La cordialité surfait avec autant de plaisir qu'en prend la taquinerie à déprécier.
Dans le morcellement de la vie bourgeoise, les dîners, les soirées de famille tournent autour de personnes qu'on déclare agréables, amusantes, et qui dans le monde ne tiendraient pas l'affiche deux soirs.
Les enfants ont toujours une tendance soit à déprécier, soit à exalter leurs parents, et pour un bon fils, son père est toujours le meilleur des pères, en dehors même de toutes raisons objectives de l'admirer.
Quand les heures s'enveloppent de causeries, on ne peut plus les mesurer, même les voir, elles s'évanouissent et tout d'un coup c'est bien loin du point où il vous avait échappé que reparaît devant votre attention le temps agile et escamoté.
Les femmes qui ont joué un grand rôle dans notre vie, il est rare qu'elles en sortent tout d'un coup d'une façon définitive. Elles reviennent s'y poser par moments (au point que certains croient à un recommencement d'amour) avant de la quitter à jamais.
La vie est semée de ces miracles que peuvent toujours espérer les personnes qui aiment.
L'amour ne nous fait pas mieux connaître ce que les êtres sont vraiment.
Quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir.
La création du monde n'a pas eu lieu au début, elle a lieu tous les jours.
De ce que les hommes médiocres sont souvent travailleurs et les intelligents souvent paresseux, on n'en peut pas conclure que le travail n'est pas pour l'esprit une meilleure discipline que la paresse.
On trouve innocent de désirer et atroce ce que l'autre désire.
L'homme est l'être qui ne peut sortir de soi, qui ne connaît les autres qu'en soi, et, en disant le contraire, ment.
Autrefois on rêvait de posséder le cœur de la femme dont on était amoureux ; plus tard, sentir qu'on possède le cœur d'une femme peut suffire à nous en rendre amoureux.
La constance d'une habitude est d'ordinaire en rapport avec son absurdité.
L'important dans la vie n'est pas ce qu'on aime, c'est d'aimer.
Le souvenir d'une certaine image n'est que le regret d'un certain instant.
La jalousie n'est souvent qu'un inquiet besoin de tyrannie appliquée aux choses de l'amour.
La générosité n'est souvent que l'aspect intérieur que prennent nos sentiments égoïstes.
Quand l'amour finit, l'habitude avait pris sa place.
Un amour a beau s'oublier, il peut déterminer la forme de l'amour qui le suivra.
Les choses éclatantes, on ne les fait généralement que par à-coups.
Pour bien éduquer, il faut certaines vertus.
Comment oublier à jamais quelqu'un qu'on aime depuis toujours ?
Les beautés qu'on découvre le plus tôt sont aussi celles dont on se fatigue le plus vite.
On pardonne les crimes individuels, mais non la participation à un crime collectif.
On dédaigne volontiers un but qu'on n'a pas réussi à atteindre.
Nos habitudes nous suivent même là où elles ne nous servent plus à rien.
Il n'y a pas une idée qui ne porte en elle sa réfutation possible, un mot, le mot contraire.
Ce n'est pas de la mélancolie ni de la pensée, c'est du corps que vient la jalousie.
L'érudition est une fuite loin de notre propre vie que nous n'avons pas le courage de regarder en face.
Je t'embrasse comme je t'aime, de tout mon cœur.
L'ennui est un des maux les moins graves qu'on ait à supporter.
Plus le désir avance, plus la possession véritable s'éloigne.
La jeunesse une fois passée, il est rare que l'on reste confiné dans l'insolence.
L'amour physique force tout être à manifester jusqu'aux moindres parcelles qu'il possède de bonté, d'abandon de soi, qu'elles resplendissent jusqu'aux yeux de l'entourage immédiat.
L'amour le plus physique peut naître sans qu'il y ait eu à sa base un désir préalable.
L'amour naît aussi bien d'un regard de mépris que d'un regard de bonté.
Aimer ses parents c'est prendre sur soi, agir par sa volonté pour leur faire plaisir.
L'absence n'est-elle pas pour qui aime la plus certaine, la plus efficace, la plus vivace, la plus indestructible, la plus fidèle des présences ?
Pour le baiser nos narines et nos yeux sont aussi mal placés que nos lèvres mal faites.
Quand on n'aime plus, on est toujours assez aimé.
Les amoureux timides parlent souvent de banalités jusqu'au moment de se quitter.
Que de bonheurs possibles dont on sacrifie la réalisation à l'impatience d'un plaisir immédiat.
Le chagrin est égoïste, et ne peut recevoir de remède de ce qui ne le touche pas.
À partir d'un certain âge, nos amours, nos maîtresses sont filles de notre angoisse.
Le premier besoin des confidences naît des premières déceptions.
À égalité de mémoire, deux personnes ne se souviennent pas des mêmes choses.
La lâcheté ne sait pas profiter des leçons que la générosité lui donne.
Les vrais paradis sont les paradis qu'on a perdus.
L'amour cause de véritables soulèvements géologiques de la pensée.