Les abus qui ne sont pas commis par mauvaise volonté peuvent l'être par erreur ; ceux qui ne le sont pas par les chefs, le seront par les subalternes ; ceux qui ne le seront pas par les administrateurs actuels, peuvent l'être par leurs successeurs.
Personne n'est assez grand pour être à l'abri de la haine d'un homme, ni assez petit pour n'être pas digne de celle de son flatteur.
Que reste-t-il au traître démasqué, quand celui même qui le payait craint de se déshonorer en lui donnant un asile ?
A quels dieux immole-t-on ce qu'il y a de plus rare et de plus doux sur la terre, l'amitié ? Non, hélas ! à la vanité, à l'intérêt.
Le peuple est très sujet à s'abuser : il prend souvent l'inquiétude et l'impatience pour l'amour de la liberté ; mais il ne veut que changer de maître. Plus sa fièvre est longue, plus il s'affaiblit, et moins il résiste à la main habile qui veut l'enchaîner.
Il est commun de voir des hommes d'un grand sens qui, réunis en assemblée, oublient leur jugement pour suivre le mouvement général donné par les plus exaltés, c'est-à-dire par les moins raisonnables.
On disputera à jamais sur les idées les plus simples, parce qu'il est peut-être impossible de réunir deux hommes qui les conçoivent de la même manière.
L'éducation, si négligée, mènerait peut-être plus loin que l'instruction : c'est elle du moins qui dirige les passions, et où ne vont pas les passions !
Il semble que ceux qui parlent en public doivent répondre de deux choses : d'abord, de leur bon sens ; ensuite de celui des auditeurs.
Un homme de naissance vante ce qui ne lui appartient pas, la gloire de ses aïeux ; et l'on s'offense qu'un homme de mérite ignoré parle de ce qui lui appartient, de ses talents.
Pourquoi tant de protecteurs des gens d'esprit ? Ne serait-ce pas que par-là on se flatte de persuader qu'on est fait pour les juger ?
Ce n'est pas pour le mal que l'honnête homme fait au fripon qu'il en est détesté, mais pour le bien qu'il fait aux autres.
Ah ! si les honnêtes gens pouvaient un jour se liguer ! mais ils craindraient par-là de cesser d'être honnêtes.
Aujourd'hui on passe du collège au gouvernement avec de grandes prétentions : quelle morale a-t-on ? La politesse. Quel but ? La fortune. Quels moyens ? L'intrigue.
Il semble que l'esprit humain ne peut contenir qu'un certain nombre de vérités, mais qu'il a toujours place pour l'erreur.
Suffit-il, pour ne pas mentir, de dire toujours vrai ? Non ! il faut dire tout le vrai.
Quand l'administration est secrète, on peut en conclure qu'il se commet des injustices.
La puissance n'est jamais assez respectée quand la terreur ne marche pas devant elle.
L'honneur veille toujours sur les actions du sage.
La vraie vertu n'écoute que le cri de l'honneur.
Le sentiment persuade mieux que la raison : celle-ci trouve des juges, l'autre se fait des complices.
La pensée du génie est la propriété du genre humain.
La campagne est une belle femme sans coquetterie : il faut la bien connaître pour la bien aimer ; mais quand une fois vous avez senti son charme, elle vous attache pour toujours.
Celui dont la calomnie n'attaque que les discours est bien innocent dans ses actions.
Le courage est une offense, le respect un aveu de servitude aux yeux des grands hommes.
Bien peu d'hommes sont assez responsables pour faire un bon choix.
Le peuple qu'on accable d'impôts finit par n'en plus payer.
Quand les délateurs sont récompensés, on ne manque plus de coupables.
Il n'y a de bonnes lois que dans les lois simples.
Le peuple supporte aisément son malheur quand le gouvernement a l'art de le lui cacher.
L'excès des abus est prouvé par l'excès des efforts qu'on fait pour le cacher.
L'abus d'autorité est le plus grand des délits puisqu'il intéresse tout un peuple.
Le mécontentement a des bornes, la vengeance n'en a point.
La pensée de l'éternité console de la rapidité de la vie.
Quand on voit des fanatiques, on peut prévoir qu'il y aura des sacrilèges.
L'avenir est le meilleur des conseillers, les fous le dédaignent.
Sans l'innocence, la santé et l'indépendance, la gaieté ne saurait exister.
Qu'est-ce qu'un traître ? Un homme qui vend, pour un peu d'or, sa propre estime ; celle de ses concitoyens, celle de l'homme qui l'emploie.
Le peuple prend souvent l'inquiétude et l'impatience pour l'amour de la liberté.
Il est bien corrompu le peuple chez qui la politesse est la première loi !
En morale, il est plus aisé de donner le mouvement que de le régler.
On ferait beaucoup plus de choses si l'on en croyait moins d'impossibles.
Le plaisir de la vanité n'a qu'un quart-d'heure : celui qui suit une bonne action ne fuit pas si vite ; le cœur le conserve pour le temps où la nature semble nous les ôter tous.
La haine se condamne quelquefois à louer pour acquérir le droit de déchirer.
Il faut un goût bien délicat pour être vraiment bienfaisant. Ce goût est peut-être plus rare encore que celui des arts.
L'homme de bien voit l'envie, s'attend à l'ingratitude, et suit sa conscience et son cœur.
La vérité est quelquefois complice de la calomnie.
On accueille avec prudence l'homme qu'on devrait éconduire avec mépris.
L'honneur commence à refuser les honneurs.
Ce n'est pas donner des juges au peuple que de ne lui donner que le tribunal d'un seul homme.
L'honneur ne peut être flétri par les violences de la tyrannie.
L'homme vicieux peut parler de la vertu : il n'appartient qu'à l'homme honnête de la faire sentir.
L'orgueil s'avise quelquefois d'être modeste, le calcul est adroit, mais il ne trompe pas longtemps.
Un homme de bien au gouvernement est une plante étrangère que mille insectes s'empressent de dévorer.
Une maxime nouvelle n'est souvent qu'une brillante erreur.
On se donne bien souvent de la peine pour n'être en définitif que ridicule.
Qui veut s'élever au-dessus de la nature risque fort de descendre au-dessous.
L'esprit s'aiguise à la ville ; il s'attendrit aux champs.
Il est bon, plus souvent qu'on ne pense, de savoir ne pas avoir d'esprit.
L'amitié n'a pas d'équivalent, mais celui qui compte dix amis n'en a pas un.