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Recueil de poésie et de citations ainsi que des proverbes.

Les citations de Marie d'Agoult.

1 — Qui est Marie d'Agoult ?

Photo de Marie d'Agoult Biographie courte : Femme de lettres et écrivaine française née le 31 décembre 1805 à Francfort-sur-le-Main en Allemagne, Marie de Flavigny, comtesse d'Agoult, connue sous le pseudonyme de Daniel Stern, est décédée le 5 mars 1876 à Paris. Née Marie Catherine Sophie de Flavigny, elle épouse le comte Charles Louis Constant d'Agoult le 16 mai 1827. De cette union sont nées deux filles : Louise (1828-1834), et Claire (1830-1912). Ses principales œuvres : Mes souvenirs (1806-1833), Valentia, Hervé, Julien (1841-1845), Nélida (1846), les Lettres républicaines (1848), les Esquisses morales et politiques (1849), Florence et Turin (1862), Histoire de la Révolution de 1848 (1862), Essai sur la liberté (1863), Dante et Goethe (1866) et les Esquisses morales publiées en 1880. (Source : Wikipédia)

2 — Les 156 pensées et citations de Marie d'Agoult :

L'homme voulait se faire semblable à Dieu ; les prêtres ont fait Dieu semblable à l'homme ; et la vanité de l'esprit humain s'est contentée.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Les femmes qui ont été malheureuses en ménage demandent le divorce ; celles qui aiment leurs maris veulent l'indissolubilité du mariage ; voilà toute leur logique. C'est une nécessité de la vivacité de leurs sentiments et de la faiblesse de leur raison de tout rapporter à l'individuel. Qu'elles me permettent, à ce sujet, une réflexion générale. Étant donnés son infériorité présente, ses connaissances bornées et son caractère amolli, la faculté de changer d'époux ne serait pour la femme que la faculté de changer de maître. Qu'y gagnerait-elle ? De satisfaire la mobilité de ses caprices ? Ce n'est point-là le but de la vie. La fin d'un être libre, c'est de parvenir à toute la dignité, à toute l'excellence de sa nature. Or, pour que la femme atteigne cette fin, il est un divorce préalable, auquel je ne la vois pas songer : c'est le divorce avec son ignorance, avec sa frivolité, avec ses passions puériles. Par ce divorce, qu'il dépend d'elle de prononcer dès aujourd'hui, elle entrera en possession d'une liberté morale qui suppléera d'abord, puis nécessitera la liberté domestique et civile. Sans ce divorce intime, l'autre demeurerait sans fruit ; la condition féminine n'en serait ni meilleure, ni pire.

Marie d'Agoult - Les pensées, réflexions et maximes (1859)

Les hommes de ce temps-ci ne connaissent que deux sortes de femmes : la femme de joie et la femme de peine. L'une qui les amuse après boire, l'autre qui leur apprête à manger. Si, par impossible, l'un d'entre eux venait à rencontrer une compagne véritable, une femme selon Dieu, selon l'amour et la liberté, qu'en ferait-il ?

Marie d'Agoult - Les pensées, réflexions et maximes (1859)

Il est singulier que le plus parfait modèle, le type le plus pur de l'amour féminin, dans toute son énergie, son désintéressement, sa grandeur et sa constance, soit donné à l'histoire et à la poésie, en la personne d'Héloïse, dans un pays où le tempérament et l'esprit des femmes semblent les pousser invinciblement à une coquetterie subtile, légère, égoïste et calculée, qui est l'antipode de la passion.

