Les infiniment petits ont un orgueil infiniment grand.
Dans les factions comme dans les combats, du triomphe à la chute il n'est souvent qu'un pas.
On condamne souvent la vertu, le mérite ; mais quand ils sont connus, il faut les honorer.
J'ai toujours détesté l'ingratitude ; et, si j'avais des obligations au Diable, je dirais du bien de ses cornes.
La raison est toujours venue trop tard ; c'est une divinité qui n'est apparue qu'à peu de personnes.
Les méchants n'ont que des complices ; les voluptueux ont des compagnons de débauches ; les intéressés ont des associés ; le commun hommes oisifs a des liaisons ; les hommes vertueux ont seuls des amis.
Tout doit être pour un philosophe un sujet de méditation, et rien n'est petit à ses yeux.
Le grand monde est léger, inappliqué, volage : sa voix trouble et séduit ; est-on seul, on est sage.
Les beaux-arts élèvent l'âme, et la culture de l'esprit en tout genre ennoblit le cœur.
Pour cultiver utilement l'esprit qu'on tient de la nature, les réflexions, la lecture sont le plus solide aliment, et son usage est sa parure.
J'étudie depuis quarante ans, ce sont quarante années de perdues ; j'enseigne les autres et j'ignore tout.
L'abstinence ou l'excès ne fit jamais d'heureux.
Le luxe, la magnificence, les arts, tout ce qui fait la splendeur d'un État, en fait la richesse ; et ceux qui crient contre ce qu'on appelle le luxe, ne sont guère que des pauvres de mauvaise humeur.
Ciel, que le temps est un bien précieux ! Tout le consume et l'amour seul l'emploie.
Quiconque fait une grande perte a de grands regrets ; s'il les étouffe, c'est qu'il porte la vanité jusque dans les bras de la mort.
Quelques âmes pieuses croient recevoir d'une communication intime avec le ciel ce qu'elles ne tiennent que de leur imagination enflammée. Elles ont besoin du conseil d'un honnête homme et surtout d'un bon médecin.
L'écriture est la peinture de la voix : plus elle est ressemblante, meilleure elle est.
La plus petite herbe suffit pour confondre l'intelligence humaine, et cela est si vrai qu'il est impossible à tous les hommes réunis de produire un brin de paille si le germe n'est pas dans la terre.
Le fanatique allume la discorde, le philosophe l'éteint.
Une douzaine d'honnêtes gens qui se font écouter produit plus de bien que cent volumes ! Peu de gens lisent, mais tout le monde converse, et le vrai fait impression.
L'humilité est le contrepoison de l'orgueil.
Il n'y a point de plaisir sans bienséance.
Un homme a de la fausseté dans le cœur quand il s'est accoutumé à flatter et à se parer des sentiments qu'il n'a pas. Cette fausseté est pire que la dissimulation.
Il faut être bien fort, ou bien fou, pour oser être intolérant.
Les passions sont les vents qui enflent les voiles du navire ; elles le submergent quelquefois, mais sans elles il ne pourrait voguer.
Connais le monde, et sais le tolérer ; pour en jouir, il le faut effleurer.
Il est plus rare de trouver des femmes parfaitement belles que de passablement bonnes.
Pénétration, science, invention, netteté, éloquence, voilà l'esprit.
À gens d'honneur, promesse vaut serment.
La faim et l'amour, principe physique pour tous les animaux : amour-propre et bienveillance, principe moral pour les hommes. Ces premières roues font mouvoir toutes les autres, et toute la machine du monde est gouvernée par elles. Chacun obéit à son instinct. Dites à un mouton qu'il dévore un cheval, il répondra en broutant son herbe ; proposez de l'herbe à un loup, il ira manger le cheval. Ainsi personne ne change son caractère. Tout suit les lois éternelles de la nature. Nous avons perfectionné la société : oui ; mais nous y étions destinés, et il a fallu la combinaison de tous les événements pour qu'un maître à danser montrât à faire la révérence. Le temps viendra où les sauvages auront des opéras, et où nous serons réduits à la danse du calumet.
Quelque parti qu’on embrasse, l'instinct gouverne la terre. Si on avait attendu des notions distinctes de métaphysique et de logique pour former les langues, on n'aurait jamais parlé. Les langues cependant sont toutes fondées sur une métaphysique très fine dont on a l'instinct. Ainsi les mécaniques existent avant la géométrie.
L'homme n'est point né méchant : Tous les enfants sont innocents ; tous les jeunes gens confiants, et prodiguant leur amitié ; les gens mariés aiment leurs enfants. La pitié est dans tous les cœurs. Les tyrans seuls corrompirent le monde. On inventa les prêtres pour les opposer aux tyrans ; les prêtres furent pires. Que reste-t-il aux hommes ? La philosophie.
La théologie est dans la religion ce que le poison est parmi les aliments.
