Ceux qui vivent seuls sont des délicats de l'âme, mais des grossiers du cœur.
Il n'y a qu'une excuse à l'ingratitude, mais elle est bonne : C'est l'humiliation que l'on éprouve d'avoir été obligé.
L'intégrité n'est la suprême habileté que quand on a l'habitude de la faire valoir.
Le sot se venge brutalement, l'homme d'esprit se venge avec raffinement, le chrétien se venge en pardonnant, le philosophe ne se venge pas.
Un caractère violent est un caractère faible.
On ne convie guère le public à sa vengeance, lorsque l'insulte a trop bien porté.
Les grands chrétiens croient moins en Dieu qu'au juste ; les petits chrétiens croient moins au juste qu'en Dieu.
Celui qui s'ennuie seul avec lui-même doit bien penser qu'il ennuie aussi les autres.
La beauté d'un sentiment nous illusionne souvent sur sa légitimité.
Ah ! Madame, mieux vaut être malheureux par l'amour que vivre sans amour. Aimer est le salut des âmes. Pour quelques-unes, c'est le calvaire ; mais même pour celles-là, les pures joies du sacrifice compensent encore les douleurs du supplice. Qu'avons-nous à faire sur la terre, sinon de faire passer notre âme par ces divines flammes qui l'épurent et la rendent apte aux plus hautes fonctions ? Sommes-nous des animaux pour borner notre activité à paître, boire et dormir ? Sommes-nous des machines pour exécuter quotidiennement le travail nécessaire et rester inertes une fois cet infime labeur accompli ? Non, nous sommes des créatures morales, destinées à acquérir par le moyen de la vie une conscience toujours plus complète de nous-mêmes ; nous avons une individualité psychique à dégager des tourbes de la matière par l'emploi des puissances spirituelles et sensibles de notre être ; nous devons nous créer, comme pour un avenir incommensurable, une vitalité supérieure et féconde, source éternelle de possibilités merveilleuses. Que toutes nos facultés soient mises en œuvre pour cela, la pensée, la volonté, notre sens du beau et du bien, mais surtout l'amour, qui les confond dans une sphère souveraine. Car aimer, c'est à la fois penser, vouloir, comprendre ce qui est beau et ce qui est bien : c'est vibrer à l'unisson de l'univers, c'est tendre à Dieu.
À défaut de l'originalité de l'esprit, on arbore celle des mœurs.
Il n'y a de vraiment digne que le travail libre, celui que l'homme entreprend poussé par un seul instinct d'activité, sans y être contraint par la nécessité de gagner sa vie.
Avec la tolérance, on gagne en sagesse ce que l'on perd en énergie.
Tolérer les idées d'autrui est la marque d'un esprit faible.
Le cœur a ses prodigues et ses avares, il a aussi ses économistes qui le discutent comme un budget.
La fortune aide les audacieux, mais elle ne trahit qu'eux.
En morale, comme partout, il ne s'agit pas de juger, mais d'expliquer.
La vie est un miroir qui reflète le visage dont on la regarde.
Modérer ses appétits, surtout ses appétits spirituels, est la première condition d'une bonne hygiène.
L'inquiétude du penseur est plus noble que la certitude du simple.
Les inquiétudes de la conscience sont les aphrodisiaques de l'âme.
Rien n'est moins digne de sympathie qu'une sensibilité qui n'est pas doublée de charité.
Il faut agir avec prudence, et ne s'engager dans une partie délicate qu'avec des garanties.
Mépriser les souffrances du cœur ne veut pas dire ne pas souffrir, mais garder son sang-froid dans la souffrance.
L'envie est la seule passion qui ne procure aucune jouissance.
Il y a des hommes qui ne peuvent supporter la coquetterie ; pour eux une femme coquette est un démon. Moi qui suis persuadé qu'une femme est toujours un démon, j'aime autant un démon coquet qu'un autre.
Ne jamais penser qu'au moment présent lorsqu'on est heureux, et qu'à l'avenir quand on est malheureux, est un excellent précepte de vie.
La moquerie est le fait d'esprits superficiels, égoïstes et vaniteux.
Le remords est une faiblesse qui perd certains criminels, une habileté qui en sauve d'autres.
Les grandes passions sont l'indice de petits caractères ; mais les petits caractères n'ont pas toujours de grandes passions.
La franchise du caractère en met encore plus en relief les défauts que les qualités.
Nous nous jugeons sur nos qualités ; les autres nous jugent sur nos défauts.
Les égoïstes de la sensibilité agacent plus qu'ils n'émeuvent.
Trop de gens ne font du mariage qu'une affaire et engagent leur existence sans engager aussi leur cœur.
On n'est pas toujours le fils de son père, mais on est toujours le père de son fils.