Marie d'Agoult - Les pensées, réflexions et maximes (1859)

Il me déplaît que les femmes pleurent si abondamment. Elles sont victimes, disent-elles ; mais victimes de quoi ? De leur ignorance qui les rend aveugles, de leur oisiveté qui les livre à l'ennui, de leur faiblesse d'âme qui les retient captives, de leur frivolité qui leur fait accepter toutes les humiliations pour une parure, de cette petitesse d'esprit surtout qui borne leur activité aux intrigues galantes ou aux tracas domestiques. Pleurez moins, ô mes chères contemporaines ! La vertu ne se nourrit point de larmes. Quittez ces gestes, ces attitudes, ces accents de suppliantes. Redressez-vous et marchez ; marchez d'un pas ferme vers la vérité. Osez une fois la regarder en face, et vous aurez honte de vos gémissements. Vous comprendrez que la nature ne veut point de votre immolation stérile, mais qu'elle convie tous ses enfants à une libre expansion de la vie. Elle ne se sert de la douleur que comme d'un aiguillon au progrès. Votre inerte mélancolie, vos vains soupirs et vos douleurs futiles sont contraires à l'énergie de ses desseins. Encore une fois, séchez vos larmes ; prenez votre part de la science un peu amère et du travail compliqué de ce siècle. La société qui se transforme a besoin de votre concours. Méditez, pensez, agissez ; et bientôt le temps vous manquera pour plaindre vos maux chimériques et pour accuser les prétendues injustices du sort, qui ne sont autre chose que le juste châtiment de vos ignorances volontaires.

Marie d'Agoult - Les pensées, réflexions et maximes (1859)

Toute action directe, toute participation aux affaires publiques, étant par nos mœurs interdite aux femmes, le talent n'est pour elles qu'une excitation vaine ; la célébrité les condamne à un isolement retentissant.

Marie d'Agoult - Les pensées, réflexions et maximes (1859)

Ce qui égare les femmes, c'est l'esprit de chimère. Elles le portent dans tout, en religion, en amour, et jusque dans la politique, quand elles y touchent. Cela provient de leur éducation séquestrée et de l'éloignement où on les veut de toute réalité. Elles ignorent également le monde physique et le monde moral. Toutes choses retiennent à leurs yeux un élément de mystère. La sagesse masculine en a décidé ainsi. Je m'étonne que, voyant les résultats, elle ne soit pas tentée d'essayer d'un autre système.

Marie d'Agoult - Les pensées, réflexions et maximes (1859)

On apprend à bien penser comme on apprend à bien coudre, et je souhaiterais que la mode en vînt dans l'éducation des femmes.

Marie d'Agoult - Les pensées, réflexions et maximes (1859)

Ce qui manque essentiellement à l'esprit des femmes, c'est la méthode. De là le hasard introduit dans leurs raisonnements, et trop souvent aussi dans leurs vertus.

Marie d'Agoult - Les pensées, réflexions et maximes (1859)

La tristesse de l'homme moderne, si on l’étudie avec soin, révèle plus encore sa grandeur que sa faiblesse. La conquête du monde fini pouvait combler les ambitions d'Alexandre ; mais quel orgueil, si gigantesque qu'on le suppose, ne s'arrêterait consterné au seuil de ce monde infini que nous ouvre la révélation chrétienne ?

Marie d'Agoult - Les pensées, réflexions et maximes (1859)

Trop souvent une femme arrache à l'homme qui l'aime des actes de faiblesse dont elle est fière. Il est rare qu'un homme voie avec plaisir dans la femme qui se donne à lui le moindre symptôme de force. Hercule, pour plaire à Omphale, dut filer la quenouille ; nous ne lisons pas qu'en revanche il ait invité la belle reine à la chasse du lion de Némée.

Marie d'Agoult - Les pensées, réflexions et maximes (1859)

