On parle beaucoup mieux sa langue quand on ne partage pas son application entre elle et des langues étrangères.
Celui qui saurait l'avenir saurait probablement de fort sottes et de fort tristes choses, et entre autres l'heure de sa mort : ce qui n'est pas extrêmement plaisant à contempler. J'aime mieux au fond de la boîte de Pandore l'espérance que la science.
Dans quelque situation cruelle que nous nous trouvions, que sommes-nous pour murmurer ?
Il ne faut pas se morfondre et s'appesantir sur son ouvrage, cela glace l'imagination.
Les hommes sont excessifs en tout quand ils peuvent.
Il y a des endroits qui font frémir, et d'autres qui font pouffer de rire ; car, Dieu merci, l'intolérance est aussi absurde qu'horrible.
Il est permis d'injurier le genre humain, parce que personne ne prend les injures pour lui ; mais quand on attaque violemment une religion en demandant grâce, on obtient la haine, et point de grâce.
Si chaque ergoteur se disait : « Dans quelques années, personne ne se souciera de mes ergotismes ; » on ergoterait moins.
Il suffit qu'un ouvrage bien conduit et bien écrit ait un petit nombre d'approbateurs ; le petit nombre est toujours celui des élus.
Il est plus sage de réprimer la démangeaison d'écrire qu'il n'est honorable de bien écrire.
Les rédacteurs de la procédure criminelle ancienne ont plus songé à trouver des coupables que des innocents.
Les gens débitent souvent des histoires sur mon compte, non seulement de très extraordinaires, mais aussi de très dangereuses ; c'est la destinée de quiconque a le malheur d'être un homme public. On souhaite d'être ignoré, mais c'est quand il n'est plus temps.
Je suis l'homme qui accoucha d'un œuf, il en avait pondu cent avant la fin de la journée.
Quand une fois les trompettes de la Renommée ont corné le nom d'un pauvre homme de lettres, adieu son repos pour jamais.
On est indigné quand on voit des personnes insulter continuellement des gens qu'ils ne connaissent pas.
Il n'y a que le fanatisme qui ait produit plus de mal que l'athéisme.
Nous sommes presque toujours les artisans de nos disgrâces.
L'homme est né pour l'action, comme le feu tend en haut et la pierre en bas. N'être point occupé et n'exister pas est la même chose pour l'homme. Toute la différence consiste dans les occupations douces ou tumultueuses, dangereuses ou utiles. Job a bien dit : L'homme est né pour le travail, comme l'oiseau pour voler ; mais l'oiseau en volant peut être pris au trébuchet.
Avec du régime nous, chétifs, existons ; et je vois mourir de gros cochons à face rubiconde.
On aura beau faire, mon cher philosophe, quand une fois une nation se met à penser, il est impossible de l'en empêcher. Les hypocrites de robe, les hypocrites de cour, auront beau crier, ils ne trouveront dans les honnêtes gens qu'horreur et mépris. Il faut que le nombre des philosophes augmente et que celui des fanatiques diminue. Nous sommes tranquilles, et tous ces gens-là sont des perturbateurs ; nous sommes citoyens, et ils sont séditieux ; nous cultivons la raison en paix, et ils la persécutent ; ils pourront faire brûler quelques bons livres, mais nous les écraserons dans la société, nous les réduirons à être sans crédit dans la bonne compagnie ; et c'est la bonne compagnie seule qui gouverne les opinions des hommes.
Parlez, agissez, écrivez hardiment ; le temps est venu où le bon sens ne doit plus être opprimé par la sottise. Laissons le peuple recevoir un bât des bâtiers qui le bâtent, mais ne soyons pas bâtés. L'honnête liberté est notre partage.
Il y a beaucoup de jolies sottes en ce monde, et beaucoup de jolies friponnes : vous, vous avez épousé beauté, bonté, et esprit ; vous n'êtes pas à plaindre. Tâchez de joindre à tout cela un peu de fortune ; mais il est quelquefois plus difficile d'avoir de la richesse qu'une femme aimable.
Il est absurde que l'on sache ce qu'un cuisinier nous sert à dîner et qu'on ne sache pas ce qu'un prétendu médecin nous sert quand nous sommes malades. Cet excès d'impertinence et d'insolence n'est pas tolérable !
Je ne crois pas que je chante jamais les presbytères de mes curés. Je leur conseille de s'adresser à leurs grenouilles.
