Les communications des puissances portent comme toutes les relations entre les hommes, le caractère du temps, de la situation des individus qui gouvernent. Un gouvernement fort et victorieux parle autrement qu'un gouvernement faible et vaincu ; et il convient à une république appuyée sur la justice et la victoire, de rendre son langage prompt, net et public.
Une commission militaire à laquelle un gouvernement envoie des accusés importants ne sait jamais les lui rendre absous.
Les combats que se livrent les peuples par ordre des despotes ressemblent aux coups que deux amis, excités par un instigateur perfide, se portent dans l'obscurité ! Si le jour vient à paraître, ils s'embrassent et se vengent de celui qui les trompait.
Il est quelque fois des cœurs comme des fleuves, qui se réunissent sans confondre leurs eaux.
Avant que l'humanité se jette dans la route de la civilisation, il y a un point de simplicité, d'ignorance et de pureté, où on voudrait l'arrêter, si son sort n'était de marcher à travers le mal vers tous les genres de perfectionnement.
Les circonstances font surgir les hommes.
Un chef de parti voudrait en vain cacher sa pensée, elle se répand de proche en proche et devient bientôt manifeste à tous les esprits.
Singulier exemple du caractère français, de son insouciance, de sa gaieté, de son aptitude au plaisir, dans toutes les situations de la vie.
Un brave homme ne demande pas son congé la veille de batailles.
Il faut admirer les batailles grandes par la conception ou le résultat politique ; mais il faut célébrer surtout celles qui sauvent. On doit l'admiration aux unes et la reconnaissance aux autres.
La banqueroute d'un État consiste à faire supporter à quelques individus, c'est-à-dire aux créanciers, la dette qu'on ne veut pas faire supporter à tous les contribuants.
L'audace est le propre du crime, le calme est celui de l'innocence.
À la suite d'un grand événement, l'attente publique devient un besoin irrésistible qu'il faut satisfaire.
L'athéisme est aristocratique. L'idée d'un grand Être, qui veille sur l'innocence opprimée et qui punit le crime triomphant, est tout populaire.
Rien n'est plus dangereux pour une armée que des familles de fugitifs qu'elle est obligée de recevoir dans ses rangs. Elles embarrassent sa marche, ralentissent ses mouvements, et peuvent quelque fois compromettre son salut.
Une armée est toujours faite à l'image du général. Son esprit passe à ses officiers, et de ses officiers se communique à ses soldats.
Toute armée est attachée au gouvernement qui l'organise, l'entretient, la récompense.
Une armée se trouve quelque fois dans la situation du joueur qui veut regagner son argent, et qui s'expose à perdre encore pour recouvrer ce qu'il a perdu.
Avec de l'argent on pourra toujours se passer d'assignats, tandis qu'il est impossible avec des assignats de se passer d'argent.
L'anarchie menace les républiques à leur naissance et dans leur vieillesse.
Une grande âme se communique à une vaste masse, et la remplit de son feu, en ne s'en fiant à personne de l'exécution de ses ordres ; en voulant tout voir, tout vérifier de ses yeux, tout animer de sa présence.
Les âmes vulgaires ou les hommes coupables craignent toujours de voir tomber leurs semblables, parce que n'ayant plus devant eux une barrière de coupables, ils restent exposés au jour de la vérité.
On n'avoue pas à la face du monde l'ambition de voies machiavéliques.
Un ambitieux n'a jamais d'humeur ; il s'irrite par les obstacles, s'empare du pouvoir et en écrase ceux qui l'ont outragé. Un rhéteur faible et vaniteux se dépite, et cède quand il ne trouve plus ni flatteries ni respects.
Un soldat ambitieux, qui est maître par son épée, et qui veut un trône, se hâte de caractériser son autorité le plus tôt qu'il peut, et d'ajouter les insignes de la puissance à la puissance même.
Il n'y a aucune alliance possible entre le crime et la vertu.
Dans un état d'agitation, l'on suppose à ses adversaires tous les projets qu'on en redoute.
Tout changement trop brusque dans les valeurs amène les spéculations hasardeuses, c'est-à-dire l'agiotage.