La morale est l'hygiène de l'âme, comme l'hygiène est la morale du corps.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Il faut aller au loin, dans les lieux solitaires et d'accès difficile, pour chercher la vérité ; l'on ne sort guère de chez soi sans rencontrer l'erreur : L'homme est paresseux, il aime les compagnies faciles.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Ce qui montre le mieux combien l'homme est destiné, par sa nature même, à la vie extérieure, c'est qu'il a chez lui, quand il est forcé d'y demeurer seul, un sentiment d'abandon et d'isolement presque intolérable. La femme, au contraire, sent la maison remplie, animée de sa seule présence. C'est elle qui constitue, à proprement parler, la famille, le foyer. Contemplative, recueillie, sédentaire par nature, son âme est le sanctuaire du Dieu domestique. Elle absente, la maison n'est plus qu'un abri sans consécration, dont la grâce mystérieuse s'est évanouie.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Aimez la vie, la vie vous aimera.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Rien de plus dangereux, de plus haïssable en politique que les mots vagues. Les mots vagues font les hommes fanatiques ; les formules obscures égarent et exaltent les esprits ; le malentendu ensanglante le monde.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Les esprits profonds pénètrent la nature des choses ; ils reconnaissent la rigueur des lois et lisent à la voûte splendide des cieux l'immuable arrêt qui pèse sur l'imbécillité humaine. Les esprits légers flottent de surface en surface ; ils se laissent emporter au hasard de l'événement, entraîner par la mobilité des rapports et leurrer sans cesse par l'apparente nouveauté des phénomènes. Nul cependant n'est satisfait. Les uns gémissent de ne pouvoir rien changer ; les autres, de ce que tout change dans le monde.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Il y a une sincérité haïssable, c'est celle qui ne souffre point à dire une vérité cruelle.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Chaque âge a ses joies, ses satisfactions propres, ses peines et ses déplaisirs.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

On ne sait pas combien, dans l'âme d'un enfant, l'instinct de la justice est clairvoyant et inflexible, même alors qu'il est personnellement intéressé. L'enfant souffre bien davantage de votre amour excessif, partial, aveugle, qu'il ne souffrirait de votre sévérité, si rude qu'elle fût, pourvu qu'elle se montrât équitable.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Nous savons bien ce que nos enfants nous doivent, mais pensons-nous à ce que nous leur devons ? Si nous sommes la sécurité de leur existence, ils sont la grâce de la nôtre. La nature a doué leurs attitudes, leurs gestes, leurs sourires, d'un charme mystérieux, involontaire, qui paye et au delà tous nos soins. Nous exigeons trop d'eux en demandant davantage, et quand nous les nommons ingrats, nous risquons fort de l'être nous-mêmes.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

En contraignant nos enfants, comme on le fait, à recevoir plus de nourriture qu'il ne leur en faudrait, en les bourrant de connaissances indigestes, on en fait des esprits obèses, des cerveaux obstrués, où la vie ne circule plus.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Dans l'enfant, la nature sommeille et fait un beau rêve. Cruels ! vous l'éveillez en sursaut, avant l'heure. Qu'y a-t-il donc de si pressé ? Craignez-vous que le temps lui manque pour souffrir ?

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

L'enfant appartient-il à la famille ou à l'État ? L'enfant n'appartient qu'à Dieu. La notion de possession ne s'applique point à une créature libre. Votre autorité momentanée et conditionnelle n'est qu'un devoir et non un droit. Les parents sont des guides, et non des maîtres.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Un grand esprit sans amour est un phénomène qui nous surprend et nous attriste. On dirait une de ces nuits d'été au Septentrion que l'on appelle nuits d'acier, dont la clarté morne fatigue l'œil et oppresse en quelque sorte la pensée.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Il est des paroles qui montent comme la flamme, et d'autres qui tombent comme la pluie.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Il y a des gens qui, avec peu de paroles, donnent beaucoup à penser ; d'autres qui, avec beaucoup de mots, éveillent peu d'idées. Ils ressemblent à ces deux aiguilles du cadran, dont l'une va très vite et ne marque que les secondes, tandis que l'autre, plus lente en sa marche, désigne les heures.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Il y a un temps du verbe dont on devrait ne pas tant multiplier l'emploi dans le commun discours, c'est l'imparfait du conditionnel. À quoi servent, je vous prie, sinon à fatiguer l'oreille et la conscience, ces perpétuels : J'aurais du prévoir, vous auriez dû faire, etc... ? Les esprits fermes ne s'accommodent guère de ces conjugaisons de regrets inutiles.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Certains esprits d'une trempe particulière, tout à la fois très délicate et très forte, peuvent se hasarder impunément jusqu'à ces limites extrêmes du monde intellectuel où la sagesse touche à la folie et semble parfois se confondre avec elle. Et c'est là, sous des latitudes indécises, en de vagues horizons, à d'étranges et indéfinissables clartés, que se font les plus merveilleuses rencontres de la vie morale.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Il y a trois sortes de bonté qu'il ne faudrait pas confondre : celle qui réside dans l'intelligence, celle qui a sa source dans le cœur, et celle enfin qui naît d'une certaine faiblesse, ou, pour me servir d'un mot moderne, d'une certaine impressionnabilité des nerfs. La première, plus grande, plus calme, plus constante, moins sujette à des excès et à des retours, mais un peu froide en apparence, se rencontre plus fréquemment chez les hommes ; on la pourrait nommer la bonté virile. La troisième, passagère, superficielle, capricieuse, est, hélas ! seule à l'usage de la plupart des femmes. Quant à la seconde, la bonté du cœur, je la tiens pour aussi rare que le génie.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Tout le monde parle de l'amour, et chacun suppose l'avoir éprouvé, une fois au moins, en quelque rencontre de jeunesse, et se croit le droit d'affirmer dans l'âge mûr, suivant que ses souvenirs lui en ont laissé une image riante ou fâcheuse, que l'amour est une charmante faiblesse excusable dans les années d'inexpérience ; ou bien que l'amour est une ardeur des sens aussitôt éteinte que satisfaite ; ou bien encore que c'est la chimère des imaginations romanesques, et qu'on s'égare et se perd à la poursuivre. Mais la passion, la passion de l'amour, qui l'a connue ? Un homme, peut-être, dans un siècle ; et celui-là voudra-t-il, saura-t-il dire ce qu'il a ressenti ? Et s'il le dit, qui le comprendra ?

