Le véritable amour vit d'enthousiasme et de sacrifice ; il brûle de se dévouer ; il se défend de l'égoïsme.
Il n'y a pas plusieurs espèces d'amours : il n'y a que l'amour. N'est-ce pas toujours une seule cause qui agit, quel que soit celui qui aime et quel que soit l'objet de l'amour ? Cette cause, que les savants ont définie par l'hypothèse de l'attraction universelle, est la même qui fait graviter les uns vers les autres les astres dans les cieux et les cœurs sur la terre. Que ce phénomène, chez les êtres vivants, se complique d'une infinité de sensations d'ordre d'autant plus élevé que leur constitution est plus complexe, cela ne change rien à sa nature. Et pour ce qui concerne nos amours humaines, où voit-on qu'il y ait une différence d'origine entre l'amour d'un père pour ses enfants, celui du citoyen pour sa patrie, celui du chrétien pour le fondateur de sa religion, celui du poète pour l'idéal ? Partout, c'est cette puis- sante et mystérieuse attraction qui sollicite les êtres et les pousse irrésistiblement, sans qu'ils puissent, le plus souvent, donner à leur enthousiasme d'autre raison, sinon qu'ils aiment. Et si nous voulons faire des différences de degré, ne mettrons-nous pas le plus haut l'amour de l'homme pour la femme et celui de la femme pour l'homme, amour qui met en jeu l'ensemble complet de nos sensibilités ? La femme que j'aime est à la fois pour moi ma famille, ma patrie, ma divinité, mon idéal ; elle me fait éprouver toutes les sensations réunies de toutes les amours possibles ; je ne saurais plus rien faire, plus rien penser, plus rien désirer qu'elle n'illumine de sa présence ; elle est ma vie ; elle est la vie.
Le temps procure la paix à l'âme humaine, mais il prend sa commission, l'usure.
Comment se fait-il que j'aie supporté pendant dix ans un mari qui m'est si étranger ? L'habitude nous maîtrise : on commence à céder par bienveillance, on continue par amour de la paix ; jusqu'au moment où l'exaspération même de cette résignation déchaîne une tempête d'autant plus violente qu'elle a été plus longtemps retenue. Il y a des jours où je suis sur le point de haïr mon mari. Ce que je sais, en tout cas, c'est que je ne l'aime plus. L'ai-je jamais aimé ?
L'égoïste est un homme qui non seulement n'aime et ne satisfait que lui, mais entend imposer ses goûts et ses doctrines, et n'admet pas qu'on puisse se mouvoir dans un autre ordre d'idées que le sien.
Ne vois-tu pas que notre situation est celle de deux plantes qui végètent côte à côte parce que quelque hasard les a fait pousser dans le même terrain ? Nous habitons la même maison, nous mangeons à la même table, mais nous ne nous sommes point nécessaires l'un à l'autre. Il n'existe pas entre nous cette attraction invincible qui lie fatalement deux êtres et ne peut sans déchirures épouvantables être contrariée ou rompue. Tu m'aimes, je t'aime, comme on aime un appartement lorsque l'on y est confortablement installé et que l'on a l'horreur des déménagements.
L'esprit de l'enfant est une pâte plus ou moins fine, que l'éducation manipule plus ou moins habilement, et que la vie cuit avec plus ou moins de succès, quand elle ne la fait pas sauter.
Beaucoup d'hommes apprécient plus la grâce que la beauté, la coquetterie que la grâce, l'effronterie que la coquetterie, l'impudence que l'effronterie, la perversité que l'impudence.
Un bon cœur, une fois plein de la seule chose qui puisse le remplir, l'amour, il lui semble qu'il retrouve le bonheur qu'il avait perdu, le bonheur avec ses périls, c'est vrai, mais avec sa souveraine vitalité, son éternelle jeunesse. Il ne conçoit plus qu'on discute l'amour : il n'aspire qu'à aimer.
