elle est la pure expression du vrai ; sans le vrai, elle est un vain son, une cymbale retentissante, et, si elle va contre le vrai, elle est un désordre et une dépravation.
Il y a une mort de l'âme, de l'esprit et du corps, parce qu'il y a une vie de l'âme, de l'esprit et du corps. La mort de l'âme est causée par la cessation de son rapport avec Dieu.
Unie au talent et au mérite, la modestie rehausse l'homme et le fait aimer de ses semblables, dont il ne choque point les prétentions.
La misanthropie qui part de l'orgueil produit l'endurcissement du cœur ; elle est aussi contraire aux progrès intellectuels qu'au perfectionnement moral de l'individu.
Persuadé que rien de bon ne peut venir des hommes, le misanthrope les sent et les juge à travers cette prévention ; il y a là une espèce d'idée fixe qui dégénère facilement en folie ; on remarque, en effet, que tous ceux qui sont affectés de misanthropie ont quelque chose de faussé dans l'esprit et dans le cœur.
La misanthropie est une espèce de haine de l'humanité, qui porte à fuir les hommes par mépris, par méfiance ou par crainte.
Une mère tendre et ferme à la fois, qui sait tempérer l'amour par le devoir, est le salut et la gloire de la famille.
Le mensonge officieux est toujours un mal en soi ; la nécessité ne peut que l'excuser.
Le mensonge est illicite, même dans la plaisanterie et dans l'ironie, qui en tirent le plus souvent leur finesse et leur sel.
Tout homme doit être soldat du bien contre le mal.
Le traitement charitable des serviteurs, s'il n'était le devoir des maîtres, serait encore leur intérêt bien entendu ; car l'amour excite l'amour, et l'on ne sert bien que celui qu'on aime.
La justice ne suffit pas entre les maîtres et les serviteurs ; il faut encore l'humanité, et plus que l'humanité, la charité.
Il n'y a de bons serviteurs que là où il y a de bons maîtres.
La liberté morale est le pouvoir de vouloir conformément ou contrairement à la loi ; en d'autres termes, de choisir entre le bien et le mal.
La liberté est la volonté dirigée par l'intelligence discernant par la pensée avant de choisir ou de décider.
L'instinct est l'expression spontanée de la nature de chaque être, il tend naturellement et irrésistiblement vers ce qui est nécessaire pour entretenir et développer la vie ; il tend sans connaissance, sans direction libre, par la seule impulsion du besoin qui va droit au but.
L'ingrat ne peut supporter la présence ni le souvenir de celui qui lui a rendu service ; car il y trouve une cause d'humiliation qui irrite son orgueil ou un reproche qui tourmente sa conscience.
Quand un bienfait est méconnu ou payé d'ingratitude celui qui a été obligé devient souvent l'ennemi de son bienfaiteur. Il semble que le bien reçu tourne en poison dans le cœur de l'ingrat, comme le rayon solaire dans les plantes vénéneuses qui le pervertissent en se l'assimilant.
On ne devient vraiment humble que par la patience, et la patience implique la soumission à une force supérieure : c'est pourquoi l'humilité s'acquiert par la souffrance. Elle est avec la foi le fondement de la perfection chrétienne.
Le propre de l'habitude est d'émousser les impressions et d'aviver les actes. Plus on répète un acte, mieux on l'exécute ; plus une émotion se renouvelle, moins elle a de force.
Dans l'ordre moral, la foi est pour nous la condition de toute lumière et de toute puissance.
Le fanatisme est l'abus le plus terrible du sentiment religieux parce qu'il en est la perversion la plus profonde.
L'esclavage de l'homme est toujours illégitime parce qu'il est contraire à la nature humaine, qu'il tend à détruire en la dégradant. Il ne peut s'établir et se soutenir que par la violence. C'est aussi par la violence qu'il finit le plus ordinairement.
Après la mort de l'âme, l'esclavage est le plus grand dommage que la personne morale puisse souffrir.
Les meilleures leçons de morale pour l'enfant sont celles qu'il reçoit de ses égaux.
L'envie est une conséquence ordinaire de l'émulation malheureuse.
L'amour de la gloire est tellement essentiel à l'émulation qu'on ne peut l'exciter, même chez les enfants, qu'en entourant le prix disputé de l'éclat d'une couronne.
Une mauvaise direction, imprimée dès le bas âge, est difficilement redressée. Les défauts de la première éducation sont ce qu'il y a de plus tenace ; ils persistent toujours au fond, sous le vernis dont on les recouvre plus tard, sous les formes plus ou moins gracieuses qui les masquent.
Le devoir accompli fonde le droit ; il n'y a pas de devoir sans la connaissance de la loi, et point de droit sans l'accomplissement du devoir, sans l'acceptation et l'observance de la loi.
La charité est une affection et une vertu exclusivement chrétiennes : c'est la sympathie élevée à sa plus haute puissance, transfigurée, glorifiée ; c'est l'amour pur et universel, l'amour de Dieu dans le cœur de l'homme.
Les besoins spirituels sont encore plus impérieux que les besoins du corps, car ils ont l'infini pour objet, et leur faim n'est jamais complétement assouvie.
L'avarice, ce fanatisme de la propriété, est peut-être la seule passion qui ne soit pas désabusée d'elle-même aux approches de la mort.
L'athéisme, ou ce qu'on donne pour tel, est presque toujours le travers d'un esprit faux dominé par une idée fixe ; c'est une espèce de monomanie.
L'amour de soi, inné au cœur de l'homme, est tempéré, contrebalancé par l'amour des autres, qui a aussi sa racine naturelle dans notre âme.
L'amour-propre peut avoir d'heureux effets quand il est bien placé. Le grand art de ceux qui gouvernent est de prendre les hommes par ce côté et de leur faire accomplir de grandes choses qu'ils n'exécuteraient jamais par un motif plus élevé.
Rien n'est plus respectable qu'une paternité digne et consciencieuse qui règle la tendresse naturelle par le sentiment du devoir, modère l'instinct par l'obligation morale.
L'amour maternel est le mobile le plus fort et le plus constant du cœur de la femme.
Obéissance et confiance, amour et crainte, sont les éléments de la piété filiale.
L'amitié est un des biens les plus excellents dont l'homme puisse jouir sur cette terre. L'amitié a son prix dans toutes les situations de la vie : elle augmente le bonheur, elle diminue le malheur, elle fortifie la faiblesse, elle excite le courage, elle rend l'espérance, elle élargit le cœur, elle épure et agrandit les affections, elle apprend à aimer de cet amour sublime qui s'universalise dans la charité.
La véritable amitié a sa racine dans les âmes. Elle part d'une estime réciproque, née dans l'épreuve que deux âmes ont faite l'une de l'autre, d'où provient une confiance sans bornes et un libre épanchement de l'affection.