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Le vulgaire se plaint ou se vante d'être haï, calomnié, aimé, chéri. Le sage ne s'occupe point des sentiments qu'il inspire, mais de ceux qu'il éprouve. Il sait que ce qui est triste, amer, douloureux, ce n'est pas d'être haï, mais de haïr ; que ce qui est doux, noble, grand, divin, ce n'est pas d'être aimé, mais d'aimer.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Le bon conseil vient au bon désir, on est toujours bien conseillé quand on veut l'être.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

L'habitude fait les camarades ; la passion ou l'intérêt fait les complices ; un certain bien commun fait les associés ; il n'est donné qu'à la sincérité et à la franchise de faire les amis.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Le plus utile enseignement de l'expérience, c'est d'apprendre à se supporter soi-même.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Au lieu de chercher absolument à vous consoler d'un malheur, apprenez à vous distraire.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Bien des cœurs en cherchant le bonheur ont rencontré la joie passagère, et tout a fini en larmes.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

L'esprit d'une femme, c'est l'esprit le moins chargé de bagage inutile.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

La femme aime et respecte dans son époux le père de son enfant. Le père retrouve avec attendrissement, dans les traits de son fils, l'image de la femme qu'il aime. Nuance insaisissable au premier abord, mais dont la diversité concourt à l'harmonie de l'union conjugale.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Il ne faut pas croire que la différence des sexes soit purement du domaine de la physiologie ; l'intelligence et le cœur aussi ont un sexe. À mesure qu'une culture plus parfaite aura développé l'homme et la femme, chacun selon son génie propre, l'attrait naturel des âmes sera plus sensible et formera des unions morales plus fécondes en vertus.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Dieu créa l'homme mâle et femelle, disent les Écritures. Identité de nature, diversité de mode d'existence ; but pareil, moyens différents. Dualité dans l'unité, c'est le mystère et le charme de la destinée humaine.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Le sentiment le plus parfait, le plus doux à l'âme, dans sa plénitude tranquille, c'est l'amitié qui succède à l'amour entre un homme et une femme qui n'ont à rougir ni de s'être aimés passionnément, ni d'avoir cessé de s'aimer avec l'ardeur première de la jeunesse.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Les habiles disent, le vulgaire répète.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Un des signes les plus frappants du malaise dont souffre la société, c'est qu'on ne voit plus briller qu'un instant sur les visages le pur éclat de la jeunesse. Bien avant l'âge les fronts se plissent, les tempes se dénudent, les joues se creusent. D'où vient cela ? Hélas ! c'est que chacun se fatigue à se fuir soi-même et cherche, dans l'ivresse des sens ou dans l'ivresse de la pensée, l'oubli d'un temps qui a tant promis et si peu donné.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Dogme chrétien, philosophie éclectique, science athée. Pauvre société tiraillée en tous sens ! Que je te plains, pauvre écartelée !