Une jeune femme qui entre dans le monde n'y voit que ce qui peut servir à sa vanité, et l'idée confuse qu'elle a du bonheur et le fracas de tout ce qui l'entoure empêchent son âme d'entendre la voix de tout le reste de la nature.
Il y a dans les affaires un point principal contre lequel toutes les chicanes échouent.
L'honneur du préjugé, parmi nous trop connu, n'est qu'un fantôme vain qu'on prend pour la vertu.
La patrie est un nom sans force et sans effet ; on le prononce encore, mais il n'a plus d'objet.
La morale uniforme, en tout temps, en tout lieu, nous dicte nos devoirs au nom d'un même Dieu.
Chacun s'égare et le moins imprudent est celui-là qui plutôt se repent.
Tous les gens vraiment gais ont le don merveilleux de faire dérider tous les gens sérieux.
Le Français quelquefois est léger et moqueur ; mais toujours le mérite eut des droits sur son cœur.
Un fils ne s'arme point contre un coupable père, il détourne les yeux, le plaint et le révère.
Exterminez, grand Dieu, de la terre où nous sommes, quiconque avec plaisir répand le sang des hommes.
Le peuple français ressemble aux abeilles ; on leur prend leur miel et leur cire, et le moment d'après elles travaillent à en faire d'autres.
Mon cœur qui est couvert d'une peau assez mince est entièrement à vous.
Les circonlocutions sont la marque d'une langue pauvre.
Il est fort impertinent de vouloir deviner ce qu'est Dieu ; il est bien hardi de nier ce qu'il est.
Un fripon de la lie du peuple et de la lie des êtres pensants, patelin et fourbe, voilà ce qui réussit parce qu'il entre par la chatière.
Un homme qui n'est attaqué que dans ses écrits ne doit jamais répondre aux critiques ; car, si elles sont bonnes, il n'a autre chose à faire qu'à se corriger ; et, si elles sont mauvaises, elles meurent en naissant.
Combien je suis éloigné de ces philosophes modernes qui nient une intelligence suprême, productrice de tous les mondes !
Tout ce qui est un éternel sujet de dispute est d'une éternelle inutilité.
Il faut toujours que la femme commande, c'est là son goût : si j'ai tort, qu'on me pende.
Plus je suis ennemi du fanatisme, de cet esprit de faction, d'enthousiasme et de rébellion, plus je suis l'adorateur d'une religion dont la morale fait du genre humain une famille et dont la pratique est établie sur l'indulgence et les bienfaits. Comment ne l'aimerais-je pas, moi qui l'ai toujours célébrée ?
La vérité a des droits imprescriptibles ; comme il est toujours temps de la découvrir, il n'est jamais hors de saison de la défendre.
L'univers m'embarrasse, et je ne puis songer que cette horloge existe, et n'ait point d'horloger.
L'opinion du meilleur des mondes possibles est désespérante pour les philosophes qui l'embrassent.
L'amitié d'un grand homme est un bienfait des dieux.
Quand on est aimé d'une belle femme, on se tire toujours d'affaire dans ce monde.
Qui n'a pas l'esprit de son âge de son âge a tout le malheur.
Quand la populace se mêle de raisonner, tout est perdu.
Le travail éloigne de nous trois grands maux : L'ennui, le vice et le besoin. Travaillons sans raisonner, c'est le seul moyen de rendre la vie supportable.
La guerre, au bout de quelques années, rend le vainqueur presque aussi malheureux que le vaincu.
Les infiniment petits ont un orgueil infiniment grand.
On condamne souvent la vertu, le mérite ; mais quand ils sont connus, il faut les honorer.
La raison est toujours venue trop tard ; c'est une divinité qui n'est apparue qu'à peu de personnes.
Celui qui fait croître deux brins d'herbe où il n'en croissait qu'un rend service à l'État.
Les méchants n'ont que des complices ; les voluptueux ont des compagnons de débauches ; les intéressés ont des associés ; le commun hommes oisifs a des liaisons ; les hommes vertueux ont seuls des amis.
Tout doit être pour un philosophe un sujet de méditation, et rien n'est petit à ses yeux.
Le grand monde est léger, inappliqué, volage : sa voix trouble et séduit ; est-on seul, on est sage.
Les beaux-arts élèvent l'âme, et la culture de l'esprit en tout genre ennoblit le cœur.
Pour cultiver utilement l'esprit qu'on tient de la nature, les réflexions, la lecture sont le plus solide aliment, et son usage est sa parure.