L'intérêt public est partout que le gouvernement empêche la religion de nuire. Impossible de remédier à la rage des sectes que par l'indifférence. La religion n'est bonne qu'autant qu'elle admet des principes dont tout le monde convient ; de même qu'une loi n'est bonne qu'autant qu'elle fait la sûreté de tous les ordres de l'état : donc il faut laisser à la religion ce qui est utile à tous les hommes, et retrancher tout le reste.
La raison a fait tort à la littérature comme à la religion ; elle l'a décharnée. Plus de prédictions, plus d'oracles, de dieux, de magiciens, de géants, de monstres, de chevaliers, d'héroïnes. La raison seule ne peut faire un poème épique.
Ou mon remède est bon, ou il est mauvais : s'il est bon, il faut le prendre ; s'il est mauvais... mais il est bon. Langage de charlatans en plus d'un genre.
Les grammairiens sont pour les auteurs ce qu'un luthier est pour un musicien.
La lecture agrandit l'âme, et un ami éclairé la console.
C'est être un monstre que de ne pas aimer ceux qui ont cultivé notre âme.
Un esprit cultivé ne nuit point au courage.
L'opprobre avilit l'âme et flétrit le courage.
L'ignorance, en un mot, flétrit toute grandeur.
Le savoir n'est rien sans l'art de vivre.
L'amour-propre est sans bornes quand on ne pense qu'à soi.
Il vaut mieux tard que mal, et cela en tout genre.
La vie est un pèlerinage semé de fleurs où, dans ses derniers jours, les roses sont les plus épineuses.
Un esprit corrompu ne fut jamais sublime.
Plus le coupable est grand, plus grand est le supplice.
Un lion mort ne vaut pas un moucheron qui respire.
Hélas ! le cœur est-il donc maître de renoncer aux lieux où le ciel nous fit naître ? La nature a ses droits ; ses bienfaisantes mains ont mis ce sentiment dans les faibles humains. On souffre en sa patrie ; elle peut nous déplaire ; mais quand on l'a perdue, alors elle est bien chère.
Qui n'a besoin de rien n'est jamais pauvre.
Le temps est assez long pour quiconque en profite.
La fausse pitié est pire que les mépris.
Il faut écrire comme on parle.
Tout mal arrive avec des ailes, et s'en retourne en boitant. Prendre patience est assez insipide ; vivre avec ses amis, et laisser aller le monde comme il va serait chose fort douce, mais chacun est entraîné comme de la paille dans un tourbillon de vent.
La multitude des lois est, dans un état, ce qu'est le grand nombre de médecins : signe de maladie et de faiblesse.
On écrit très mal ce que l'on écrit à contrecœur.
Quand une fois la calomnie est entrée dans l'esprit d'un médisant, elle n'en déloge pas.
Un cœur infortuné n'est point sans défiance.
La médisance est la fille immortelle de l'amour-propre et de l'oisiveté.
La force et la faiblesse arrangent le monde. S'il n'y avait que force, tous les hommes combattraient ; mais Dieu a donné la faiblesse : ainsi le monde est composé d'ânes qui portent, et d'hommes qui chargent.
L'avarice est le partage de ceux qui n'ont pas de goût. S'ils aimaient les arts, les jardins, etc., ils achèteraient ces plaisirs : mais qui n'aime rien et qui s'aime doit aimer son argent, avec lequel on peut satisfaire toutes les fantaisies qu'on espère toujours avoir.
Un vieillard avare qui se plaint pense qu'on en veut toujours aux pauvres riches.
Dans l'âge avancé, la sagesse est donnée pour cacher la décrépitude de l'esprit.
Un vieillard est un grand arbre qui n'a plus ni fruits ni feuilles, mais qui tient encore à la terre.
L'homme est un animal inquiet, et cependant il ne peut souffrir qu'on l'inquiète.
L'opinion est le crépuscule, la science est le jour, et l'ignorance la nuit.
Si l'homme était parfait, il serait Dieu.
Un peu de vin pris modérément est un remède pour l'âme et pour le corps.
Avoir de quoi vivre dans l'indépendance, c'est là le plus grand des biens.
Être parfaitement sage, il n'y a guère d'hommes à qui cette folie n'ait quelquefois passé par la tête.
Nul homme n'est sans erreur, ni roi sans faiblesse.
Passer sa vie à aimer et à penser, c'est la véritable vie des esprits.
La consolation de la vieillesse est de rendre la jeunesse heureuse.
Qui oblige vite, oblige deux fois.
Quand une calomnie est entrée dans l'âme du méchant, elle n'en déloge jamais.
Les choses ont souvent besoin d'être quittées pour être senties, et les personnes pour être jugées.
J'ai fait un peu de bien, c'est mon plus bel ouvrage.
Le véritable éloge d'un poète, c'est qu'on retienne ses vers.
La grande affaire et la seule qu'on doive avoir, c'est de vivre heureux.