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Athènes, c'est la jeune mère, au sein fécond, dont le lait pur, abondant et doux, a nourri notre enfance. Jérusalem, c'est la femme étrangère, prévoyante, expérimentée, qui, pour nous rendre forts, vient sevrer nos instincts et frotter d'un fiel amer le sein trop longtemps cherché de notre belle nourrice.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

À peine croit-on avoir fini d'apprendre à vivre qu'il faut commencer d'apprendre à mourir. Point de repos, point de jour férié, dans cette rude école : la destinée humaine.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Si les hommes se rendent mutuellement la vie si amère dans notre civilisation compliquée, c'est bien moins par méchanceté innée, comme le pensent plusieurs, que par une sollicitude inintelligente qui veut pour autrui ce qu'elle aurait voulu pour soi. Tel père ambitieux croit, de la meilleure foi du monde, assurer le bonheur de son fils, timide et rêveur, en le poussant dans une carrière brillante, ingénieur, politicien, ou à l'armée. Tel autre, au contraire, ayant oublié sa jeunesse, retient au foyer les ardentes curiosités de son enfant et lui impose une félicité domestique pour laquelle celui-ci ne se sent nul attrait. Un notaire imagine faire merveille en assurant à son fils, né artiste, la survivance de sa charge. Tous, nous sommes si épris de nous-mêmes que nous voulons nous continuer, nous reproduire identiquement dans ceux qui nous survivent. Il en résulte que presque toutes les vocations sont refoulées, toutes les destinées faussées. Que ne regardons-nous la nature ? Elle nous montre les harmonies infinies produites par l'infinie diversité. Apprenons d'elle à aimer tous les modes, toutes les formes de l'existence. Respectons, protégeons les individualités. Cet ordre que nous poursuivons dans la similitude n'est qu'une monstruosité contraire aux vues providentielles. De stériles et inguérissables souffrances sont le châtiment mérité d'une si aveugle sagesse.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Quand nous avons fait une éducation que nous jugeons accomplie, nous oublions une chose : de rendre grâces à ces éducateurs muets qui ont élevé notre enfant avec nous : le printemps et ses brises embaumées, le vent d'hiver, ses neiges et ses frimas, l'été brûlant et le mélancolique automne : les caresses et les rigueurs, les colères et les sourires de l'Alma parens.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