C'est lorsqu'on a le plus à faire qu'on est le plus capable de beaucoup faire.
Les partis se rendent absurdité pour absurdité.
Les abrutis se mettent toujours au service du plus fort.
L'inaction est un crime aux yeux des partis qui veulent aller à leur but.
Ce qu'il y a de bienfaisance dans le cœur de l'homme est tout juste au niveau des misères humaines, et c'est tout au plus si les discours incessants de la morale et de la religion parviennent à égaler le remède au mal, le baume à la blessure.
J'aime ma patrie, mais j'aime aussi et j'aime tout autant mon siècle. Je me fais de mon siècle une patrie dans le temps comme mon pays en est une dans l'espace, et j'ai besoin de rêver pour l'un et l'autre un vaste avenir.
Dans les temps de révolutions, la lie des nations s'agite et domine un instant les hommes de bien.
Nous devons rendre justice à tous, même aux implacables ennemis de notre patrie.
Il n'y a d'irréconciliable que le crime et la vertu.
Il n'y a point de crimes en révolutions.
On ne gouverne pas les passions, et surtout celle de la liberté.
Il est une vérité qu'il faut répéter toujours : la passion n'est jamais ni sage ni éclairée, mais c'est la passion seule qui peut sauver les peuples dans les grandes extrémités.
Aucun parti, même celui qui prend l'humanité pour devise, n'est sage dans sa vengeance.
La parole touche beaucoup lorsqu'on est prêt à en venir aux mains, et on se prête volontiers à un arrangement qui dispense de s'égorger.
On pardonne volontiers à un ordre de choses dans lequel on a trouvé place.
L'augmentation du numéraire en circulation fait augmenter proportionnellement le prix de tous les objets.
Il n'y a que l'élite d'une nation qui soit sensible à la gloire, à la liberté, aux idées nobles et généreuses, et qui consente à leur faire des sacrifices.
Tout mouvement d'énergie honore, et perd un peu plus tôt un parti qui lutte contre un mouvement supérieur.
Ce sont toujours les moments de la misère publique que les partis choisissent pour en venir aux mains, et pour faire triompher leurs désirs.
Dans tout État dont les institutions sont représentatives, monarchique ou république, c'est par le choix des ministres que le gouvernement prononce son esprit et sa marche.
Certes la nature ne fait pas tant de monstres pour un jour, et l'esprit de parti égare seul tant d'hommes à la fois ! Triste leçon pour les peuples ! on croit à des dangers, on se persuade qu'il faut les repousser, on le répète, on s'enivre, et tandis que certains hommes proclament avec légèreté qu'il faut frapper, d'autres frappent avec une audace sanguinaire.
Les honnêtes gens n'ont jamais su avoir de l'énergie.
Pour se créer des moyens d'énergie, il faut l'énergie, et tout parti modéré qui veut arrêter un parti violent, est dans un cercle vicieux dont il ne peut jamais sortir.
Un homme de génie aime à faire seul ce qu'il croit être seul capable de bien faire. Le génie n'aime pas à être contrarié dans ses œuvres.
La faiblesse cherche à se donner des espérances plutôt qu'à s'assurer le succès, et elle ne parvient de cette manière qu'à se perdre, en inspirant des soupçons qui irritent autant les partis que la réalité même, car il vaut mieux les frapper que les menacer.
Les gouvernements dominés par les factions n'ont point besoin de donner les ordres dont ils souhaitent l'exécution ; ils n'ont qu'à laisser agir la faction dont ils partagent les vœux.
Le regret veut tout recouvrer, l'ambition veut tout conquérir.
Il est dans la nature des réactions, non seulement de chercher à réparer le mal accompli, mais encore de vouloir des vengeances.
Hélas ! pourquoi faut-il que dans ces temps de discordes la raison ne suffisse pas ?
Vaines prévoyances du génie qui veut éterniser toutes choses, dans un monde mobile et changeant !
La révolution doit tout hâter pour ses besoins. La révolution est à l'esprit humain ce que le soleil d'Afrique est à la végétation.
Un peuple vraiment disposé à s'insurger, éclate, va chercher des chefs, les supplie, les force de se mettre à sa tête, mais n'attend pas qu'on l'organise.