Rien de mauvais pour un bon esprit ; rien de bon pour un mauvais esprit.
Si l'on ne parlait que de ce qu'on sait, on serait trop souvent réduit au silence.
Le bonheur n'est qu'un état précaire, et la crainte de le perdre en empoisonne toujours la jouissance.
On gouverne les hommes plutôt avec son caractère qu'avec son esprit.
La tyrannie pervertit les hommes pour avoir le droit de les opprimer.
La philosophie fait des sages ; la religion fait des hommes vertueux. La première nous perfectionne pour nous-mêmes : la seconde nous perfectionne pour les autres, et immole l'orgueilleux moi humain sur l'autel de la charité.
Le malheur fortifie nos vices et nos vertus, il élève l'âme et l'esprit qu'il ne peut dégrader.
Celui qui nie l'existence de Dieu est comme celui qui croirait n'avoir point eu de père.
Pour arriver au génie souvent il faut passer par le délire.
Les violentes commotions de l'âme, comme les violents exercices du corps, laissent ou plus fort ou plus faible.
La nature et la fortune font plus de sages que la raison.
Les gens qui vieillissent davantage sont ceux qui ont été plus vifs et plus fous dans leur jeunesse ; les ans alors ont beaucoup à leur ôter. Les hommes froids et raisonnables vieillissent peu, parce que l'âge n'a presque rien à changer en eux ; et, pour avoir été moins jeunes, ils le sont plus longtemps. C'est une justice de la nature.
Presque tous les hommes éprouvent, à une certaine époque de leur vie, une fermentation d'idées et de sentiments qui décident de leur sort et de leur mérite. Si les facultés sont suffisamment développées, cette effervescence peut enfanter le génie ou de hautes vertus : dans le cas contraire, elle use les ressorts de l'esprit et de l'âme, et ne produit que de faibles fruits, qui ne parviennent pas à maturité.
Certaines âmes ont besoin de bonheur pour déployer toutes leurs qualités, pour révéler l'excellence de leur nature : le malheur les indispose et les aigrit. Il y en a d'autres qui s'endorment dans la prospérité, et ne découvrent tout ce qu'elles valent qu'aux prises avec l'adversité.
Quand on a de la fierté dans l'âme et de l'élévation dans l'esprit, l'écueil de la modestie n'est pas la bonne fortune, c'est la mauvaise.
Du même fonds où l'on puise la fierté dans le malheur, l'on tire l'affabilité dans le bonheur.
Il y a des personnes qui craignent moins de souffrir que de ne rien sentir, et qui résistent mieux à la douleur qu'à l'ennui. Le calme les consume, l'agitation les fait vivre. Elles aiment mieux voir le ciel tourmenté par l'orage que nébuleux et sombre.
La sagesse humaine ne nous apprend pas à jouir ; elle ne peut suppléer à l'insuffisance de notre nature ; mais elle nous apprend à nous contenter de ce que nous avons, et à savoir le conserver. Elle sert moins à être heureux qu'à ne pas être malheureux, et c'est le seul but où l'homme doit viser en ce monde.
Par notre appréhension et nos inquiétudes continuelles, nous nous faisons plus de mal que la fortune ne nous en fait.
Nous connaissons si peu ce qui nous convient, que souvent nous sommes heureux par l'objet de nos craintes, et malheureux par l'objet de nos plus ardents désirs.
Le bonheur et le malheur sont relatifs à chaque individu. Les événements prennent leur couleur dans notre âme, et reçoivent diverses nuances de notre organisation particulière. Il n'y a peut-être pas deux personnes qu'un même sort pourrait accommoder.
On rencontre parfois le bonheur ; rarement on le fait soi-même ; et quand il arrive, ce n'est presque jamais selon les vœux et les projets que l'on avait formés.
Les souvenirs multiplient et renouvellent le passé. On n'en recueille point d'agréables et de fructueux, si on ne les a semés.
Il y a des gens qui, passant par toutes les épreuves de la vie, sont destinés à beaucoup changer, à gagner beaucoup de lumières et d'expérience, à perfectionner leur jugement et leurs mœurs. II y en a d'autres qui, suivant toujours un même cours, et n'éprouvant aucune vicissitude, aucune traverse, gardent leurs défauts et leurs préjugés, qui ne font que se fortifier avec l'âge.
En France, on s'applique à faire comme tout le monde. En Angleterre, on s'étudie à ne ressembler à personne. Un Français prend le plus grand soin pour ne pas paraître bizarre. Un Anglais craint sur toute chose de passer pour vulgaire.
L'on est sot plus par le caractère que par l'esprit.
Dénigrer est preuve de médiocrité.
Le mérite justifie le succès, il ne le fait pas.
La subtilité est l'arme de l'erreur.
Ce n'est pas l'expérience qui manque aux hommes, mais la volonté d'en profiter. Ce ne sont pas les vérités qui leur manquent, mais le jugement qui sait en faire les applications.
La science et la vertu sont comme ces femmes d'un mérite solide, que l'on commence par courtiser, et que l'on finit par aimer.
La science, ainsi que la vertu, a le privilège d'ennoblir les intentions qui la font cultiver. La vanité, l'intérêt, quelquefois, nous portent à l'étude ; le plaisir nous y attache.
La perfection de la science nous rend simples comme la nature, et le vrai sage est plus près de l'entier ignorant que du demi-savant. Mais quel est donc l'avantage de la science humaine, si son dernier terme est de connaître qu'on ne sait rien ? — C'est de le connaître.
Le temps, qui rouille tant de choses, polit la gloire.
Quand un homme célèbre a rempli une longue carrière, il est rare qu'on n'ait pas à lui en pardonner une partie.
Les applaudissements de la multitude ne produisent que la vanité.
Les encouragements des hommes éclairés développent le talent, s'ils ne le font naître.
Pour être estimé de certaines gens, il suffît souvent de s'estimer soi-même.
Les menteurs finissent par se persuader des fables qu'ils ont inventées.
Rien de plus habile et de plus sot que l'amour-propre : c'est par lui qu'on gouverne, et par lui qu'on se laisse gouverner.