On inflige sans s'en douter à l'enfant qu'on élève dans la famille un odieux supplice : celui de vivre perpétuellement avec des êtres d'un autre âge. La nature veut que l'homme vive en société de ses contemporains. Quelle tristesse n'envahirait pas notre âme si nous étions condamnés à la compagnie exclusive de vieillards voisins de la caducité ! L'enfant souffre, par notre continuelle présence, des peines analogues.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Si vous voulez supprimer les bagnes, c'est très philanthropique ; mais, de grâce, étendez le bienfait, et supprimez ces travaux forcés auxquels vous condamnez l'enfance.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Cette méconnaissance des lois naturelles qui nous cause d'incalculables souffrances durant tout le cours de notre vie, nous la suçons, pour ainsi dire, avec le lait de nos nourrices, et nos systèmes d'éducation prennent à tâche de la perpétuer. Quel contre-sens n'est-ce pas, en effet, de retenir l'enfant comme nous le faisons, au sein des villes, dans un milieu où tout ce qu'il voit, tout ce qu'il entend, et jusqu'à l'air qu'il respire, est factice ! Quelle cruauté d'astreindre ces êtres où la vie surabonde, ces imaginations vives et mobiles, à une existence sédentaire, monotone, à une science morte qu'ils prennent en haine ou en dégoût ! Leur santé s'altère, leur esprit se rebute, leur corps et leur âme s'étiolent ; et quand l'éducation sociale s'achève, l'harmonie naturelle est à jamais détruite. S'il arrive un jour qu'une organisation exquise en retrouve le sentiment, ce n'est plus qu'en un regret tardif, douloureux, inutile.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Penser et vouloir, c'est là tout l'homme. Que faites-vous en interdisant pendant dix années au moins à l'enfant toute pensée, toute volonté propre ? Vous le déshabituez de vivre.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Inciter à librement vouloir ce qu'il est nécessaire, juste ou utile qu'on fasse, c'est tout le secret d'une éducation rationnelle.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Tout votre orgueil se fonde sur la liberté qui paraît en caractères irréfragables dans la race humaine, et pourtant, dans vos systèmes d'éducation, la chose à laquelle vous songez le moins, ou plutôt que vous combattez à outrance, c'est la faculté de librement penser et vouloir. Vous ne cultivez que deux facultés serviles de l'homme : la mémoire et l'obéissance. Un élève accompli, selon votre pédagogie, est celui dont le cerveau retient tout ce que l'on y met, et dont le caractère subit tout ce qu'on lui impose. Aussi, malgré les constitutions et les codes, qui proclament nos libertés politiques et civiles, sommes-nous en réalité un peuple serf, humblement discipliné à croire la parole écrite, à nous incliner devant l'autorité établie. Observer, penser, vouloir, être enfin par nous-mêmes, en vertu de notre propre force, voilà ce que nous n'apprenons point, ou ce que nous apprenons trop tard.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Un médecin célèbre me dit un jour, en parlant sans vergogne le langage de sa profession : « Je vois que dans la plupart des cas on bat les enfants qu'il faudrait seulement purger. » Je voudrais que ces mots devinssent l'épigraphe d'un traité d'hygiène pédagogique.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

La nature a si manifestement voulu le développement des forces physiques avant le développement des forces mentales, qu'une éducation naturelle, dans la plus parfaite acception du mot, ne serait, pendant les dix ou douze premières années de la vie, qu'une hygiène pédagogique.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

L'homme s'occupe avec intelligence et amour du perfectionnement des espèces inférieures, mais il semble qu'une sorte de spiritualisme aveugle et outré lui défende de songer à l'amélioration de sa propre espèce. Et pourtant, plus il traite son âme en souveraine, plus il doit vouloir qu'elle habite un lieu splendide. Le corps humain est bien loin de répondre à l'idée qu'on se fait d'une résidence royale.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Il faut, pour qu'une société parvienne à toute la perfection dont elle est capable, que l'éducation y soit universelle. Il faut qu'un vaste système, prenant pour point de départ l'égalité, porte, par une sorte d'élection perpétuelle, les intelligences d'élite aux premiers rangs, et distribue aux autres, à chacune selon la culture dont elle s'est montrée susceptible, une part proportionnée du grand travail national.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

L'État ne songe qu'à former des sujets. La famille est inhabile à préparer des citoyens. L'un et l'autre n'ont encore aucun plan sérieux d'éducation pour la femme, c'est-à-dire pour toute une moitié de l'espèce humaine.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

La science, d'accord avec l'expérience, nous montre l'homme indéfiniment modifiable, susceptible de grands perfectionnements et de profonde dégénérescence. Il en résulte, pour la famille et pour la société, un devoir impérieux qui est en même temps un intérêt suprême : le devoir de l'éducation. On peut définir l'éducation : le développement le plus harmonieux possible de la vie commune à l'espèce, et de cette énergie particulière qui constitue l'individu. Une éducation rationnelle ne perd point de vue ce double but. Elle tend tout à la fois à développer dans l'homme ce qui le rend semblable à tous les hommes, et ce qui l'en différencie. Suivant les indications de la nature, elle cultive l'espèce et soigne l'individu. Elle cherche l'unité dans la variété, et la liberté dans l'harmonie. C'est pour avoir exclusivement considéré l'individu ou l'espèce, et pour s'être ainsi éloignés de la nature où tous les phénomènes sont à la fois individuels et relatifs, que les systèmes d'éducation essayés jusqu'à nos jours n'ont aidé que très-imparfaitement, et souvent même ont entravé le cours régulier du génie humain.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