Les trois grandes puissances de l'homme sont : l'ambition, l'amour-propre et l'intérêt.
Je ne suis pas de ces femmes qui se figurent qu'un autre homme peut faire oublier à une épouse l'homme qu'elle aime et qui la trahit ; car il n'y a aucune chance que le second vaille mieux que le premier et l'inévitable troisième que le second.
Les hommes déchaînent souvent de grands maux pour la défense de petits intérêts.
On croit par habitude ; on ne croit pas par indifférence ; on ne croit plus par fatigue.
Les hommes en racontent beaucoup plus qu'ils n'en ont fait, et les femmes beaucoup moins.
Le mariage rompt de pernicieuses habitudes pour en faire contracter de déprimantes.
J'ai fait ce rêve, Madame, de vous aimer. Ne vous écriez pas, ne dites pas un mot ! Laissez-moi pour une minute au moins l'illusion de croire que mes paroles ne tombent pas comme une vaine graine sur une bruyère rebelle. Vous me pardonnerez ensuite, si je suis coupable. J'ai donc fait ce rêve, et ce rêve, depuis huit jours qu'il dure, remplit ma vie, se gonflant de mirages toujours plus charmeurs, roulant dans un ciel toujours plus doré. J'étais triste ; depuis longtemps mon cœur ne battait plus, me semblait mort. Un autre se serait peut-être félicité d'un état qu'il se serait plu à considérer comme le calme. Moi-même, j'essayais de me dire : C'est le repos pour ce pauvre cœur passionné ! Mais je sentais un vide affreux où sombrait misérablement mon âme. Vous m'êtes apparue. Oh ! ce fut un bouillonnement de mon être entier, qui se reprenait bruyamment à vivre. Une ferveur de joie m'envahit. L'amour, car c'était l'amour irrécusablement, opérait en moi une seconde création, qui me surprenait par sa richesse et sa puissance. Tout le vieux monde fut oublié : une révélation m'apportait le salut. Je m'agenouillai, comme un converti devant le miracle qui le dote d'une foi. Comment m'exprimer plus dignement pour définir le sentiment d'adoration qu'instantanément votre vision fit surgir en moi ? J'étais l'homme nouveau dont parle l'Evangile, mes yeux s'ouvraient, je voyais. Ah ! comme je maudis l'abîme qui nous séparait ! Mais l'amour, l'amour divin, ne suffit-il pas à combler les abîmes ? Si j'en crois le ravissement qui me transporte, à l'idée que je suis ici à répandre à vos pieds le flot de ma dévotion, c'est l'ère du bonheur et de la grâce qui commence pour moi. Non seulement j'aime, mais je veux aimer ; c'est tout mon désir qui s'élance vers vous. Le seul fait de vous aimer, sans savoir encore si vous répondrez à cet amour, loin de m'être une souffrance, me constitue la suprême félicité. Que vous soyez la vierge intangible ou la femme qui se donne, vous demeurez la divinité secourable, qui avez prononcé le mot qui sauve, et soufflé dans mon cœur l'étincelle de la vie.
Le cœur est un volcan, dangereux quand il est en activité, laid quand il est éteint.
Qui prête au pauvre prête à Dieu ! Mauvais placement : le débiteur pourrait bien être insolvable.
La mélancolie n'atteint que ceux qui regardent en arrière. Regarder en avant, tout est là ! Et l'on s'en aperçoit vite, dès qu'une passion naissante prend en victorieuse possession de ce cœur béant, lui apparaissant tout à coup, à lui qui niait, évidente comme la révélation, irrésistible comme le salut.
Chacun touche sur la vie les intérêts du capital qu'il a risqué.
Le principal mérite d'une femme n'est-il pas dans cette image pure d'elle-même qu'elle dresse dans les esprits ? Elle prédispose ainsi à l'adoration. Rien de matériel ne s'attache à sa personne. Elle peut s'idéaliser sans peine, et, lorsqu'elle provoque l'amour, c'est dans ce qu'il a de noble, de consolant, de saint. L'homme qui a déjà beaucoup aimé réclame de plus en plus l'amour qui élève.
Le mariage est un gage sur lequel on cherche à emprunter de l'amour.
Il y a plus de joie au ciel pour un pécheur qui s'amende que pour mille justes qui persévèrent.
Les gens sont mauvais sans s'en douter. C'est si simple d'exécuter son prochain en riant !
Il y a, hélas ! beaucoup de misère dans le monde ; mais quand par la naissance, la fortune, l'éducation, on appartient aux classes privilégiées, que l'on n'a eu ni chagrins sérieux, ni contrariétés humiliantes, et que l'on jouit d'une bonne santé, il faut avoir l'esprit vraiment mal tourné pour ne pas être charmé de l'aventure.