Les plus sensibles désillusions sont celles de l'amour-propre ; les plus cruelles, celles de la conscience.
Trop de raison jette sur les sentiments une disgrâce.
La plupart des hommes ne tiennent à l'honneur que pour en couvrir leur malhonnêteté.
Se venger d'un sot par un mot d'esprit, c'est décocher une flèche à un rhinocéros.
Tel se venge des femmes par le mépris. Qui s'en vengera par le silence ?
Nos mérites, nos désirs, nos prétentions et jusqu'à nos fautes, nous faisons tout entier dans le piédestal de la statue que nous nous élevons à nous-mêmes.
Il n'y a ni à comprendre, ni à connaître la femme : il n'y a qu'à la goûter.
Le souvenir des plus cruelles souffrances morales ou physiques est moins désagréable que celui de minimes piqûres de l'amour-propre.
La profondeur n'exclut pas l'esprit : elle le rend profond.
Un sourire du cœur se répercute toujours sur les lèvres : rarement un sourire des lèvres se répercute dans le cœur.
L'amour consiste pour l'homme à deviner la femme, pour la femme à comprendre l'homme.
Il n'y a pas de faillites en littérature, il n'y a que des banqueroutes.
Quand on mêle le devoir à l'amour, l'idée du devoir finit par absorber l'idée de l'amour.
Il y a deux sortes d'inégalités : les inégalités artificielles et les inégalités naturelles. L'égalité consiste à supprimer les inégalités artificielles au profit des inégalités naturelles.
Il faut savoir se décider, fût-ce pour le mal.
Savoir porter la laideur est un grand art chez une femme ; c'est plus qu'un art, c'est une vertu.
La laideur n'est pas un vice, c'est une tare.
On invite toutes les fées au baptême de la vie. La seule qu'on n'invite pas et qui se venge, c'est la patience.
Il n'y a pas d'ambition qui n'ait coûté mille fois plus de bonheur qu'elle n'en procure.
On peut guérir d'un amour, mais on ne guérit pas de l'amour.
Il faut traiter les passions comme certaines maladies : les couper à leur début, ou alors les laisser couler.
Le goût est moins une supériorité de l'esprit qu'une délicatesse de l'âme.
Une excessive sensibilité témoigne plus de nerfs malades que de délicatesse de cœur.
L'étendue de l'esprit ne préjuge en rien sa profondeur.
L'imbécillité contemporaine détourne du présent les esprits délicats.
Une idée exprimée simplement s'expose toute nue à l'admiration ou aux outrages.
L'homme est un mystère pour la femme, la femme une énigme pour l'homme.
Pour être très fort en amour deux conditions sont nécessaires : espérer tout et n'ignorer rien.
La vie n'est ni un mal, ni un bien : c'est une nécessité heureuse ou malheureuse.
Il est préférable de vivre la vie que de vouloir la comprendre.
La vie est une attente perpétuelle de ce qui peut être.
Ceux qui vivent seuls sont des délicats de l'âme, mais des grossiers du cœur.
Il n'y a qu'une excuse à l'ingratitude, mais elle est bonne : C'est l'humiliation que l'on éprouve d'avoir été obligé.
On ne goûte pas toujours ce qu'on admire, et encore moins ce qu'on aime.
L'intégrité n'est la suprême habileté que quand on a l'habitude de la faire valoir.
Le sot se venge brutalement, l'homme d'esprit se venge avec raffinement, le chrétien se venge en pardonnant, le philosophe ne se venge pas.
Un caractère violent est un caractère faible.
On ne convie guère le public à sa vengeance, lorsque l'insulte a trop bien porté.
Les grands chrétiens croient moins en Dieu qu'au juste ; les petits chrétiens croient moins au juste qu'en Dieu.
Celui qui s'ennuie seul avec lui-même doit bien penser qu'il ennuie aussi les autres.
La beauté d'un sentiment nous illusionne souvent sur sa légitimité.