J'étudie depuis quarante ans, ce sont quarante années de perdues ; j'enseigne les autres et j'ignore tout.
L'abstinence ou l'excès ne fit jamais d'heureux.
Il arrive toujours et nécessairement qu'une secte persécutée devient faction.
L'esprit le plus atrabilaire est subjugué quand on cherche à lui plaire.
Le luxe, la magnificence, les arts, tout ce qui fait la splendeur d'un État, en fait la richesse ; et ceux qui crient contre ce qu'on appelle le luxe, ne sont guère que des pauvres de mauvaise humeur.
Ciel, que le temps est un bien précieux ! Tout le consume et l'amour seul l'emploie.
Quiconque fait une grande perte a de grands regrets ; s'il les étouffe, c'est qu'il porte la vanité jusque dans les bras de la mort.
Un homme de lettres ne doit pas être un sot qui abandonne ses affaires pour barbouiller des choses inutiles.
J'ai pris mon parti sur tout et je jette mon bonnet par-dessus les moulins afin de n'avoir plus la tête si près du bonnet.
Les agresseurs en tout genre ont tort devant Dieu et devant les hommes.
Les opprimés ont pour eux tous les esprits qui ne veulent pas être tyrannisés, tous ceux qui détestent le fanatisme.
Il n'est jamais permis à un accusateur de se tromper.
Quelques âmes pieuses croient recevoir d'une communication intime avec le ciel ce qu'elles ne tiennent que de leur imagination enflammée. Elles ont besoin du conseil d'un honnête homme et surtout d'un bon médecin.
Le gouvernement le plus parfait est celui où le pouvoir est le moins arbitraire.
Les journaux sont les archives des bagatelles.
Il est aussi inutile d'argumenter avec un fanatique que de contester à un amant les perfections de sa maîtresse.
Nous devons être heureux de tous les maux qui ne nous arrivent pas, comme la maîtresse de l'avare est riche de ce qu'elle ne dépense pas.
L'écriture est la peinture de la voix : plus elle est ressemblante, meilleure elle est.
Le suicide n'est pas toujours de la folie. Il y a des occasions où un sage peut prendre ce parti ; mais, en général, ce n'est pas dans un accès de raison qu'on se tue.
La plus petite herbe suffit pour confondre l'intelligence humaine, et cela est si vrai qu'il est impossible à tous les hommes réunis de produire un brin de paille si le germe n'est pas dans la terre.
Je suis un adorateur très zélé de la Divinité ; j'ai toujours été très opposé à l'athéisme.
Le fanatique allume la discorde, le philosophe l'éteint.
La lecture me paraît plus nécessaire dans la retraite que la conversation. Il est certain qu'un bon livre vaut beaucoup mieux que tout ce qu'on dit au hasard. Il me semble que celui qui veut s'instruire doit préférer ses yeux à ses oreilles.
Une douzaine d'honnêtes gens qui se font écouter produit plus de bien que cent volumes ! Peu de gens lisent, mais tout le monde converse, et le vrai fait impression.
On a voulu tout perfectionner, et tout a dégénéré : je dégénère aussi tout comme un autre.
L'humilité est le contrepoison de l'orgueil.
Il n'y a point de plaisir sans bienséance.
Un homme a de la fausseté dans le cœur quand il s'est accoutumé à flatter et à se parer des sentiments qu'il n'a pas. Cette fausseté est pire que la dissimulation.
Il faut être bien fort, ou bien fou, pour oser être intolérant.
La calomnie, comme l'hirondelle, va à tire-d'aile.
Les passions sont les vents qui enflent les voiles du navire ; elles le submergent quelquefois, mais sans elles il ne pourrait voguer.
Tout mal arrive avec des ailes, et s'en retourne en boitant. Prendre patience est assez insipide ; vivre avec ses amis, et laisser aller le monde comme il va serait chose fort douce, mais chacun est entraîné comme de la paille dans un tourbillon de vent.
La multitude des lois est, dans un état, ce qu'est le grand nombre de médecins : signe de maladie et de faiblesse.
Connais le monde, et sais le tolérer ; pour en jouir, il le faut effleurer.
La solide affaire qu'on doive approfondir, c'est d'être heureux, et d'avoir du plaisir.
L'homme, ce roi du monde, et roi très fainéant, se contemple à l'aise admirant son néant.
Le secret d'ennuyer est celui de tout dire.
Il est plus rare de trouver des femmes parfaitement belles que de passablement bonnes.