La foi n'est bien souvent qu'une illusion du cœur, plus souvent encore une révolte de l'imagination contre la raison. « Taisez-vous, raison superbe! » s'écrie Bossuet, et s'écrieront avec lui tous les hommes fermement résolus à embrasser les croyances surnaturelles dans leur rigueur. Espérer est plus humain. L'espérance qui n'est, après tout, qu'une foi mêlée d'un peu de doute, ainsi qu'il convient à une créature finie, loin de combattre la raison, en est pour ainsi dire le couronnement. La raison, qui défend de croire aveuglément, conseille d'espérer; et cela suffit bien à une vie où rien n'est absolu, pas même la douleur.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Quand un esprit vigoureux est assailli par le doute, il le saisit, le terrasse, le charge sur ses épaules, et continue de marcher en le portant avec lui.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

De toutes les douleurs qui torturent l'âme humaine, il n'en est guère de plus cruelle que le doute. L'Homme-Dieu le savait bien, aussi l'a-t-il réservée pour son heure suprême. Mon père, mon père, pourquoi m'avez-vous abandonné ? C'est le dernier cri de son humanité mourante, c'est la convulsion dernière de sa divine agonie.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Il est souvent fort peu raisonnable d'avoir trop tôt ou trop complétement raison.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Il y a une certaine façon de dire les choses qui n'est pas précisément la correction grammaticale, qui n'est pas non plus l'art proprement dit, mais qui tient de l'une et de l'autre. C'est un je ne sais quoi qu'on ne peut ni définir ni enseigner, qui se prend, sans qu'on s'en doute, dans le commerce intime des grands écrivains ; c'est ce qu'on pourrait appeler le bon air de la littérature.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Un esprit aimable est celui qui n'est affirmatif que dans la mesure strictement nécessaire.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Le nombre est presque infini des gens qui passent leur vie entière à échanger avec leurs proches, leurs amis et leurs connaissances, des propositions incontestables, telles que celles-ci : Il fait beau ; il pleut ; les enfants sont tapageurs ; il est malsain de s'exposer à l'air humide, etc. Ces personnes semblent même trouver dans ce commerce de paroles insipides une satisfaction véritable. Ô banalité ! déesse clémente aux esprits stériles, à quel culte n'aurais-tu pas droit si l'ingratitude des hommes n'égalait leur indigence !

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Combien l'on retrancherait de paroles de la circulation intellectuelle, si l'on n'en disait que de nécessaires, d'utiles, ou seulement d'agréables ! La plupart des propos ne sont que oiseux. La dignité de l'esprit en souffre. Mais qui d'entre nous songe que l'esprit a sa dignité comme le caractère ?

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Il est fatigant de vivre avec les petits esprits. Comme ils sont incapables d'embrasser l'ensemble des choses, ils ne sauraient donner à aucune sa proportion exacte. Ils chargent les plus minces événements d'un tel amas de commentaires, de considérations, de doléances et de conjectures, qu'on demeure empêché, haletant, et comme étouffé avec eux sous ce lourd bagage de ratiocinations superflues.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Pour peu que l'on y prête quelque attention, l'on reconnaît aisément une sorte d'attrait entre les esprits qui ressemble beaucoup à l'amour d'un sexe pour l'autre. Les esprits virils recherchent avec prédilection le commerce des intelligences féminines, et de ces unions naissent les grandes pensées.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Deux grandes catégories d'esprits incompatibles : ceux que pressent les nobles curiosités ; ceux qui s'amusent aux curiosités vulgaires. Les uns veulent connaître le système sidéral et les mystères de l'âme ; ils interrogent Newton, Leibnitz ou Spinoza. Les autres se demandent comment il se peut faire que le voisin soutienne de si grosses dépenses ou que la voisine n'ait point encore marié sa fille. Ils questionnent les portiers et les femmes de chambre. La plus aisément satisfaite de ces deux catégories ne me semble pas néanmoins la plus enviable.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

