Imaginer, c'est construire avec des images.
Dès que l'homme vrai se montre, l'homme fictif intéresse beaucoup moins.
Quel est le comble de l'art du chirurgien ? — C'est de panser des idées.
Quel est le comble de la propreté ? — C'est d'essuyer des revers.
Il est bon d'avoir beaucoup lu, mais il est meilleur d'avoir beaucoup vu.
Commence toujours par estimer les hommes à qui tu parles, il sera toujours temps ensuite de les mépriser.
En matière de gouvernement, nous n'avons bien souvent guère de choix qu'entre le mauvais et le passable.
Nos rêves de vie ressemblent à ces hautes montagnes qui apparaissent si belles dans l'éloignement et dans la brume argentée de l'horizon : à peine, hélas ! en gravit-on les sommets, qu'il faut se hâter d'en redescendre.
J'ai toujours été sensible aux plaisirs du toucher ; l'odorat ne m'a pas donné moins de jouissances. Les impressions reçues par ces deux voies restent si étroitement associées, dans mes souvenirs d'enfant, à celles de la vue et de l'ouïe, que je ne saurais guère, aujourd'hui encore, évoquer les unes sans les autres.
La facilité du divorce aura fait plus de blessures qu'elle n'en aura guéries.
Les naïfs soufflent dans le vent pour le pousser ; les habiles, pour qu'il les pousse.
Le plus sûr moyen de ne pas se surestimer soi-même, c'est de se connaître mieux.
La naissance est pour un peu dans les aptitudes, et une culotte usée sur les bancs de l'école ne fait pas un savant.
Une sottise n'est bien souvent une sottise que dans la bouche d'un sot.
Dieu ne fait pas tous les pauvres, dit un proverbe ! Oui, mais il fait tous les imbéciles.
Il n'est pas d'homme inutile, mais les gens bornés méprisent les travaux dont ils ne savent pas estimer l'utilité. Le monde offre un étrange spectacle : la qualité de l'un y est le défaut de l'autre ; la rêverie de l'artiste ferait la ruine de l'épicier ; l'employé qui trouve son râtelier tout garni ne supporterait pas la pensée de l'aléa où se plaît le commerçant, et la « culotte de peau » méprise le « rond de cuir ». Peut-être l'esprit le plus resserré a-t-il aussi ses échappées ! Au demeurant, chacun s'arrange pour vivre et y réussit tant bien que mal.
Individu ou peuple, l'affaire est de se battre et de n'être point battu.
L'industrie à outrance réaliserait ce paradoxe économique, de donner à quelque cent millions d'hommes un superflu misérable, en les privant chaque jour du nécessaire.
L'intuition est la vision anticipée d'une vérité : hypothèse pour le savant, rêverie pour le poète.
Force est bien de nous régler sur l'expérience du passé, mais l'expérience de l'avenir n'est pas encore faite.
Je m'étonne de la quantité de choses auxquelles peut croire un homme qui dit ne croire à rien.
Ni la solidarité ni la justice ne supposent ou n'exigent l'égalité, qui n'existe pas. L'égalité ! Tous les faits nous disent le contraire. Est-ce qu'on parie contre un pur-sang pour une rosse ?
Les vrais savants, les vrais artistes, sont des jouisseurs de nature singulière ; ils sacrifient à l'émotion d'un spectacle intérieur les biens que le vulgaire recherche, et ils passent pour des inutiles aux yeux des ignorants envieux, pour des naïfs aux yeux des hommes d'argent, incapables de jamais comprendre les joies de l'intelligence.
L'homme veut toujours plus de bien-être et moins de bienfaits.
Nos pensées pénibles sont comme les mouches : on les chasse, mais elles reviennent.
Les convictions fermes n'ont d'autre fondement que le vain souci de rester dans leur erreur.
Le choc de deux orgueils est parfois tragique ; la dispute de deux vanités n'est que ridicule.
Si je me mêle à la vie, j'en exagère l'importance ; et si je m'en éloigne, l'insignifiance.
Je n'aime guère à disputer sur l'art. Une œuvre d'art vaut pour moi par l'émotion qu'elle me donne, et je n'ai pas l'habitude de raisonner mes émotions. Je m'y abandonne.
La caresse d'un être aimé endort notre douleur mieux que tous les raisonnements du monde.
Vivre, c'est philosopher. C'est aussi résoudre, en quelque façon, les grands problèmes de la morale et de l'esthétique ; chacun de nous, qu'il les sache ou les ignore, les débrouille à sa mode, parce qu'il les pratique.
Le progrès ne se fait qu'avec de l'ordre, et il modifie l'ordre continuellement.
L'indulgence véritable aux fautes d'autrui est un heureux profit de la sévérité envers soi-même.
À chaque famille qui s'éteint, c'est une force sociale qui se perd.
La colère est une faiblesse qui humilie, quand elle n'est pas une erreur que l'on regrette.
Le jaloux que sa passion prend tout entier croit sentir sans cesse l'ombre de quelqu'un passer sur lui, et l'obsession pénible qu'il en a peut grandir jusqu'à la fureur ou à la haine.
Ni tous les vivants ne méritent leur renommée, ni tous les morts leur oubli.
Rien ne se perd, tout se transforme. Mais pour nous, changer, c'est finir.
La beauté réside dans la forme ; la grâce dans les mouvements, le charme dans l'expression.
Les seuls points communs à tous les hommes : la naissance, puis la mort.
L'admiration est une émotion autant qu'un jugement.
Rien ne dure est une vérité qu'on oublie trop.
L'excès de louange, c'est une brèche à la gloire.
La pire misère est qu'on se console de la mort de ceux qu'on a aimés.
Sachons gré à certaines gens de nous estimer assez pour être ingrats.
À ne vouloir être que soi, on finit pas être moins que soi.
À l'ordinaire, bon sens passe bon cœur.
Le désir et l'aversion règlent la balance de la vie.
Ce qui rend un homme intolérant, ce n'est pas la qualité de sa doctrine, mais l'assurance qu'il a de posséder la vérité. À quels excès ne vient point un « libre-penseur », dès qu'il a foi en lui-même e si peu qu'il ait quelque âcreté dans le sang !
La grande affaire est de vivre : il faut bien que tous nos systèmes s'en arrangent.