L'immense majorité des esprits est parasite. Combien peu d'intelligences tirent leur aliment de la substance même des choses et pompent librement, pour ainsi parler, les sucs primitifs ! Les autres s'attachent où elles peuvent et comme elles peuvent aux racines, aux tiges, aux rameaux, aux feuilles des premières, pour végéter à leurs dépens. Et, chose humiliante pour l'espèce humaine, inconnue aux règnes inférieurs, il se rencontre encore, en quantité assez considérable, des parasites de parasites.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

L'observation a constaté l'existence d'un certain nombre d'animalcules qui naissent après le lever du soleil et meurent avant son déclin. Bien des esprits leur sont semblables, et, prenant les idées à leur milieu, ne soupçonnent jamais ni l'origine, ni la fin des choses.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Avez-vous parfois contemplé dans nos serres cette plante étrange, de la famille des euphorbiacées, à laquelle les botanistes donnent le nom d'Euphorbia splendens ? Votre œil ne l'a-t-il pas admirée entre toutes, frappé qu'il était par le contraste de ses rameaux épineux, rugueux et comme desséchés déjà par la mort, avec l'épanouissement vraiment splendide de sa corolle écarlate ? Ne vous êtes-vous pas rappelé certaines œuvres du génie, qui paraissent d'autant plus merveilleuses qu'elles sortent plus tardives d'un esprit plus assombri, et qu'elles fleurissent tout à coup, à l'âge désenchanté où le vulgaire ne connaît plus que stérilité, rudesse, humeur fâcheuse et chagrine ?

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Le talent dispose, combine, ordonne ; il est réfléchi, il peut être audacieux, enfreindre avec succès certaines règles; il a un bon ou un mauvais goût ; il est traditionnel ou original, selon une mesure appréciable. Le génie invente ; il est spontané ; il ne sait ce que c'est que bon ou mauvais goût, ni que tradition. Ses inspirations seront le goût des générations qui viendront après lui ; le bon goût sera de lui être semblable. Il ne saurait être audacieux parce qu'il est supérieur aux règles ; il n'en connaît point d'autres que de rester lui-même. On ne lui demande pas plus qu'à Dieu s'il n'aurait pas dû faire autrement son œuvre.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

L'homme de génie, c'est celui qui se sent la force et auquel les autres reconnaissent le droit d'être complétement lui-même.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Parler à quelques hommes, échanger par des paroles fortuites qui meurent aussitôt qu'elles ont prononcées l'expression de nos besoins et de nos impressions du moment, c'est une condition commune à tous, une faculté que tous exercent sans plus y songer qu'à respirer ou à se mouvoir. Mais parler à l'humanité dans la langue immortelle de l'art, c'est un privilège suprême réservé à un petit nombre d'êtres qu'on serait tenté de considérer comme appartenant à une création supérieure, intermédiaire entre l'humanité et ces natures d'essence divine dont notre imagination se plaît à peupler les mondes invisibles. Ce privilège si rare est en même temps une magistrature sacrée. Mésuser d'un tel don est un crime. Ô poètes, vous à qui fut donné l'archet d'or, vous dont l'âme, bercée au rythme de la beauté éternelle, a des vibrations magiques qui ravissent l'humanité et l'attirent sur vos traces, n'abusez point pour l'égarer de cette fascination toute puissante. Laissez les fantômes de l'erreur s'agiter dans ces régions moyennes où tout change et s'évanouit ; ne les élevez point dans la sphère immuable du génie ; ne les revêtez pas de gloire.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Pouvoir, en ce monde pervers, être impunément bon, sans réserve et sans mesure, n'est pas donné à tous ; c'est l'heureux privilège des âmes fortes, et c'est pourquoi la force m'a toujours paru si enviable.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)

Le grand art de consoler les douleurs, c'est s'en distraire avec délicatesse. L'amour y est plus habile que l'amitié. L'âme affligée n'est point en garde contre sa muette éloquence, tandis qu'elle se cabre et regimbe contre les discours, même les plus insinuants, de l'amitié.

Marie d'Agoult - Les esquisses morales (1849)
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